La nécessaire évolution de la gestion des demandes et de l'occupation des logements sociaux

Avec la loi Égalité citoyenneté du 27 janvier 2017, la plupart des organismes ont dû faire évoluer leur système d'information et leur organisation pour assurer un suivi efficace et pertinent de l'objectif de mixité sociale. Les dispositions de la loi Elan du 23 novembre 2018 et de ses décrets d'application en matière de gestion de l'attribution et de l'occupation nécessitent l'adaptation des systèmes d'information et l'évolution de certains processus et outils. Parmi les nouvelles dispositions, la généralisation de la cotation de la demande, la gestion en flux des réservations et l'obligation de réexamen régulier des situations des locataires questionnent l'organisation.

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La loi Égalité citoyenneté du 27 janvier 2017 puis la loi Elan du 23 novembre 2018 contraignent les organismes HLM à réformer les procédures d'attribution des logements et organiser un réexamen régulier des situations des locataires. En premier lieu, s'agissant de l'attribution, la loi Elan généralise la cotation de la demande de logement qui s'étaient développée depuis une dizaine d'années. Rendue obligatoire dans les territoires couverts par un plan partenarial de la gestion de la demande de logement social et d'information des demandeurs, le système de cotation de la demande est une aide à la décision, « tant pour la désignation des candidatures examinées en commission d'attribution que pour l'attribution des logements sociaux ». L'objectif est de sélectionner, en respectant l'ordonnancement de la demande et en utilisant différents filtres, le candidat le mieux adapté aux caractéristiques du logement à attribuer. Pratiquement, il s'agit d'affecter des points à tous les dossiers de demande en fonction de critères préétablis par les établissements publics de coopération intercommunale, la ville de Paris ou les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, au travers du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d'information des demandeurs.

Un système de cotation pour septembre 2021 au plus tard

Ainsi présentée, la cotation doit, d'une part, favoriser l'égalité de traitement entre les demandeurs, d'autre part, permettre l'examen rapide des dossiers prioritaires, indépendamment de toutes interventions de tiers ou des demandeurs eux-mêmes. Elle apparaît comme une réponse à la demande de transparence pour les territoires où un déséquilibre important entre l'offre et la demande est constaté. Ce dispositif peut toutefois apparaître complexe à mettre en œuvre, lourd et onéreux, lorsque le marché du logement est détendu. Or, la du 24 mars 2014 a rendu obligatoire l'élaboration de ce plan partenarial de gestion de la demande pour les établissements publics de coopération intercommunale tenus de se doter d'un Programme local de l'habitat ou ayant la compétence habitat et au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville, la Ville de Paris et les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris. Ce champ d'application avait donné lieu à des critiques lors de 1.

Ensuite sont intervenus la loi dite Elan du 23 novembre 2018 et son décret d'application du 17 décembre 2019. Dorénavant, ce plan doit préciser le principe et les modalités du système de cotation, notamment les critères choisis, leur pondération, les cas dans lesquels le refus d'un logement adapté aux besoins et aux capacités du demandeur a des effets sur la cotation de la demande ainsi que la nature de ces effets, les modalités d'évaluation périodique du système, les modalités et le contenu de l'information due au public et au demandeur. Pour autant, le système de cotation est encadré. Un des critères choisi devra mettre en œuvre les priorités de l', notamment en faveur des demandeurs dits DALO, bénéficiaires du droit au logement opposable. En outre, la cotation devra être compatible avec les orientations adoptées et approuvées par la conférence intercommunale du logement ou, pour la Ville de Paris, la conférence du logement. Enfin, le comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) sera consulté sur proposition du préfet de région, sur des critères de cotation, afin d'accompagner les réflexions à l'échelle de chacun de ces territoires.

Les collectivités disposent jusqu'en septembre 2021, soit pour mettre en place ce système de cotation de la demande, soit pour adapter le système éventuellement préexistant afin de le rendre conforme à cette nouvelle règlementation. Or, actuellement, communautés et métropoles sont en cours de définition de leurs politiques de peuplement dans le cadre de la nouvelle conférence intercommunale du logement (CIL). Le dispositif de cotation est un nouveau chantier à ouvrir. Pour les collectivités situées en territoire détendu, ce chantier n'est pas nécessairement prioritaire. En parallèle, les bailleurs sociaux doivent adapter leurs outils ou en créer pour permettre la prise en compte de cette cotation dans la sélection des dossiers à présenter aux commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation de logements (CALEOL) et la gestion de ces commissions. Cette évolution intervient alors qu'il est recherché en parallèle un regroupement des bailleurs sociaux, qui impacte déjà leur organisation.

