Le BTP s'éveille au télétravail

Ressources humaines -

Attractivité, performance, qualité de vie… Le dispositif profite aux employeurs comme aux salariés.

 

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« Les grèves de la SNCF et de la RATP déclenchées en décembre ont constitué le meilleur instrument de promotion du coworking, du covoiturage, et surtout du travail à domicile ! lance Jacques Perrin, DRH de Demathieu Bard. En effet, ces dernières semaines, le mot “télétravail” n'a cessé d'être prononcé à la radio et à la télévision. » Si ce mode d'organisation exclut de facto certaines fonctions clés comme les compagnons et les chefs de chantier, le BTP n'y échappe pas. Demathieu Bard a ainsi signé un accord sur le sujet en avril 2019, entré en vigueur le 1er janvier. « Mais, compte tenu des circonstances exceptionnelles liées aux mouvements sociaux, certains collaborateurs franciliens nous ont demandé d'anticiper son application », poursuit Jacques Perrin.

D'après une étude publiée en février dernier par le groupe mutualiste Malakoff Médéric Humanis, le télétravail concernait, en 2018, 29 % des salariés tous secteurs confondus en France, dont 51 % de cadres. Alors qu'une ordonnance de septembre 2017 réformant le Code du travail a assoupli les modalités de recours au dispositif, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, n'a pas manqué, en fin d'année, d'inviter les employeurs à le proposer quand c'était possible. Une note publiée en novembre par le ministère de l'Economie en vante en outre les vertus. Hausse de la productivité des salariés, économies sur les dépenses courantes ou encore baisse du turn over et de l'absentéisme…

Des avantages qui n'ont pas échappé à Stève Noël, DRH de Rabot Dutilleul Construction. « Nous avons mis en place, le 1er mars 2019, un accord au niveau du groupe qui donne droit, sous certaines conditions, à un jour de télétravail par semaine. » L'objectif ? « Améliorer la qualité de vie au travail et la performance de l'entreprise, énonce le DRH. L'exercice d'une partie des missions à domicile est en effet de nature à renforcer l'engagement des salariés, car il favorise une meilleure conciliation entre vies privée et professionnelle. » Un enthousiasme partagé par Jacques Perrin. « Travailler de chez soi évite au salarié une perte de temps inutile dans les transports, source de stress, et lui offre un cadre lui permettant de s'extraire du quotidien, et, moins dérangé dans ses tâches, de mieux se concentrer. » Autre enjeu : développer l'attractivité. « Le sujet est d'actualité dans le cadre des recrutements, note Cédric Duquenne, responsable du pôle immobilier BTP au cabinet de recrutement Hays. Aux yeux d'un professionnel avec cinq offres d'embauche entre les mains, le télétravail peut faire la différence, en particulier chez les jeunes. » Encore faut-il que les missions du salarié s'y prêtent. « A l'image des fonctions de la filière des études (prix, structures, méthodes… ), observe Stève Noël. C'est plus difficile s'agissant du conducteur de travaux, métier de terrain avant tout, mais pas impossible : la préparation de la gestion du chantier et les tâches administratives peuvent être réalisées à distance. »

« Confiance et autonomie ». Chez Demathieu Bard, la question du télétravail sera abordée en 2020 par le manager dans le cadre d'un entretien avec son collaborateur, « étant précisé que, s'il suscite en général une appétence, tous les salariés ne souhaitent pas non plus en bénéficier, glisse Jacques Perrin. Nous apprécierons au cas par cas la capacité de l'intéressé à travailler seul à distance sur un projet, à se responsabiliser : les deux maîtres mots du télétravail sont confiance et autonomie ». L'accord en prévoit deux types : l'un, dit « régulier », à raison d'un ou deux jours par semaine, et l'autre, « occasionnel », pour tenir compte des aléas climatiques, de problèmes de transports, mais aussi de contraintes personnelles. « Le télétravail est réversible : nous procéderons à une évaluation a minima une fois par an, complète Jacques Perrin. Des modifications pourront intervenir si l'expérience n'est pas satisfaisante, côté employeur comme côté salarié. » Le recours au travail à domicile peut aussi relever d'une démarche sécurité. L'OPPBTP a par exemple accompagné une entreprise de menuiserie rhônalpine dans sa lutte contre le risque routier et les risques psychosociaux en faveur d'un de ses conducteurs de travaux, qui est alors passé à deux jours de télétravail hebdomadaires. « Le temps que ce professionnel ne passe plus au volant dans les embouteillages, avec 10 000 km de moins par an au compteur, lui permet de mieux préparer ses chantiers », explique Jean-François Canal, conseiller en prévention à l'OPPBTP. A la clé, entre la baisse du carburant utilisé, les pénalités de retard et les malfaçons évitées, près de 11 000 euros d'économies par an.

Mouvement irréversible. « Mais gare au risque d'empiétement sur la vie privée : le salarié doit savoir s'arrêter », prévient Jean-François Canal. Avec 4 % de télétravailleurs à ce jour, le dispositif monte doucement en charge chez Rabot Dutilleul Construction. « A la faveur de retours très satisfaisants, nous voulons aller plus loin, pose Stève Noël. Au sein de notre filiale belge Louis De Waele, précurseure sur le sujet, 80 % des encadrants sont concernés par le télétravail. Et les membres du comité exécutif donnent l'exemple, en en prenant chacun une journée, afin de montrer que l'on n'est pas pointé du doigt, bien au contraire ! » Du côté de Demathieu Bard, « nous évaluerons l'intérêt de ce mode d'organisation sur plusieurs années », imagine Jacques Perrin. Le DRH en est convaincu : « Ce mouvement est irréversible ! »

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