A quelle condition la rénovation énergétique peut-elle jouer un rôle clé dans la relance de l’économie, après le confinement ?
La massification de la rénovation énergétique passe par un vrai plan de formation et de soutien national des artisans. Les petites structures à taille humaine, déjà bien formées, ont surtout besoin de maîtriser le dispositif administratif des certificats d’économie d’énergie, pour mieux s’en emparer. Les structures de plus grande taille, récemment entrées sur ce marché, doivent elles mieux s’imprégner de la culture de la rénovation énergétique. La première famille travaille plus souvent en multilots, la seconde en monolots et toutes deux peinent à recruter, alors qu’il y a un fort besoin de renouvellement. La relance passera donc entre autres par une meilleure attractivité de ces métiers.
Les industriels, autres poids lourds de la rénovation énergétique, ont-ils également besoin d’un accompagnement spécifique ?
Les banques ont un rôle à jouer. A l’instar des prêts à taux zéro - trop peu utilisés en France- qu’elles octroient aux particuliers, elles peuvent aussi créer des outils très puissants pour accompagner les entreprises industrielles et tertiaires dans le financement des économies d’énergie. La rentabilité rapide des travaux devrait encourager à la création de ces outils déclencheurs.
L’efficacité énergétique est un facteur de compétitivité : plus les entreprises seront économes en énergie, plus elles sauront attirer les industriels qui voudront relocaliser leur production en France.
Ces économies d’énergie peuvent découler de meilleures pratiques. Les gains ainsi générés permettent d’investir dans des équipements moins énergivores, voire dans des sources d’énergies plus propres. C’est un peu l’esprit du “scénario Negawatt” que le groupe ENR’Cert encourage : d’abord la sobriété, puis l’efficacité et enfin le recours aux ressources renouvelables.
Chez Enr’Cert, comment traversez-vous cette crise ?
Un arrêt franc des chantiers s’est produit : ni les artisans ni les particuliers ne veulent prendre de risques et c’est tout à fait légitime. En attendant que les travaux ne reprennent, en priorité sur les chantiers inoccupés, nous voulons aider les artisans et industriels à préparer au mieux la reprise. Nous intensifions donc les formations sur mesure et à distance. Nos équipes sont pleinement investies, le recours au chômage partiel n’est pas à l’ordre du jour.
Après les industriels, les artisans et les particuliers, espérez-vous intéresser d’autres acteurs à la rénovation énergétique ?
Avant cette crise, nous avons engagé un premier pas en direction des copropriétés, à travers notre engagement aux côtés du programme CEE ‘la Copro des Possibles”, lauréat en 2018 de l’appel à manifestation d’intérêt annuel du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Parallèlement, nous avons créé une entité dédiée aux copropriétés pour pouvoir les accompagner dans leurs projets de travaux. Nous travaillons de plus en plus avec le secteur tertiaire. Parmi les gros consommateurs d’énergie que nous accompagnons figurent les Data Centers (notamment ceux des banques) et la grande distribution, avec ses entrepôts frigorifiques.
Avec quelles spécificités vous êtes-vous hissés, en moins de dix ans, parmi les cinq leaders français de la gestion déléguée des certificats d’économie d’énergie ?
A l’origine de la création d’Enr’Cert, fondé par Thibaut Saguet, président, et moi-même, il y a la nécessité de répondre à un enjeu environnemental essentiel : la réduction des consommations d’énergie. En dix ans, nous avons su construire une approche globale de l’efficacité énergétique, qui associe l’ingénierie technique à l’expertise réglementaire propre aux CEE. Deuxième spécificité : nous nous adressons à tous les consommateurs d’énergie (particuliers, entreprises et collectivités). Troisièmement, et c’est un point majeur, les artisans sont nos partenaires, ce ne sont pas nos sous-traitants.
Pensez-vous que le marché français des certificats d’économie d’énergie trace une voie vertueuse et efficace ?
L’implication de toutes les parties prenantes constitue la grande vertu du système “pollueur-payeur” choisi par la France, et encadré par le pôle national des certificats d’économie d’énergie. Alors que l’Allemagne a pris l’option du financement par une taxe, le système des CEE oblige les énergéticiens à se transformer en acteurs de la transition et en fournisseurs de solutions globales. Les CEE font preuve d’une efficience plusieurs fois soulignée, sous le contrôle permanent de la direction générale de l’énergie et du climat. La montée en puissance a certes connu des à-coups mais progressivement, la maturation des acteurs de la filière doublée d’une massification des contrôles assainissent le marché.