En quelques mois, le sujet de la sobriété énergétique est devenu central dans le discours public, et il commence à s’imposer dans l’opinion. Il ne faut pas bouder son plaisir, même si cette prise de conscience est tardive. Le contrat de performance énergétique (CPE) s’inscrit parfaitement dans cette thématique. Apparu en France dans les années 2010-2012, il s’est répandu au gré des projets de rénovation immobilière et énergétique et a désormais fait ses preuves. Au-delà des près de 330 contrats (publics) repérés par l’Observatoire national des CPE, sans que ce véhicule juridique n’ait déclenché un quelconque contentieux significatif, le CPE s’est tranquillement installé dans le paysage de la commande publique verte. Et bénéficie désormais d’outils contractuels renouvelés.
Flux positif d’investissement
Le CPE permet la réalisation d’économies d’énergie au moyen d’un investissement dans un bâtiment ou une infrastructure dont le coût sera, en tout ou partie, couvert par lesdites économies dans le temps. Cette perspective d’autofinancement du bouquet d’actions d’amélioration de la performance énergétique, appliquée à tous les projets et notamment ceux portant sur l’enveloppe du bâtiment, a longtemps pu paraître déceptive. Désormais, la hausse du coût du kWh raccourcit les temps de retour et rend économiquement plus aisée la démarche. Ainsi, le CPE permet de capturer un flux négatif de fonctionnement (l’économie de charges énergétiques) et de le transformer en un flux positif d’investissement (les actions de rénovation).
Garantie de performance. Sur le plan juridique, le CPE contient en effet une clause centrale, celle de la garantie de performance énergétique. Elle traduit contractuellement l’obligation de résultat qui pèse sur le titulaire : comment mesure-t-on les performances atteintes ? Comment les compare-t-on aux objectifs contractuels ajustés des causes exogènes ne devant ni bénéficier ni peser sur le titulaire (variation du climat, des surfaces chauffées…) ? Comment répare-t-on la sous-performance (indemnisation en numéraire, par travaux confortatifs ou équipements additionnels…) ? Comment récompense-t-on la surperformance ?
Une méthode participative dans le cadre d’Actée 2
Inclus dans la dynamique des schémas pluriannuels immobiliers des acteurs publics, le CPE bénéficie aujourd’hui du retour d’expérience des premiers contrats. Mais, en plus de dix ans, beaucoup de choses ont changé, notamment l’état du droit, avec la mise en œuvre du Code de la commande publique en 2019, et les pratiques de marché. Il était donc temps de revoir en profondeur les documents inclus dans le clausier de 2012 et de mettre à disposition des acteurs publics et privés un ensemble de documents et de modèles à jour.
Telle est l’ambition du clausier élaboré sous l’égide de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) grâce au programme Actée 2 et avec l’accompagnement de LexCity avocats. Actée 2 a été lancé par la fédération dans le cadre du plan de relance national, et officialisé par la publication d’un arrêté du 4 mai 2020 portant sur le dispositif des certificats d’économies d’énergie. Doté de 100 M€, ce programme vise à permettre de rénover partiellement ou entièrement environ 50 000 bâtiments, et cela passe notamment par la fourniture d’outils méthodologiques.
Compromis et équilibre. Pour parvenir à un ensemble documentaire équilibré, un groupe de travail a été réuni entre l’été 2019 et la fin 2021. Il était composé de représentants des acteurs publics locaux et d’entreprises impliquées dans la rénovation énergétique. Ce groupe a recueilli, sur la base de projets présentés par la FNCCR et ses conseils, les observations des uns et des autres pour trouver des compromis là où les positions exprimées étaient contradictoires. Les documents finaux incorporent ainsi les principales avancées obtenues par les entreprises lors de la refonte par Bercy des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) en 2021. Ils donnent dans le même temps une base sécurisée aux collectivités locales et à leurs groupements pour s’engager dans ce processus sans risque pour elles, y compris face à de grands opérateurs.
Contenu du clausier
Le clausier FNCCR (1) regroupe un ensemble de documents nécessaires au lancement et à la passation d’un CPE régi par les règles de la commande publique. Le véhicule retenu est celui du marché global de performance (MGP), successeur des premiers marchés dits « (conception) réalisation exploitation maintenance » (CREM ou REM) intégrés en 2011 dans le Code des marchés publics et dédiés à la performance énergétique dans la perspective des recommandations du rapport sur les CPE remis en 2011 à la ministre de l’Ecologie (2).
Le clausier contient ainsi sept documents :
– Le guide d’utilisation qui comporte focus et recommandations pour accompagner la collectivité dans la mise en place des contrats CPE.
– Des modèles d’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) et de règlements de consultation (RC) applicables en procédure de dialogue compétitif et en procédure avec négociation.
– Un CCAG CPE, qui vient compléter le panel des CCAG (travaux, maîtrise d’œuvre, fournitures et services, etc.) approuvés par arrêtés en 2021.
– Un modèle de cahier des clauses administratives particulières (CCAP) CPE fondé sur le CCAG CPE : il permet de tenir compte des spécificités de chaque projet, ainsi que des usages de chaque maître d’ouvrage.
Le CCAG CPE de la FNCCR
Le corps d’un marché de contrat de performance énergétique en MGP ne peut sans risque juridique renvoyer à l’un des CCAG existants et singulièrement au CCAG travaux, si bien que le CCAP de chaque CPE est habituellement conduit, soit à intégrer en son sein les stipulations générales du CCAG, ce qui rend le CCAP très volumineux et peu digeste ; soit à prévoir des dérogations particulières et pointillistes au CCAG applicable, ce qui rend probable le risque d’oublis et de contradictions – la pratique dominante consistant à recourir à la première de ces deux solutions. Un CPE en MGP aboutit à la rédaction d’un CCAP de 50 à 100 pages, ce qui peut constituer un indice de complexité rédhibitoire pour les acheteurs publics intéressés.
Les acteurs publics disposent désormais d’une boîte à outils pour le moyen et long terme.
Appareillage contractuel simplifié. La rédaction d’un CCAG FNCCR consacré aux CPE en MGP et orienté en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements fournit une réponse pertinente à cette situation. Ce CCAG permet en effet au CCAP de chaque CPE en MGP de ne contenir que les clauses spécifiques au projet (bâtiment[s] concerné[s], objectifs contractuels, etc.) et de renvoyer contractuellement au CCAG FNCCR pour les clauses banales, si bien que l’appareillage contractuel est considérablement simplifié. A noter que, sauf stipulations d’ordre public, le CCAP peut apporter toutes dérogations aux dispositions du CCAG CPE. Il comporte alors une liste récapitulative des articles du CCAG CPE auxquels il est dérogé.
Au moment où la réduction des consommations d’énergie devient une nécessité impérieuse pour tous, les acteurs publics disposent désormais d’une boîte à outils leur permettant de travailler pour le moyen et long terme en ne traitant pas uniquement la question de l’hiver à venir. Cette perspective de temps est d’autant plus nécessaire que, même si la trajectoire actuelle du coût de l’énergie devrait finir pas s’assagir, la pente tendancielle est bien celle d’une hausse. Il faut donc sans tarder préparer l’avenir et limiter les charges énergétiques, sans nécessairement diminuer drastiquement le service rendu aux usagers. •
(1) Clausier disponible ici : https://www.programme-cee-actee.fr/ressources/base-de-ressources/ (« Kit de mise en place d’un contrat de performance énergétique »).
(2) Par Olivier Ortega [NDLR].