La Nouvelle route du littoral à la Réunion : quatre chantiers en un

C’est parti ! Le chantier de la Nouvelle route du littoral, sur l’île de la Réunion, est désormais lancé. D’ici 2020, ce sont un viaduc en mer de 5 400 mètres de long, 6 700 mètres de digues, un second viaduc de 240 mètres et un échangeur à trois niveaux qui sortiront de terre.

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Nouvelle route du littoral
Le chantier de la Nouvelle route du littoral prévoit notamment de construire un grand viaduc en mer de 5 400 mètres de long au-dessus de l'Océan Indien.

Estimée à 1,66 milliard d’euros, la Nouvelle route du littoral (NRL), sur l’Île de la Réunion, est actuellement l’un des chantiers d’infrastructure routière les plus importants d’Europe. Longue de 12,5 km, cette route – une 2 x 2 voies auxquels s’adjoignent une voie pour les modes doux et une réservation d’emprise pour un futur Transport collectif en site propre (TCSP) – doit devenir, à l’horizon 2020, le nouvel axe stratégique de la Réunion, entre la capitale Saint-Denis, au Nord, et le principal port de commerce de l’île, à l’Ouest.

Cette nouvelle infrastructure, construite pour l’essentiel en mer, à une centaine de mètres du rivage, doit offrir aux automobilistes et aux transporteurs de marchandises des conditions de sécurité accrues par rapport à l’ancienne route du littoral (la RN1), construite en 1976 au pied de falaises abruptes. « Il était devenu impératif de sécuriser cet axe de l’île emprunté par 60 000 véhicules par jour. La route actuelle est constamment menacée par deux risques géologiques majeurs : les chutes de blocs rocheux et les éboulements en grande masse. Plusieurs accidents mortels ont eu lieu à cause de ces phénomènes depuis la construction de la route », indique Olivier Tricoire, directeur d’opération adjoint pour la région Réunion.

Plusieurs scénarios envisagés

Plusieurs scénarios ont été envisagés pour donner corps à cette Nouvelle route du littoral qu’appellent de leurs vœux les élus de l’île depuis le milieu des années 1990. Ainsi, le creusement de tunnels dans le massif réunionnais a été jugé trop coûteux et risqué – des marchandises dangereuses transitent chaque jour entre le port de commerce et Saint-Denis. De même, la création d’un axe passant par le haut des falaises n’a pas été retenue par le comité d’experts en charge de la NRL, lequel a estimé qu’il présentait des contraintes techniques trop importantes.

Enfin, la construction de « casquettes » directement sur les parois rocheuses, surplombant la route du littoral actuelle, a été écartée en raison de leur vulnérabilité à des éboulements en grande masse. « Au final, les experts se sont mis d’accord sur le projet tel qu’il se présente aujourd’hui : la réalisation de 6,7 km de digues, d’un long viaduc en mer de 5,4 km, d’un second viaduc de 240 mètres, au niveau du site de la Grande Chaloupe, et d’un échangeur à La Possession », fait savoir Dominique Fournel, vice-président de la région Réunion et délégué à la NRL.

Faire face aux houles cycloniques centennales

Avec ses 5 409 mètres de long, le Viaduc du littoral, construit par un groupement d’entreprises composé de Vinci Construction Grands Projets, Bouygues Travaux Publics, Dodin Campenon Bernard et Demathieu Bard Construction, est l’ouvrage phare de la NRL – le plus important viaduc en mer de France, selon ses promoteurs, « deux fois plus long que le pont de l’Île de Ré ! », précise Dominique Fournel. Dimensionné pour faire face aux houles cycloniques centennales, cet ouvrage impressionnant, dont le tablier est en mono-caisson en béton précontraint (de hauteur variable), reposera sur 48 piles – la travée courante est de 120 mètres – et sur deux culées (aux deux extrémités, à la jonction avec les digues).

