La transformation de bureaux avance à petits pas

Hausse du nombre d'immeubles tertiaires vacants, pénurie de logements dans certaines régions, limitation de l'étalement urbain : tout concourt à stimuler ce marché, qui reste toutefois de niche.

 

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Les nouveaux bureaux d’Icade Promotion Provence
L’immeuble Initial Prado à Marseille. Cédé par Axa, ce bâtiment tertiaire des années 1980 a été restructuré, puis surélevé de trois étages en structure légère pour devenir un R+9. Ses 115 logements ont été livrés en juin dernier.

Le mouvement est encore timide, mais la montée en puissance, bien réelle. « La surface moyenne d'une opération de reconversion de bureaux en logements en Ile-de-France s'élève désormais à 7 000 m², contre 3 500 m² avant 2020 », illustre David Bourla, directeur des études chez Knight Frank France. Le nombre de reconversions d'immeubles tertiaires en logements ou opérations mixtes, principalement en région parisienne, dépasse aujourd'hui la barre des 90, contre une quarantaine en 2019. En parallèle, les programmes restructurés se densifient avec environ 132 logements par projet, contre 70 en 2019, toujours selon Knight Frank France.

La surface vacante en région parisienne - plus gros marché de bureaux de France - vient de passer la barre de 4 millions de mètres carrés selon le GIE ImmoStat. « Le choc Covid sur le bureau en Ile-de-France joue en notre faveur », estime Joachim Azan, président- fondateur de Novaxia, acteur historique du recyclage urbain. La Foncière de transformation immobilière (FTI) fait partie des nouveaux entrants. Avec ses 15 chantiers en cours, essentiellement des bureaux à reconvertir, cette filiale du groupe Action Logement doit générer en deux ans 2 500 logements, en majorité intermédiaires ou sociaux. C'est le cas à Suresnes (Hauts-de-Seine), où l'ancien siège du Conseil national des professions automobiles (CNPA) doit laisser place, d'ici à 2023, à une résidence étudiante sociale de 127 studios.

Les 56 opérations prévues par la FTI, autant en Ile-de-France qu'en région, représentent un potentiel de 7 000 à 10 000 logements. Un volume qui nécessite des recrutements. « Nous prévoyons d'embaucher des développeurs et des investisseurs pour passer de 22 à 31 salariés d'ici à la fin d'année. Nous n'étions que deux au lancement de la société en juillet 2020 », souligne Kevin Maruszak, directeur des relations institutionnelles de la FTI.

Une trajectoire carbone à respecter. A l'image d'Icade, filiale de la Caisse des dépôts, les grands acteurs de l'immobilier se structurent également. L'offre Afterwork by Icade a été lancée en décembre 2021 pour accompagner les propriétaires qui souhaitent transformer leurs bureaux ou les investisseurs en quête d'actifs à reconvertir. « Environ 10 % des 70 personnes que nous prévoyons de recruter cette année pourront rejoindre les 15 développeurs et concepteurs d'Afterwork by Icade, experts internes de la réhabilitation lourde. Cette équipe francilienne est vouée à développer des projets dans les grandes métropoles », confie Emmanuel Desmaizières, directeur général du pôle promotion d'Icade.

La transformation de l'existant, nécessaire pour respecter la trajectoire carbone du groupe, pourrait peser près de la moitié de son chiffre d'affaires en 2025, contre 15 % aujourd'hui. « Le coût technique est supérieur de 10 à 25 % par rapport à un projet classique, selon la complexité de l'opération liée à des percements de structures ou des créations de cages d'escalier, mais il n'est pas un obstacle si l'immeuble est bien situé, comme Initial Prado à Marseille », juge le responsable. Cédé par Axa, ce bâtiment tertiaire des années 1980 a été restructuré, puis surélevé de trois étages. Ses 115 logements ont été livrés en juin dernier.

Les acquéreurs sont généralement au rendez-vous. « Quand le quartier est très demandé, comptez une petite année de commercialisation, soit autant qu'un programme traditionnel », estime Thierry Delavalle, gérant du nordiste Sofide, en copromotion avec son homologue Finapar pour la transformation de l'ancien siège régional d'Orange à Villeneuve-d'Ascq (Nord). Chargée des travaux, l'entreprise générale Demathieu Bard vise la livraison avant la fin de l'année de 303 logements étudiants ainsi que de 124 appartements bâtis sur le reste de la parcelle.

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La solution des immeubles mixtes. Si la faisabilité technique est évidemment un frein, la volonté politique en constitue un autre. « Les collectivités perçoivent le tertiaire comme une recette, et le logement comme une dépense », résume Kevin Maruszak. « Dans les communes huppées de l'ouest de l'Ile-de-France, les maires ne souhaitent pas densifier car cela suppose d'accueillir de nouvelles populations. A l'inverse, dans les villes plus populaires de l'est ou du nord, ils redoutent que l'arrivée de nouveaux habitants n'accélère la gentrification et change l'équilibre politique local », complète David Bourla, de Knight Frank France.

La solution ? Proposer aux élus des immeubles mixtes, avec surfaces commerciales au rez-de-chaussée par exemple, synonymes de taxes foncière et professionnelle. « Les mairies comprennent qu'il n'y a aucun intérêt à garder un actif tertiaire vide, et que sa transformation répond en outre aux objectifs de sobriété foncière et de réduction de l'empreinte carbone », souligne Sébastien Lorrain, directeur chargé de l'immobilier résidentiel de CBRE. Aux maires de sortir le stylo et d'accepter un changement de destination.

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Quatre facteurs favorables. Les planètes sont enfin alignées. D'abord, la crise sanitaire a poussé les entreprises à multiplier les accords de télétravail. Elles vont petit à petit réduire leur empreinte immobilière, en fonction des conditions prévues par leur bail. L'Institut d'épargne immobilière et foncière (IEIF) anticipe, d'ici à 2030, un excès de 3,3 millions de mètres carrés de bureaux en Ile-de-France, soit 6,5 % du parc. Ensuite, alors que ces espaces tertiaires se libèrent, la pénurie de logements persiste. Dans certains territoires, le prix du mètre carré résidentiel dépasse celui du bureau. Le phénomène concerne particulièrement la première couronne au nord de Paris, frappée par un taux de vacance historique, lui-même amplifié par la suroffre de bureaux fraîchement livrés qui déclassent les vieux immeubles. A Clichy (Hauts-de-Seine), où Novaxia a acquis en avril 2021 l'ancien siège de la marque de lingerie Simone Pérèle, le loyer moyen d'un logement (263 euros/m² par an hors charges) est supérieur au loyer facial du bureau (207 euros).

Le virage écologique constitue le troisième facteur. L'Etat a fixé un objectif de zéro artificialisation nette, qui suppose de réutiliser l'existant, bureaux inclus. Les opportunités sont nombreuses aussi du côté des friches industrielles et commerciales. Enfin, « la reconversion de bureaux demande peu de matière et beaucoup de main-d'œuvre », note Emmanuel Desmaizières, d'Icade. Un argument qui fait mouche en pleine crise des matériaux.

Telle une fusée, le marché est prêt à décoller. Mais pourra-t-il viser la lune ? L'objectif fixé par une charte d'engagement pour la transformation en logements de 500 000 m² de bureaux franciliens, signée en 2018 par l'Etat, l'IEIF, l'Union sociale pour l'habitat (USH), Action Logement et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), paraît encore bien lointain…

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