Le centre commercial au pied du mur

Immobilier -

Alors que la vacance progresse, l'hybridation des équipements nouveaux et existants n'en est qu'à ses débuts.

 

Réservé aux abonnés
Centre commercial Val d'Europe
Le centre commercial Val d'Europe, détenu par Klépierre, dans la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne).

Lutter contre l'artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d'exploitation commerciale. » La circulaire de Jean Castex aux préfets, en août 2020, donnait le ton. Les professionnels ont à peine digéré ce moratoire que la loi Climat et résilience en a remis une couche cet été. « Il n'y aura plus de nouveaux centres sur des terrains vierges », assure Cédric Ducarrouge, directeur du commerce chez JLL France. Après l'explosion des développements dans les années 2000, à l'origine du « suréquipement » de la France, le ralentissement est flagrant, selon la société de conseil : 220 000 m² créés ont été livrés en 2015, contre 50 000 m² cette année. Quant aux 60 000 m² prévus en 2023, ils ont été pensés avant le Covid, le zéro artificialisation nette (ZAN), etc.

« Un cinquième des projets en travaux ou à l'étude répond à un nouveau triptyque : destruction de l'existant, reconstruction et verticalité », témoigne Gontran Thüring, délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC). Les 80 % restants concernent des rénovations de bâtiments avec un éventuel changement d'usage partiel ou total et des constructions neuves sur des friches, notamment industrielles. Un exemple à suivre, selon lui : l'ensemble Steel, ouvert en 2020 à Saint-Etienne (Loire).

Responsabiliser l'élu. Ce virage place au centre du jeu les maires, jusque-là habitués à rivaliser pour décrocher le plus grand équipement. Selon nos informations, des discussions sont en cours entre le gouvernement et les associations d'élus pour renforcer la responsabilité du président de l'intercommunalité - qui délivre déjà le permis de construire - dans la délivrance de l'autorisation commerciale. Celle-ci ne serait donc plus instruite par la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC), accusée de valider trop facilement les projets. Seraient concernés certains territoires, considérés comme mûrs sur le sujet car, par exemple, dotés d'un système d'observation de la vacance qui a fait ses preuves.

Etabli à 13,6 % selon la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé Procos, le taux d'inoccupation des centres commerciaux a gagné 2 points depuis 2019. Celui du parc commercial à ciel ouvert, avec espaces verts, est stable malgré la crise (9,5 %). « Depuis 2020, l'essentiel des programmes neufs porte sur du retail park, aux coûts de construction moindres. Les loyers tournent autour de 80 à 150 euros/m² par an. C'est deux, voire trois fois moins cher que dans un centre commercial. Les charges d'exploitation, incluant notamment la climatisation et le gardiennage, y sont jusqu'à 10 fois moins élevées », estime Jérôme Le Grelle, directeur du commerce chez CBRE France.

« Le centre commercial de demain se fera nécessairement avec des loisirs, de la restauration et des services. Par exemple, des dentistes et des médecins comme le proposait le projet de la gare du Nord à Paris », anticipe Nathalie Depetro, directrice du Mapic, dont l'édition 2021 qui se tiendra du 30 novembre au 2 décembre fera la part belle aux attractions sportives et aux activités culturelles, complémentaires des enseignes. Attention, toutefois, à « la suroffre restaurative », caractéristique des équipements existants, avertit Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Aux promoteurs, donc, de se différencier. Si la thématique retenue est sportive, les magasins auront comme voisins un mur d'escalade, une salle de musculation… Un autre créneau a été investi par Altarea à Ferney-Voltaire (Ain), près de Genève. Au programme, d'ici à 2025 : 150 boutiques, 17 restaurants et près de 4 000 m² dédiés aux sciences et à la culture.

Stimuler le propriétaire. Pour se faire accepter des élus et habitants en quête de services regroupés, le CNCC mise sur « les 6 millions de m² de passoires thermiques à restructurer », dixit son délégué général. Si le site est en zone dense et bien desservi, il peut devenir un espace intégré dans la ville avec des logements, des bureaux, un data center, un entrepôt… « Une partie des locaux serait dédiée à la formation professionnelle, à un conservatoire ou à une autre activité d'intérêt général », imagine Béatrice Guedj, directrice de la recherche et de l'innovation chez Swiss Life Asset Managers France. En périphérie, le terrain pourrait accueillir des entreprises et des usines, au nom de la réindustrialisation, ou des agriculteurs, renaturation oblige.

Mais qui paiera ? « Les foncières, propriétaires de ces espaces, se sont enrichies pendant des années via un chantage à l'emploi et réclament aujourd'hui des subventions pour sauver leurs centres commerciaux malades », lâche, sous couvert d'anonymat, un conseiller urbanisme d'une association d'élus. Sans surprise, le CNCC table plutôt sur la mise en place d'une mesure incitative afin de stimuler commerçants et propriétaires qui « n'ont pas intérêt à ce que ça bouge », observe Gontran Thüring. « Les occupants font du chiffre d'affaires » tandis que « les petites foncières familiales et propriétaires individuels voient tomber les loyers », selon lui.

D'où cette proposition : « une prime à la casse comme pratiquée dans l'automobile qui vise à renouveler le parc vieillissant, de trente ans en moyenne, développé dans des zones périphériques de façon anarchique ». Le but serait d'indemniser propriétaires et locataires contraints de déménager, grâce au fonds friche de 650 M€ sur 2021-2022 ou via une taxe à créer. Représentant 1 ou 2 euros sur chaque livraison à domicile, celle-ci serait versée par les clients de l'e-commerce. A la clé, une manne de 600 M€ par an.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires