Le BTP en marche : propositions pour un quinquennat constructif (4/4)

Toute la semaine, entrepreneurs, architectes, maîtres d’ouvrage…dévoilent sur LeMoniteur.fr, les mesures qui faciliteraient leur activité. Des mesures précises, utiles et simple à mettre en oeuvre. Aujourd’hui : les propositions en matière de commande publique et d'urbanisme.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Marchés publics et urbanisme

Commande publique

« Lancer un top 100 des meilleurs payeurs de la sphère publique »

Plutôt que de stigmatiser les mauvais payeurs comme le fait la DGCCRF pour le secteur privé avec le « name and shame », il vaudrait mieux valoriser ceux qui sont exemplaires. Un top 100 des meilleurs payeurs de la sphère publique serait émulateur. Le classement pourrait se faire par catégorie d’acheteurs selon les délais de paiement qu’ils ont à respecter. La liste serait établie par un organisme officiel - tel que l’Observatoire des délais de paiement - ayant accès aux données comptables émanant des acheteurs publics.

Autre idée, en complément : élargir la future obligation d’open data de la commande publique aux données essentielles de l'exécution financière des marchés (délais de paiement, montant des avances versées, etc.). Sans créer de charge supplémentaire pour les acheteurs, il serait intéressant d’avoir accès à leurs performances en la matière ainsi qu’à celles des maîtres d'œuvre pour les travaux.

Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du Conseil départemental de la Côte-d’Or

« Faire disparaître le (vieux) principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public »

Il s’agirait de permettre aux ordonnateurs, notamment aux collectivités territoriales, d'effectuer eux-mêmes leurs dépenses et d'encaisser leurs recettes sans l'intermédiaire d'une personne tierce (à savoir les agents de l'Etat). Vestige de la décentralisation, ce principe de séparation fonctionnelle - et les blocages de paiements plus ou moins justifiés auquel il peut conduire - n'est pas sans incidence sur le respect du délai global de paiement des marchés publics. Plutôt que de contrôler les pièces avant le paiement, il vaudrait mieux le faire après avoir rémunéré le fournisseur. Cela pourrait passer par un contrôle a posteriori du paiement du marché par la DGFiP ou les cours régionales des comptes. A défaut, il faudrait poursuivre la modernisation et la simplification de la chaîne de paiement des collectivités.

Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du Conseil départemental de la Côte-d’Or

« Revoir l’accompagnement financier et fiscal des entreprises sur les marchés publics »

«  Il serait utile que la BPI ou un autre organe de financement prenne le relais en cas de retards de paiement abusifs des entreprises titulaires de marchés publics. Cela pourrait prendre la forme par exemple d’avances ou d’un affacturage pour sécuriser la trésorerie des entreprises, sans pour autant fragiliser leurs fonds propres. On pourrait imaginer aussi –je prêche pour ma paroisse, mais l’utilité serait réelle ! – un dispositif d’abattement fiscal pour l’accompagnement des entreprises sur les marchés publics, pour les inciter à répondre davantage aux consultations et augmenter leurs chances… »

Aurélien Tourret, président de la société de conseil en marchés publics Caneva

« Créer un diplôme homologué d’acheteur public »

Avec la réforme des marchés publics, le terme « acheteur » a remplacé celui de « pouvoir adjudicateur ». Cette activité doit être professionnalisée, car certaines entreprises s’imaginent qu’il y a désormais un expert de l’achat dans chaque structure. Elles répondent donc de façon trop technique aux consultations. Il faudrait une formation initiale et continue d’acheteur public homologuée couvrant toutes les dimensions du métier : juridique, économique, technique et responsable.

Julie Massieu, experte achat public et associée à l’agence Déclic (Rennes)

« Supprimer l'obligation des candidats à un marché de délivrer les attestations sociales, fiscales, etc. »

Il faut arrêter de transformer les collectivités locales en contrôleurs de l’Etat qui doivent s’assurer du respect par les entreprises de leurs obligations sociales, fiscales, en matière de détachement, de handicap, d’égalité hommes-femmes, etc. L’application des procédures de marchés publics révèle des coûts cachés pour les collectivités. La solution serait d’accepter la production d'une simple attestation sur l'honneur pour l'ensemble des cas d'interdiction de soumissionner aux marchés publics visés par l'ordonnance du 23 juillet 2016. Après tout, une simple attestation sur l'honneur est suffisante pour les infractions pénales.

Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du Conseil départemental de la Côte-d’Or

« Faire des marchés publics un véritable levier pour l’emploi »

« Les entreprises qui décrochent des marchés publics doivent s’engager en retour à devenir un moteur pour l’emploi. Pourquoi ne pas imposer, pour certains types de marchés, l’introduction d’un critère social d’attribution avec une petite pondération ? La clause sociale est souvent vue comme une contrainte par les entreprises, alors qu’il existe de nombreuses solutions pour y satisfaire, au bénéfice de tous. Les structures d’insertion et entreprises adaptées peuvent souvent gérer de façon très professionnelle un certain nombre de tâches. La publication systématique des sous-critères d’attribution permettrait aussi de mettre en avant plus facilement des préoccupations sociales. Dans le même ordre d’idées, il serait utile de permettre aux acheteurs d’évaluer les entreprises soumissionnaires sur leur politique sociétale (plans d’embauche, taux horaire des salariés, etc.). »

