Il a fallu 30 ans au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (19e arrondissement) pour se parer de ses plus beaux habits.
Inauguré en 1991, ce projet de l’architecte Christian de Portzamparc, n’a jamais été réellement réceptionné. « Des désordres liés à des défauts de conception et de mise en œuvre sont apparus peu après sa construction », témoigne Florent Vergez, responsable bâtiment et sécurité du conservatoire.
C’est finalement en 2014, après de nombreux diagnostics techniques, que « les risques de chutes des pierres agrafées en façade ont conduit à sécuriser l’établissement et à le mettre sous filet », explique le responsable. La rénovation devient impérieuse.
Zoom sur la salle d’orgue, ouvrage iconique
Si les travaux des façades se sont déroulés entre 2018 et 2021, l’élément emblématique qui a marqué la fin du chantier a concerné la réfection des façades de la tour d’orgue.
Désolidarisée du reste du bâtiment, cette salle de 250 places, prend la forme d’un cône tronqué incliné. « Ses particularités techniques ne permettaient pas de l’inclure au reste du marché », problématise Pierre-Arnaud Voutay, directeur général adjoint au bureau d’étude Elioth, mandataire sur l’opération. De fait, toute l’enveloppe, ses parties opaques comme ses éléments vitrés, devait être rénovée.
Scans 3D des façades courbes
Modélisé en trois dimensions à partir des plans d’origine, l’ouvrage a également été scanné par un drone par l’entreprise de façade Smac. C’est lors de la dépose des pierres agrafées commencée en mai 2021 et de nouveaux scans 3D que les premières déconvenues sont apparues.
« La coque en béton projeté jusque-là dissimulée sous les panneaux n’avait pas la même courbure que celle des plans d’origine. Nous avons relevé des écarts allant jusqu’à 27 cm entre la cote théorique de la coque en béton et les relevés réels », souligne Pierre Croly, chef de projet façade pour Elioth. « Sans interrompre les travaux, l’entreprise a dû retravailler la géométrie de l’ouvrage pour retrouver la courbure des dessins d’origine, revoir l’excentrement du système d’ossature secondaire ainsi que le calepinage des panneaux », poursuit l’ingénieur.
Des Solid surface remplacent la pierre blanche
Une fois le nouveau modèle établi, la question du choix du matériau est intervenue. La caliza capri, pierre blanche espagnole, utilisée à l’origine ne pouvait faire l’affaire, car « très poreuse, elle s’est dégradée rapidement sous l’effet du ruissellement de l’eau », indique Pierre-Arnaud Voutay.
Avec l’aval de Christian de Portzamparc, elle a donc été remplacée par un matériau de même aspect, exempt de pores et plus facile à entretenir, un « Solid surface » développé par la marque Krion et traditionnellement utilisé en sanitaires.
Finalement, sept poseurs ont installé 1268 panneaux qui composent les 656 m² de façades sur une ossature en aluminium.

Trois verrières atypiques
De même, les trois verrières atypiques par leur dimension, leur géométrie et leurs inclinaisons devaient être refaites. Pour les deux double-peau de 6 m de haut, l’étanchéité à l’eau des châssis inclinés ainsi que leur liaison avec le calepinage, ont constitué le point le plus problématique. La troisième, un oculus ovale en toiture de 2,50 sur 3 m, a dû être fabriquée sur-mesure.
Les maîtres d’œuvre ont d’ailleurs profité de ces travaux pour créer un acrotère et un système de récupération des eaux de pluie en toiture, et pour améliorer les conditions de maintenance. Ces travaux achevés pour un budget de 1,5 millions d’euros, ainsi que la réfection de l’intégralité des façades du conservatoire, la rénovation des intérieurs peut se poursuivre jusqu’en 2025.
Maîtrise d’ouvrage : Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris
Maîtrise d’œuvre : BET Elioth (Egis), avec le concours de Christian de Portzamparc
Entreprises principales pour le marché de la salle d’orgue : Smac (façades), Verre et Métal (menuiseries).
Coût : 22 M€ pour les façades dont 1,5 M€ pour la salle d’orgue