Bureau d’études économique, Xerfi vient de publier sa première étude sur le Building information modeling (BIM). Le document intitulé « Le BIM dans la filière du bâtiment – Etat des lieux, enjeux et défis de la maquette numérique » dresse un panorama du BIM en France fin 2015. Afin de mener à bien cette synthèse, son auteur, Vincent Desruelles, directeur d’études pour l’immobilier et le bâtiment chez Xerfi, a passé en revues articles, blogs, rapports et publications sur le sujet. Après un rappel des atouts liés à l’usage de la maquette numérique, il insiste sur les freins qui bloquent encore son déploiement à une large échelle en France.
Les trois révolutions du BIM
Côté points positifs, l’étude Xerfi voit dans une BIM une triple révolution. Dans les modes de travail tout d’abord, puisque le BIM « fait passer la phase de conception d’un processus itératif à une ingénierie dite concourante, avec un gain de temps sur la ressaisie des données et l’identification des conflits potentiels ».
La seconde révolution concerne la réduction des coûts, en particulier au niveau de l’exploitation, « poste qui représente 75% du coût d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie ». Point important souligné dans l’étude : « En construction neuve, il faut que, parmi les livrables attendus, figure une maquette numérique utilisable en exploitation. Autre option pour un bâtiment existant : procéder à la numérisation du patrimoine ». La réduction des coûts concerne également la phase de construction elle-même, « grâce au travail réalisé en amont qui permet un gain de temps, une meilleure organisation, une planification de l’ensemble des étapes, une anticipation des problèmes et une optimisation de la logistique ». Des améliorations qui vont permettre « la réduction de milliers, voire de dizaines de milliers d’heures de travail ».
Enfin, la troisième révolution portée par le BIM concerne l’amélioration de la qualité des constructions et des services aux clients : « Disposer d’un avatar numérique du bâtiment permet de mieux valoriser un bien, car cela permet de disposer rapidement de l’ensemble des informations sur leur patrimoine », rappelle l’auteur de l’étude.
Absence de standard de communication
Pour autant, cinq freins restent à lever pour déployer davantage le BIM en France. Et en premier lieu, l’absence de standard de communication pour le travail collaboratif. En effet, l’échange d’informations entre logiciels différents devrait s’accompagner d’un standard fiable et reconnu par tous. Or, « si le format IFC a été retenu par les différentes professions pour être le standard universel, une grande partie des échanges se fait encore sous format propriétaire. Les communications de données IFC nécessitent des ajustements, ce qui limite les gains de productivité ».
Développer la formation au BIM
La formation au BIM est également un enjeu majeur. Si plusieurs initiatives ont été lancées déjà, l’auteur de l’étude préconise la création de Massive open online courses (Mooc) et l’intégration du BIM à la formation initiale de tous les métiers concernés par ce nouveau processus de travail. « Au Royaume-Uni, où l’usage du BIM sera rendu obligatoire à partir de 2016 pour les marchés publics, le manque de formation et d’expertise en interne apparaissent comme les deux principaux freins », rappelle-t-il.
Atomicité du tissu économique
Le troisième obstacle au développement du BIM tient à la multiplicité des entreprises : « le tissu économique très dense d’artisans et de TPE du bâtiment risque de rester à l’écart du BIM par manque de temps pour se former et par l’absence de demande en ce sens des clients », note Vincent Desruelles.
A qui profite le BIM ?
Le quatrième frein concerne l’incertitude sur la nouvelle rétribution de la création de valeur grâce au BIM. « Le travail en mode BIM a pour conséquence des gains de productivité pour l’ensemble de la phase de maîtrise d’œuvre, grâce aux outils collaboratifs. Mais la réalisation de la maquette initiale, par rapport à un mode de conception traditionnel, est un travail différent qui demande plus d’implication. La création de valeur dans la filière aurait donc tendance à se déplacer plus en amont, ce que devraient logiquement refléter les honoraires pratiqués par les concepteurs de la maquette (en général les architectes). Cette évolution doit donc être prise en compte pour le développement du BIM et la nouvelle rémunération de la valeur créée par la maquette numérique. »
Faire évoluer les mentalités
Enfin, le BIM doit encore entrer dans les mœurs des professionnels du bâtiment. « Une partie des professionnels voit avec méfiance, à tort ou à raison, la volonté de généraliser le numérique à l’ensemble de leur tâche. Certains considèrent que les stratégies marketing des éditeurs de logiciels prennent le dessus sur les besoins réels ».