Aurélien Tourret, président de la société de conseil en marchés publics Caneva

« Généraliser le service « Marché public simplifié » »

La candidature en MPS (avec son seul numéro de Siret) devrait être ouverte par principe et ne pas dépendre de la bonne volonté de l’acheteur. Par habitude, les agents - notamment des petites collectivités - interrogent leurs élus sur l’usage du service MPS. C’est comme s’ils demandaient l’autorisation aujourd’hui d’échanger par mail ! Souvent, plusieurs commissions et délibérations se succèdent pour finalement n’autoriser le recours au MPS que sur les procédures adaptées. Pourtant, passer aux marchés publics simplifiés est simple dès lors que la plateforme de dématérialisation est compatible : il suffit de cocher la case MPS et d’ajouter un article dédié dans le règlement de consultation.

Julie Massieu, expert achat public et associée à l’Agence Déclic (Rennes)

« Imposer la publicité des marchés sous les 25 000 euros »

« Depuis le relèvement à 25 000 euros du plafond des marchés publics sans formalités préalables, de nombreuses petites entreprises n'ont plus accès à l'information sur les marchés lancés, et certaines périclitent… D'autant plus que les collectivités pratiquent parfois le saucissonnage de leurs besoins pour passer sous ce plafond, déjà élevé pour beaucoup de TPE (alors que la mise en place plus généralisée de marchés à bons de commande ou d’accords cadre permettrait d’étoffer la concurrence et d’affiner la performance de l’achat). Il faudrait rendre obligatoire une publicité minimale dès le premier euro, par exemple sur les profils d'acheteur. Les personnes publiques y gagneraient d'ailleurs en élargissant le nombre potentiel d'offres ! »

Aurélien Tourret, président de la société de conseil en marchés publics Caneva

« Rendre les dispositions pro-entreprises obligatoires »

Il est bien dommage que les dispositions censées faciliter la vie des entreprises soient laissées à l’initiative des acheteurs. Par exemple, ces derniers peuvent choisir de ne pas offrir aux entreprises la possibilité de régulariser leur offre et leur candidature. Il en est de même pour l’utilisation du service MPS ou encore la signature électronique des offres. Ces divergences de pratiques selon les acheteurs créent un manque de visibilité pour les entreprises. Il faudrait donc imposer l’application des dispositions pro-entreprises existantes.

Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du Conseil départemental de la Côte-d’Or

« Imposer aux acheteurs de ne demander que le strict nécessaire aux candidats »

Les acheteurs publics ne devraient pas avoir la possibilité d’exiger plus que ne permettent les textes. Car qui peut le plus… exagère ! Les entreprises sont perdues, car les pratiques divergent d’un acheteur à un autre.

Pour les marchés de prestations intellectuelles par exemple, les acheteurs demandent souvent une liste des moyens techniques ; or celle-ci n’est pas indispensable. Il faudrait laisser la liberté aux entreprises de se présenter comme elles le veulent via des plaquettes, leur site Internet, etc. Quitte à ce que l’acheteur revienne vers elles pour des compléments.

Julie Massieu, expert achat public et associée à l’Agence Déclic (Rennes)

Urbanisme

« Créer une instruction pour les projets non conformes aux règles d'urbanisme ou de construction »

« Il faudrait simplifier le droit en organisant un parcours spécifique d'examen des demandes d'autorisation de construire qui, bien que ne respectant pas à la lettre les règles d'urbanisme ou de la construction, répondraient aux grands objectifs d'aménagement des communes. Le projet prendrait alors le pas sur la règle. Seraient concernées les opérations exigeant l'intervention d'un architecte. Ce dispositif se substituerait aux mécanismes dérogatoires qui existent aujourd'hui dans les codes de la construction et de l'urbanisme, le dernier en date étant le permis de faire. Il en résulterait une meilleure gestion des écarts à la règle. »

Pascal Planchet, professeur de droit public

« Instaurer un droit à l'expérimentation »

« Il faut libérer les expérimentations dans la construction, en créant un droit spécifique pour tous les acteurs et leur accorder même le droit à l'erreur. C'est un état d'esprit à insuffler, pas une loi à publier. Cela devrait permettre de déroger de manière raisonnée à la réglementation, celle relative aux personnes à mobilité réduite par exemple, mais dans la limite du raisonnable et sur certains projets. En effet, lorsque l'on crée des lieux éphémères, appliquer les mêmes normes que pour des immeubles pérennes n'a aucun sens. »

Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier

« Généraliser la compétence PLU des intercommunalités »

« Il s’agirait de rendre obligatoire l’attribution de la compétence en matière de documents d’urbanisme aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en supprimant l’actuel droit d'opposition des communes. En contrepartie, il faudrait prévoir un droit communal d'opposition aux projets conformes au PLU mais portant une atteinte significative à la qualité du bâti, au paysage ou, plus largement, aux intérêts communaux. Le PLU communal apparaît aujourd'hui de plus en plus comme une formule dépassée. Pour autant, rien n'a été vraiment tenté pour équilibrer la relation intercommunalité-commune. En voici une voie possible qui a le mérite de la simplicité. »

Pascal Planchet, professeur de droit public

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !