La valorisation à 100 % avance à pas comptés

Recyclage -

Les outils industriels qui permettent d'atteindre de forts taux de réutilisation des enrobés d'origine sont matures. Mais leur usage doit encore entrer dans les mœurs.

 

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Eiffage a mis au point un procédé dédié au recyclage des enrobés de chaussées. Les restes à recycler sont mélangés sur place grâce à un produit régénérant spécifique.

Au sein des métiers de la route, une poignée d'industriels s'est déjà lancée dans l'aventure de l'enrobé à très fort taux de matériau recyclé. Parmi eux, Eurovia (Vinci) expérimente depuis plus d'un an un procédé qui permet de réutiliser 100 % des restes issus du rabotage d'une ancienne chaussée. Cette technique a été mise en œuvre pour la première fois en octobre 2018 sur l'A 10, en Gironde. Pour atteindre un taux de valorisation si important, l'entreprise s'appuie sur un outil industriel qu'elle a mis au point avec la société Marini-Ermont (Fayat).

Contrairement aux centrales traditionnelles, qui plafonnent à 50 % d'enrobés recyclés, cette usine mobile baptisée TRX 100 % a été équipée de deux tambours : le premier génère de l'air chaud grâce à un brûleur fonctionnant au combustible, et le second, alimenté en gaz par le premier, réchauffe les agrégats d'enrobés. « Grâce à ce dispositif, le bitume résiduel ne se trouve plus au contact direct d'une flamme, ce qui constituait un frein à l'augmentation des taux de recyclage », explique Frédéric Neveu, directeur régional chargé des grands travaux routiers chez Eurovia.

Depuis cette première expérience, les réalisations se sont multipliées. Fin 2019, deux planches expérimentales ont été mises en œuvre sur des routes départementales en Charente et en Charente-Maritime. En parallèle, à l'été 2019, Eurovia a entamé la réalisation d'un tronçon de 2 km sur la RN 141, à proximité d'Angoulême. Le chantier doit se poursuivre jusqu'en avril 2020.

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Les cadences de réalisation sont similaires à celles d'un chantier routier neuf

Un taux lié à la qualité du matériau d'origine. Sur ces trois dernières réalisations, le taux de valorisation a été revu pour atteindre 70 %. « Ce taux dépend de la qualité des matériaux présents sur place. Plus les agrégats sont durs, plus la chaussée est ancienne et mal entretenue, et moins le recyclage sera aisé », justifie Frédéric Neveu. Les cadences de réalisation, elles, restent similaires à celles d'un chantier avec des enrobés neufs : « En moyenne, nous produisons entre 300 et 500 t d'enrobé par heure », chiffre le directeur régional.

Eurovia n'est pas la seule entreprise à tirer les premiers enseignements de la route recyclée, puisque Eiffage a, de son côté, développé une gamme dédiée. Le groupe a ainsi mis au point des produits régénérants, qui permettent de remobiliser plus facilement les anciens enrobés : Recytal est destiné aux mélanges à froid, tandis que Biophalt concerne les produits tièdes. Lors des travaux, l'utilisation de l'émulsion Recytal peut être combinée avec un atelier de retraitement mobile qui joue le rôle de la centrale à enrobés. Grâce à ce procédé, baptisé Recytal-ARM, des taux de valorisation proches de 100 % peuvent être atteints à condition que l'épaisseur rabotée ne dépasse pas les 12 cm.

La méthode a déjà été utilisée sur une dizaine de chantiers de routes départementales et communales en France. « Riches en acides gras, nos produits issus de ressources locales et végétales sont compatibles avec le bitume résiduel des agrégats d'enrobés », assure Simon Pouget, directeur recherche et innovation chez Eiffage Route. Il poursuit : « Notre objectif désormais est de nous orienter vers un “mix routier”, sur le même principe que le “mix énergétique”, combinant l'utilisation de liants renouvelables et de bitume ».

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Des préjugés bien ancrés. Si les industriels sont parvenus à améliorer la maturité de leurs procédés, d'autres freins restent à lever pour observer une réelle augmentation du taux de recyclage. Au niveau national, tous chantiers confondus, celui-ci ne dépasse pas les 15 %. « Ces chantiers expérimentaux tirent la profession vers le haut et font tomber le préjugé selon lequel le neuf serait mieux que le recyclé », analyse David Zambon, directeur de l'Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim).

Derniers maillons de la chaîne, les maîtres d'ouvrage doivent aussi se convertir à cette tendance. Redoutant de voir leur nouvelle route moins pérenne, certains plafonnent encore les taux de recyclage dans les appels d'offres. Sur ce terrain cependant, les mentalités évoluent : « Les grands clients, comme les concessionnaires d'autoroute, ont prouvé que la démarche était possible. De notre côté, nous sommes parvenus à fiabiliser notre procédé, ce qui était notre objectif. A présent que nous sommes visibles, les collectivités commencent elles aussi à nous solliciter », assure Frédéric Neveu.

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