La première difficulté à prendre en compte pour les bailleurs résulte de l'absence d'obligation pour les acteurs d'un même bassin de population d'harmoniser leurs critères d'attribution. En conséquence, dès lors qu'une demande portera sur des logements situés dans territoires relevant de différents plans de gestion, elle fera l'objet de plusieurs cotations. Cette situation, qui se présentera inéluctablement en Île-de-France, risque de nuire à la lisibilité du système et de rendre difficile la compréhension de cet outil par le demandeur. Elle implique également un outil capable de gérer cette multiplicité de cotation, même si à terme le système national d'enregistrement de la demande doit évoluer pour inclure la cotation.

Face à cette cotation multiple d'une même demande, se pose par ailleurs la question du champ géographique de compétence de la CALEOL : faut-il prévoir une CALEOL en fonction des plans de gestions de la demande et donc par établissement public de coopération intercommunale ou établissement public territorial ? Si cette solution peut paraître séduisante, elle pose la question de la périodicité de la réunion de la CALEOL, et corrélativement sur les risques en matière de vacance, les impacts sur la charge de travail et sur la disponibilité de ses membres, notamment celle des représentants des locataires. En la matière, la dématérialisation de la tenue de la commission, si elle a été pérennisée par la loi ELAN, n'offre qu'une souplesse relative.

Seconde difficulté, celle liée à la durée de validité d'une demande de logement social. Une demande a une durée de validité d'un an à compter de sa présentation initiale ou, le cas échéant, de son dernier renouvellement. La cotation d'une demande doit nécessairement pouvoir être effectuée chaque année et évoluer en fonction de l'évolution du dossier du demandeur.

Le deuxième impact sur les systèmes d'information est lié aux obligations d'information du demandeur de logement social (). Notamment, devra être transmis à chaque demandeur la cotation de sa demande, la distribution des cotations des demandeurs pour une demande de logement similaire et le délai d'attente moyen constaté, pour une typologie et une localisation de logement analogues à celui demandé. La communication de cette information, suppose la possibilité de communiquer plusieurs cotations, correspondant à chacune de ses demandes à un même demandeur. L'importance des impacts de cet outil sur l'organisation sera fonction de la taille et de l'éclatement géographique du patrimoine de l'organisme d'habitations à loyer modéré concerné.

La gestion en flux des réservations de logements

Avant la loi Elan, les réservations pouvaient porter sur trois types de logement, soit sur des logements identifiés dans des programmes, sur un flux annuel de logements portant sur un ou plusieurs programmes ou sur l'ensemble du patrimoine de logements locatifs du bailleur, ou sur une combinaison entre ces deux formules.

La loi Elan pose un principe exclusif de gestion en flux des contingents. Les réservations devront porter uniquement sur un flux annuel de logements d'un ou plusieurs programmes ou sur l'ensemble du patrimoine de logements locatifs du bailleur et ne pourront plus porter sur des logements identifiés par programme. Il est toutefois prévu une exception pour les logements réservés par des services relevant de la défense nationale ou de la sécurité intérieure qui sont identifiés précisément, la proximité entre le logement et le lieu de travail étant primordiale.

Cette obligation de gestion exclusive en flux s'applique à toutes les conventions signées après l'entrée en vigueur de la loi Elan. Concernant les conventions de réservation en cours au moment de l'entrée en vigueur de cette nouvelle obligation, la loi Élan pose un dispositif transitoire : celles qui ne portent pas exclusivement sur un flux annuel de logements devront être mises en conformité avec l'exigence nouvelle.

Cette évolution doit, à terme, offrir davantage de souplesse et d'opportunités pour satisfaire les demandes de logement tout en respectant les objectifs de mixité sociale et de prise en compte des publics prioritaires. Dans le cadre d'un passage d'une gestion en stock à une gestion en flux, se pose la question de l'équivalence des logements au regard de leur caractéristique et notamment de l'attractivité de leur lieu de situation. Corrélativement, les outils et pratiques doivent évoluer pour permettre le suivi de ces flux annuels. Or, à nouveau, le calendrier de mise en œuvre est très rapide, la gestion en flux des réservations devant être effective fin 2021.

