« Nous tombons des nues : il n’y a eu aucune alerte, il s’agit d’une volonté unilatérale, sans consultation au préalable des acteurs », s’insurge Thierry Klotz, président de la commission formation à la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Ce dernier fait référence au projet de décret dévoilé le 15 avril par AEF info, qui supprimerait l’aide à l’embauche de 6000 € pour les contrats de professionnalisation signés par des personnes de moins de 30 ans et ce, dès le 1er mai 2024.
Pour un secteur du BTP qui fait régulièrement le constat de difficultés de recrutement, c’est un coup dur. « Cela risque de créer un frein sur l’attractivité du contrat de professionnalisation. Il est une vraie force pour nos entreprises pour drainer du personnel », rappelle le représentant de la FNTP.
La Fédération française du bâtiment (FFB) reste plus circonspect, et « s'interroge sur la mise en oeuvre d'un tel décret », et demande, si la mesure est appliquée, qu'elle le soit « à partir du 1er janvier 2025 comme initialement prévu dans le décret du 29 décembre 2023. »
Une aide Covid
En juillet 2020, pendant la crise sanitaire, le gouvernement avait mis en place des aides pour soutenir l'emploi des jeunes avec une prime pour les embauches d'apprentis ou de salariés en contrat de professionnalisation de moins de 30 ans.
Ces aides avaient été prolongées à plusieurs reprises et étaient fixées depuis le 1er janvier 2023 à 6000€ pour un mineur comme pour un majeur.
Des centres de formation en danger ?
Cette mesure pourrait en outre « déséquilibrer » les centres de formation, alerte Thierry Klotz. Selon Constructys, Opérateur de compétences (Opco) de la construction,il y a eu 7723 bénéficiaires de contrats de professionnalisation en 2023, en recul de 6% par rapport à 2022, représentant 69M€ d’engagements.
Dans le détail, le monde du bâtiment serait particulièrement exposé, avec ses 5799 bénéficiaires, suivi des travaux publics (1820) et du négoce (104).
Les Geiq, organisations d’entreprises qui participent à l’insertion de personnes en difficulté, sont aussi concernés. Dans un communiqué, la fédération française des Geiq a ainsi déclaré que ses organismes signent chaque année 10 000 contrats de travail, dont 80% sont des contrats de professionnalisation. Près de 30% de ceux-ci seraient affectés par cette mesure. Pour la fédération, cette augmentation significative du coût du contrat de professionnalisation se ressentira sur le recrutement des jeunes les plus en difficulté.
La FFB demande d'ailleurs que « les Geiq puissent bénéficier d'un statut dérogatoire avec un maintien de la prime ».
Une décision très rapide
Autre point de friction : la rapidité de la mesure. Comme Thierry Klotz, qui dénonce une date d’application au 1er mai « qui ne laisse pas le temps à nos entreprises de s’adapter », la fédération des Geiq explique que ce projet de décret modifierait les conditions financières des embauches prévues dans les prochaines semaines, et conduirait à l’annulation de certaines d’entre elles.
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Pour le directeur de la commission formation de la FNTP, « ces plus de 500 000 M€ d’économies sont contraires aux priorités du gouvernement en termes de formation ». Mais autre chose inquiète la FNTP : « Si le gouvernement s’attaque au contrat de professionnalisation aujourd’hui, il peut aussi s’en prendre au contrat d’apprentissage demain… », remarque Thierry Klotz.
Selon les dernières données de la Dares, il y avait 90 700 personnes en contrat de professionnalisation tout secteur confondu à fin janvier 2024. En 2023, 116 000 avaient débuté.