« Ces piles et les méga-voussoirs [un assemblage de trois voussoirs spécifiques et de deux paires de voussoirs courants pesant 2 400 tonnes, NDLR] seront acheminés sur le chantier par voie maritime, grâce à une méga-barge de 107 mètres de long, 44 mètres de large et d’une capacité de charge de 4 800 tonnes, en cours de construction sur le chantier naval international Crist en Pologne. Les voussoirs courants, quant à eux, seront amenés par la route, de nuit, et assemblés par encorbellements successifs à l’aide d’une poutre de lancement », décrit Alain Gagey, directeur de projet NRL pour Egis.

Actuellement, des sondages de reconnaissance géotechnique sont réalisés dans l’océan, au droit de chaque pile, grâce à la plateforme dédiée Adriana. Ces sondages – effectués, pour l’heure, à 50 % – révèlent un terrain homogène composé de sables graves et de galets très compacts.

10 millions de tonnes de remblais pour la réalisation des digues

Conçues, elles aussi, pour résister aux houles cycloniques centennales, les digues représentent la moitié environ (6,7 km) de la nouvelle infrastructure. Erigées par les entreprises GTOI, SBTPC et Vinci Construction Terrassement, ces six digues, de longueur variable (de 150 mètres à 2,7 km), ont pour fonction d’assurer les jonctions avec la terre ferme et avec les viaducs. « Ces digues ont été dimensionnées en intégrant une remontée substantielle du niveau de l’océan, du fait du réchauffement climatique, ce qui n’est pas le cas de l’axe existant. La Nouvelle Route du Littoral sera entre 15 et 20 mètres plus haut que l’ancienne route », précise Alain Gagey.

Structurellement, ces digues, constituées d’une partie inférieure et d’une partie supérieure, sont des ouvrages en remblais à talus, stabilisés par la création d’une souille et d’une butée en pied, et surmontés d’un mur « chasse mer » (un mur de soutènement qui, par sa forme spécifique, renvoie la houle en mer). Elles sont protégées par plusieurs couches d’enrochements qui seront recouvertes d’accropodes (des blocs béton de 30 tonnes destinés à dissiper l’énergie de la houle), spécialement préfabriqués pour le chantier et posés sur site à l’aide d’une grue assistée par GPS.

Les digues sont réalisées à l’avancement par poussage terrestre dans l’eau. Près de 10 millions de tonnes de remblais sont nécessaires pour ériger ces structures. « La Réunion ne disposant pas de carrières de roches massives, nous réfléchissons à plusieurs solutions pour sécuriser nos approvisionnements en matériaux, comme l’ouverture de nouveaux sites d’extraction, l’importation de granulats de Madagascar, l’utilisation des andains de pierres provenant des terrains agricoles de l’île… », fait savoir Jean-Pascal Faroux, directeur d’opération adjoint pour la région Réunion.

La Réunion multiplie ses infrastructures

Les deux autres principaux chantiers de la NRL sont la construction du Viaduc de la Grande Chaloupe (de 240 mètres de long) et de l’échangeur de La Possession. Construit par Eiffage Travaux Publics, Razel-Bec, Saipem, NGE Contracting et Guintoli, le viaduc est une structure en béton à quatre travées continues. Son tablier est constitué d’un mono-caisson en béton précontraint de hauteur constante (3,45 mètres). Il repose sur trois piles en mer, fondées sur semelles, et sur deux culées, fondées sur pieux. Les travaux de fondation sont en cours de finalisation.

Le chantier du futur échangeur de La Possession, quant à lui, consiste en la création d’une digue de 400 mètres dans une zone peu profonde – ne nécessitant ainsi pas de moyens maritimes importants – et de trois ponts (un à trois travées et deux à une travée). Cet ouvrage devrait être terminé fin 2015, avant d'être raccordé aux voiries existantes. Avec le projet de la NRL, lequel fait suite à la création de la Route des Tamarins, mise en service en 2009, et la construction, désormais achevée – après 26 ans de travaux –, de la galerie de basculement des eaux de la côte est à la côte ouest de l’île (un ouvrage de 30 km), la Réunion n’en finit plus de développer ses infrastructures. Jusqu’où ?

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