Cette évolution a un impact en matière de financement du logement social et entraîne le passage d'une logique de financement par programme à une logique de financement par bailleur. Toutefois, le projet de décret prévoit la possibilité de conclure une seule convention de réservation par organisme bailleur et par réservataire à l'échelle du département. Cette disposition limite ainsi les conséquences pour un organisme qui aurait du patrimoine sur plusieurs départements voire région. Mais ne règle pas la question liée au plan de gestion de la demande : la convention porte sur l'ensemble du patrimoine locatif conventionné de l'organisme bailleur dans le département, alors même que la gestion de la demande s'effectue à l'échelle des EPCI. En outre, les conventions de réservation doivent être en cohérence avec les dispositions des conventions intercommunales d'attribution, qui définissent un engagement annuel quantifié et territorialisé d'attribution de logement aux différentes catégories de ménages et en lien avec la conférence intercommunale du logement.

Si ces outils permettent d'améliorer l'attribution des logements sociaux, ils ne permettront pas de résoudre la crise du logement et les problèmes d'adéquation de l'offre avec la demande. Or, une part importante de la demande de logements sociaux est faite par des locataires du parc social. Afin de faciliter le parcours résidentiel, la loi Elan a donc prévu l'obligation de réexamen des situations des locataires.

Un réexamen de situation obligatoire

Depuis plusieurs années, le législateur recherche des dispositifs permettant de faciliter la mobilité des locataires du parc social. À cette fin, la loi Elan fait évoluer les missions des commissions d'attribution des logements. En parallèle, les bailleurs développent des outils facilitant la mobilité des locataires. La loi Elan étend l'objet des commissions d'attribution des logements, renommées commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements, à l'examen régulier de la situation de certains locataires en vue d'émettre des préconisations (). Le mécanisme mis en place se décompose en trois temps.

La première étape consiste pour les bailleurs sociaux, tous les 3 ans à compter de la date de signature du contrat de location, à rechercher parmi les locataires de biens situés en zones tendues ceux qui sont dans une situation de sur-occupation du logement (article L. 542-2, I, 3° du Code de la sécurité sociale), de sous-occupation du logement (), de départ de la personne en situation de handicap, de logement non adapté au handicap pour les personnes en perte d'autonomie ou en situation de handicap (articles et du CCH) ou de dépassement de plafond de ressources applicable au logement. Les dossiers répondant à l'une de ces conditions sont transmis aux commissions. Cette première étape pose de la possibilité via les systèmes d'information d'identifier ces publics cibles.

La seconde étape consiste pour les commissions à procéder à un examen des dossiers. Elles doivent définir les caractéristiques d'un logement adapté, puis formuler des avis sur les offres de relogement à faire aux locataires. Parmi les propositions qui peuvent être exprimées, la loi vise l'accession sociale à la propriété (). Or, compte tenu des taux de rotation dans le logement social dans les secteurs où existe un déséquilibre entre l'offre et la demande, l'ensemble de ces situations ne pourront pas être traitées simultanément. Il est donc impératif pour chaque bailleur de prioriser les situations.

La troisième étape consiste en un échange entre le bailleur et le locataire sur la base des préconisations de la commission et sur les possibilités de faire évoluer son parcours résidentiel. Ces préconisations et les conséquences du refus d'une offre faite à un locataire sont encadrées. En application des articles et du Code de la construction et de l'habitation, le loyer principal du nouveau logement doit être inférieur à celui du logement d'origine et une aide à la mobilité prise en charge par le bailleur est possible selon des modalités définies par décret. Par ailleurs, en cas de refus de trois offres de relogement par un locataire habitant en zone tendue pour la sous-occupation ou quelle que soit la zone pour un logement adapté qui n'est plus occupé par une personne handicapée, le locataire perd son droit au maintien dans les lieux à l'expiration d'un délai de 6 mois suivant la notification de la troisième offre (articles et du CCH).

L'objectif de ce réexamen régulier est de favoriser la mutation. La question du parcours résidentiel est primordiale : en Île-de-France, 720 000 demandes de logement sont enregistrées et près d'une demande de logement social sur trois est faite par un ménage déjà locataire du parc social.

Conséquence de ces nouvelles dispositions, d'une part, les organismes d'habitation à loyer modéré devront se doter d'un outil dédier, d'autre part, l'organisation des bailleurs devra être revue. Le fonctionnement des commissions d'attribution devra être adapté à l'accroissement de sa charge de travail. La complexité de la politique et de la procédure d'attribution des logements sociaux, le suivi des locataires, ainsi que la multiplication des commissions tant internes au bailleur qu'externes plaident pour l'identification d'experts métiers voire la création d'un service dédié.

1 - Voir notamment Question écrite n° 18677 de M. Michel Canevet (Finistère - UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 5 novembre 2015, p. 2569.

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