Selon le planning initial, le chantier des deux tours Clement Canopy à Singapour, soit 40 étages et 120 m de hauteur, devrait toujours être en cours. Or, leurs 46 000 m² ont été livrés par notre filiale Dragages fin 2018, soit six mois plus tôt que prévu », se félicite Aurélie Cléraux, responsable construction modulaire et innovation chez Bouygues Bâtiment International. Dans la cité-Etat, l'amélioration de la productivité sur les chantiers a été élevée au rang de priorité. Le gouvernement, aidé par des conditions naturelles favorables (risque sismique et vent très faibles), impose désormais la préfabrication volumétrique sur certaines parcelles. Une contrainte perçue comme une opportunité par la major française qui s'est adaptée en conséquence.
Ainsi, le groupe avait décidé de s'appuyer sur deux sites industriels pour réaliser les tours Clement Canopy. Le premier est celui d'un sous-traitant en Malaisie, qui s'est vu confier la partie béton. « Dans cette usine, les boîtes ont été formées par l'assemblage d'éléments réalisés en 2D », indique Aurélie Cléraux. Le second se trouve à une cinquantaine de kilomètres de là, sur le méga-port de Tuas à Singapour. Outre les salles de bains, entièrement préfabriquées, il s'agissait d'y réaliser les opérations de second œuvre et les finitions, soit entre 20 et 40 lots techniques différents. Un procédé bien rodé où « les modules arrivent sur le chantier entièrement prêt à l'emploi avec les peintures aux murs, les parquets ou les carrelages au sol, les plafonds et les équipements techniques installés », précise la responsable.
Leur mise en œuvre, enfin, a nécessité le recours à deux grues d'une capacité de levage de 35 tonnes pour les éléments les plus lourds, tandis que l'assemblage était assuré par un système d'accroche breveté. Autant d'opérations gérées avec des tolérances de 2 mm, et qui ont supposé une anticipation des interfaces avec le Building information modeling (BIM).
Changement d'échelle industrielle. Fort de ce succès, Bouygues Bâtiment International a inauguré enfin d'année 2018 deux nouvelles lignes de production sur son site de finitions de Jurong Port (Singapour), pour porter sa capacité à 10 000 m². Un outil industriel indispensable à la conduite de trois nouveaux projets dans la ville : les 842 caissons actuellement en production de l'ensemble Perumal, soit 356 appartements à livrer en juin 2020 ; les 2 012 éléments 3D destinés aux 613 logements de Serangoon ; et les 2 514 volumes préfabriqués, répartis à travers plusieurs immeubles de quinze étages pour former 834 appartements d'ici à octobre 2020 dans la résidence Woodleigh Lane.
Le fabricant utilise des moules qui permettent de couler d'un seul tenant cinq des six murs des caissons.
Aucun doute, nous assistons là à un changement d'échelle qui se traduira par des transformations radicales au sein de l'usine. Demain, les compagnons seront équipés d'exosquelettes pour réduire la pénibilité. Et très prochainement, les disparités de durée pour une même tâche seront résorbées, grâce à une analyse lancée il y a sept mois. Après traitement statistique des données collectées auprès des compagnons, une chrono-ana-lyse pour chaque lot technique pourra en effet être réalisée.
Côté outils de production, le constructeur utilise désormais des moules en 3D, qui permettent de couler d'un seul tenant cinq des six murs de chaque caisson. « Ces moules représentent un investissement initial plus élevé, mais leur utilisation accélère le coulage », souligne Aurélie Cléraux. Ils s'avèrent donc particulièrement rentables lorsque de grandes séries sont programmées. En revanche, pour les opérations de moindre envergure, la préfabrication d'éléments en 2D reste plus adaptée.
Toujours en vue d'optimiser la productivité, Bouygues Bâtiment International prévoit de recourir à des robots autonomes qui amélioreront la distribution des matériaux. Et pour aller plus loin, il veut également mettre en place un outil de gestion de la production entièrement numérique, qui devra permettre de suivre l'avancement de chaque module en temps réel.
Des évolutions qui permettront au groupe de BTP de faire-valoir encore davantage son expertise en préfabrication sur d'autres territoires, tels que le Royaume-Uni. Sa filiale britannique a d'ailleurs déjà livré, en juin 2016, l'hôtel Citizen M à Londres, dont les 216 chambres ont été réalisées grâce au modulaire. « Non seulement ce mode constructif existe déjà largement outre-Manche, mais les Anglais cumulent également fort besoin en logements et pénurie de main d'œuvre », explique Aurélie Cléraux. Le constructeur n'en oublie pas pour autant le marché français où il amené plus de 20 projets à ce jour, parmi lesquels l'ensemble Catalpa pour l'armée ou des résidences étudiantes. A plus long terme, il cible les Etats-Unis, l'Australie, Hong Kong et le Moyen-Orient.


