En juillet dernier, l’Anah publiait un appel à offres d’achat de 7 TWh cumac de CEE. Un reste d'actions anciennes liées à la précarité énergétique, mais qui préfigure une situation appelée à se généraliser dès l’année prochaine.
Un pilier Performance couplant MaPrimeRénov' et les CEE
A partir de janvier 2024, la nouvelle architecture des aides à la rénovation énergétique donnera en effet à l’Anah une place centrale pour les rénovations performantes, puisque l’agence distribuera non seulement MaPrimeRénov’ (comme aujourd’hui), mais aussi les certificats d’économie d’énergie (CEE) qui actuellement transitent par des opérateurs de marché (obligés, mandataires, délégataires). « C’est tout à fait similaire à ce que pratiquait l’Anah dans le cadre du programme Habiter mieux, puis de MaPrimeRénov’ Sérénité jusqu’en juillet 2022», souligne Simon Corteville, responsable de la rénovation énergétique et des politiques sociales de l’Anah. C’est d’ailleurs de MaPrimeRénov’ Sérénité que datent les dossiers de CEE sur lesquels a porté l’appel à offres d’achat de juillet dernier.
Cette perspective d’une Anah active à la fois sur MaPrimeRénov’ et sur les CEE, avec un passage obligé vers un acteur agréé MonAccompagnateur Rénov’, fait réagir dans le monde des CEE. Ainsi, le Groupement des professionnels des CEE, présidé par Florence Liévyn (Sonergia), s’interroge sur une possible atteinte concurrentielle, un acteur public se retrouvant en monopole de fait dans un secteur d’activité jusqu’à présent occupé par plusieurs opérateurs privés.
Une inquiétude que l’Anah ne commente pas. « Le fait que l’Anah puisse valoriser des CEE, comme elle l’a fait par le passé, ne remet pas en cause le fonctionnement du marché », estime Simon Corteville. L’agence met en avant la plus grande lisibilité, et donc la plus grande efficacité d’un dispositif unique pour stimuler des rénovations performantes jusqu’à présent au point mort (55 000 l’an dernier). Le montant total de CEE reçus varient selon les offres des délégataires, mandataires ou obligés, et selon les cours des CEE. Dès 2024, l’Anah garantira un montant d’aides pour un projet, puis arbitrera entre CEE et MaPrimeRénov’. Une situation qui ne semble pas poser de problèmes à l’administration, mais qui laisse certains observateurs sceptiques. Les Pouvoirs publics ne demanderont-ils pas à l’Anah de maximiser le volume de CEE pour limiter la dépense publique ? Certains, dans d’autres sphères, s’interrogent même sur la qualification qu’il conviendrait d’apposer sur les CEE ainsi utilisés par l’Anah. Ne s’agirait-il pas d’argent public ? Une requalification qui serait lourde de conséquences.
Quid du pilier Efficacité et de la 6e période des CEE ?
Tous les acteurs des CEE ne sont toutefois pas hostiles à cette refonte. « Nous sommes certes délégataires, mais notre métier a beaucoup évolué, confie Audrey Zermati, directrice stratégie d’Effy. Nous réalisons des travaux. Nous pourrons les réaliser demain dans le cadre du pilier Performance, sachant qu’il restera aussi des possibilités du côté du pilier Efficacité. » Ce dernier accompagnera le monogeste (remplacement d’une chaudière par une pompe à chaleur, par exemple), et les CEE resteront mobilisables en parallèle. Le périmètre définitif du pilier Performance n’est toutefois pas encore certain. L’isolation en fera-t-elle partie ou entrera-t-elle obligatoirement dans le pilier Performance ?
Le périmètre du pilier Efficacité déterminera la part qui restera aux actuels opérateurs de CEE sur le logement privé. Elle risque de se révéler assez faible pour la quantité d’entreprises. Certains regardent déjà vers le tertiaire et l’industrie, d’autant que l’annonce d’un doublement de l’objectif durant la sixième période des CEE, qui démarrera le 1er janvier 2026 (avec un possible relèvement du niveau de l'obligation en 2025) rendra nécessaire l’identification de nouveaux gisements. Pour ceux en tout cas qui auront su se repositionner à temps.