Les noyaux d'olives, déchet produit en grande quantité par l'Espagne, première productrice d'huile d'olive au monde, sont désormais exploités à Madrid pour le chauffage, en tant qu'énergie renouvelable à bas prix qui suscite pourtant la méfiance des écologistes.
Derrière la porte d'une cave de l'immeuble du 12 Paseo de La Habana, en plein Madrid, une légère odeur âcre d'olives imprègne une atmosphère étouffante.
Un système de chaufferie en aluminium brillant aspire en continu des tonnes de noyaux d'olives, entreposés dans un silo, jusqu'à un poêle où ils sont transformés en braises qui dégagent assez d'énergie pour chauffer seize appartements et bureaux.
"La qualité du chauffage est élevée et plus constante que le gaz naturel ou le charbon, c'est moins salissant et moins laid que le charbon, les coûts sont plus bas et c'est un produit national qui ne nous rend pas dépendants des fluctuations du pétrole", assure le président du syndic de propriétaires, Jorge Tudel.
Le pas a été franchi lorsqu'il a fallu réhabiliter l'ancien système au charbon. L'entreprise contactée, Calordom, qui amorçait son recyclage aux noyaux d'olives, aux écorces d'amande ou aux pépins de raisins, selon les saisons, a proposé ses nouveaux services aux propriétaires qui ont rapidement été convaincus.
La possibilité de recevoir une aide de la région de Madrid, qui encourage financièrement ce type d'installation d'énergie renouvelable depuis deux ans, n'a pas été étrangère à la décision. La contribution publique a représenté 20% de l'investissement d'un total de 100.000 euros.
La première année de fonctionnement, en 2005, les dépenses en chauffage ont été de 17.000 euros pour tout l'immeuble, contre 23.000 euros quand il était chauffé au charbon, soit près de 30% de moins.
L'immeuble est un des 300 bâtiments de la capitale espagnole à s'être converti aux olives, selon Juan Cabello, gérant de Calordom qui comptait un employé quand elle s'est lancée en 2001, quinze aujourd'hui.
"Cette énergie est 100% non polluante, un kilo de noyaux d'olives brûlées, en réalité du bois compressé de façon naturelle, émet la même quantité de gaz carbonique que si on les laissait pourrir", assure Cabello.
"L'utilisation de bois compressé, artificiellement cette fois, existe en Autriche depuis quinze ans, en Allemagne et en France également. En Espagne, la mentalité écologique est encore peu développée", selon lui.
Cabello rappelle qu'"on trouve des olives des Pyrénées à la baie de Cadix" en Espagne, première productrice d'huile d'olives au monde. Mais l'énergie aux olives demeure "insignifiante" en Espagne, comparé au gaz naturel, au pétrole ou au charbon.
Et il faut qu'elle le reste, selon les écologistes, qui craignent les défauts du procédé si l'usage devait se généraliser. Dans ce cas, les cultures énergétiques deviendront "intensives, ce qui suppose une utilisation élevée d'engrais dérivés de pétrole, l'utilisation de machines très demandeuses en pétrole et dans ce cas, le solde énergétique n'est plus positif", explique Sara Pizzinato, de l'organisation internationale Greenpeace.
Selon elle, "il faut que le gaz carbonique émis pour fabriquer cette énergie ne soit pas supérieur à celui qu'elle va émettre ensuite, et que l'énergie générée par ce combustible soit supérieure à l'énergie utilisée pour créer ce combustible".
Un usage excessif de la biomasse brûlée en quantité pourrait avoir des effets inverses à ceux recherchés sur l'environnement: appauvrissement des sols, désertification et changement climatique, avertissent les écologistes.
Marina DE RUSSE (AFP)