L’établissement du décompte général est un moment clé pour le maître d’ouvrage. Celui-ci doit être vigilant et inscrire des réserves si nécessaire, car une fois le décompte devenu définitif, il lui sera impossible de rechercher la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de le rappeler dans une décision du 19 novembre. Fait intéressant : il s’agissait du décompte général d’un marché de maîtrise d’œuvre.
Dans cette affaire, pour un marché de travaux portant sur la réalisation d’un ensemble immobilier, un maître d‘ouvrage s’est adjoint les services d’un groupement de maîtrise d’oeuvre. Le décompte général de ce marché a été notifié sans réserves, de sorte qu’il est devenu définitif. Or, des désordres sont apparus après la fin des travaux. La personne publique a alors recherché la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre devant la juridiction administrative.
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a retenu un manquement au devoir de conseil du maître d’œuvre et condamné ce dernier. Mais la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement, et l’affaire est arrivée devant le Conseil d’Etat.
La responsabilité contractuelle ne peut être recherchée
La Haute juridiction va trancher le litige dans une courte décision. Elle considère « qu’il appartient au maître de l’ouvrage, lorsqu’il lui apparaît que la responsabilité de l’un des participants à l’opération de construction est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves ; qu’à défaut, si le maître d’ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte. »
Garanties décennale et de parfait achèvement
En l’espèce, le maître d’ouvrage ne pouvait pas rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d’œuvre puisque le décompte général, ne contenant aucune réserve relative à la façon dont le groupement s’était acquitté de cette mission, était devenu définitif. Ceci incluant un quelconque « manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux ». Le pourvoi du maître d’ouvrage est donc rejeté.
Le Conseil d’Etat rappelle par ailleurs que d’autres voies de droit sont toujours possibles pour la personne publique. Elle peut, « si les conditions en sont réunies [...] rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat ».