Le traditionnel forum annuel de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) a mis l’accent cette année sur la transition écologique avec le thème « Acteurs pour la planète ». Au programme également de ce forum, qui a permis d’entendre quatre des principaux candidats à l’élection présidentielle, l’atelier intitulé « Changement climatique, est-il déjà trop tard ? » a donné la parole à l’explorateur et médecin Jean-Louis Etienne, au côté du réalisateur et animateur de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) Cyril Dion et du président de Prédict, Alix Roumagnac.
« La première étape est de se mettre d’accord sur le constat en matière de climat », rappelait Cyril Dion. Pour constater que le changement climatique est en cours, Jean-Louis Etienne multiplie les exemples : « En 30 ans, sans matériel spécifique, je vois que là où je marchais sur une épaisse et solide couche de glace en Antarctique, il y a maintenant une vaste étendue d’eau libre ».
1°C supplémentaire correspond à 7 % d'humidité en plus
Un constat que partage Alix Roumagnac à la tête de Predict Services. La société, soutenue par Météo France et par Airbus, a été créée pour aider les usagers menacés par les risques climatiques grâce à une expertise qui combine savoir-faire et des données issues du spatial, de l’hydraulique et de la météorologie…
« Les événements extrêmes dus au changement climatique sont perceptibles depuis longtemps, commence-t-il. Récemment, c’était la tempête Alex dans l’arrière-pays niçois, mais il y a aussi eu les inondations de Nîmes en 1988, celles de Vaison-la-Romaine en 1992, etc. ». Le changement climatique se traduit par le réchauffement global de l’atmosphère, or plus la température de l’air est élevée, plus elle peut contenir d’eau. « Ainsi, une augmentation moyenne d’un seul degré Celsius favorise le stockage de 7 % d’humidité en plus dans l’atmosphère. Cela fait beaucoup d’eau qui retombe sur le sol à l’occasion de phénomènes climatiques extrêmes, poursuit Alix Roumagnac. Nous observons actuellement à Paris des orages intenses qui n’existaient que dans le sud de la France jusqu’à présent. »
« Mediterranean hurricane »
Un autre symptôme du dérèglement climatique causé par les émissions humaines de gaz à effet de serre est celui d’un phénomène qui a même nécessité de créer un nouveau mot pour le qualifier : les « Médicane », soit des « mediterranean hurricane ». « La Méditerranée se trouve hors des eaux tropicales, donc on ne peut pas leur donner le nom de typhons, mais on y trouve désormais des cellules de dépression qui puisent dans l’eau chaude de la mer pour créer ces phénomènes climatiques extrêmes. Ce que nous avons vu avec la tempête Alex, soit plus de 600 mm d’eau qui tombent en quelques heures, c’est un phénomène que nous avons observé à la Réunion ou dans les Caraïbes. Nous constatons une augmentation en fréquence et en gravité de ces phénomènes extrêmes », souligne Alix Roumagnac.
Sous-culture énergétique
Il est donc urgent de s’adapter et d’atténuer nos émissions. Pour Jean-Louis Etienne, l’une des voies possibles réside dans la connaissance des quantités d’énergie phénoménales que nous consommons : « Nous sommes sous-cultivés en matière d’énergie et peu de gens savent à quoi correspond un kW, un GW, un TW, etc. C’est tellement facile d’utiliser cette énergie aujourd’hui. Savez-vous par exemple que le métro parisien consomme l’équivalent de 400 éoliennes de 2 MW ? Ou que les éoliennes les plus récentes, et souvent offshore produisent maintenant de 5 à 18 MW ? ».
Trois piliers pour changer de modèle de société
Pour changer de modèle énergétique, économique et donc de société dans son ensemble, « nous devons aller vers une métamorphose », estime Cyril Dion. Pour le réalisateur, ce type de changement, qu’il compare à la fin de l’esclavage ou de la monarchie, s’est toujours appuyé sur trois piliers : « D’abord, l’émergence de nouveaux récits pour montrer qu’un autre monde est possible. Ensuite, le changement de rapport de force. Enfin, le troisième pilier réside dans la modification des circonstances historiques. Aujourd’hui, la circonstance historique, c’est le changement climatique. Plus ses conséquences seront graves, plus les populations vont se révolter. »
Intelligence des solutions
Pour Jean-Louis Etienne, « les acteurs des travaux publics ont l’intelligence des solutions, maintenant, il faut avoir l’audace de les mettre en œuvre ». Avec une première étape en forme de petit pas : « ne coupez pas les arbres, a-t-il enjoint, avant d’expliquer « un arbre constitue le gîte et le couvert de la biodiversité. Un chêne vieux de 50 ans évapore chaque jour 250 l d’eau par l’évapo-transpiration. Ce sont des acteurs du climat, des acteurs de la biodiversité. Ca met 40 ans à pousser. Ne les décapitez pas ou le moins possible ! »