La création de la Maison des Jours Meilleurs est née du refus de la part des pouvoirs publics de financer la construction de logements d’urgence, refus qui donnera lieu au désormais célèbre appel de l’Abbé Pierre lancé sur les ondes durant l’hiver 54. Dans la foulée, le fondateur d’Emmaüs sollicite Jean Prouvé pour concevoir un habitat de type F3, reproductible et économique, composé de deux chambres et un salon, avec cuisine et salle d’eau. Maître dans l’industrialisation des procédés de construction, l’architecte applique un principe structurel précédemment mis au point dans son usine de Maxéville (Meurthe-et-Moselle), qui associe deux éléments pour former l’ossature principale : une poutre unique en tôle pliée et un noyau central en acier qui, tel un container, abrite cuisine et salle d’eau. Posés au-dessus d’un soubassement en béton, les panneaux sandwiches en bois thermoformé forment l’enveloppe, tandis que la couverture est constituée de bacs d’aluminium.

Montée en sept heures en bord de Seine, architectes et grand public se pressent d’aller visiter la Maison des Jours Meilleurs : « Jean Prouvé a installé sur le quai Alexandre III la plus belle maison que je connaisse, le plus parfait moyen d'habitation, la plus étincelante chose construite. Et tout cela est en vrai, bâti, réalisé, conclusion d'une vie de recherche. Et c'est l'abbé Pierre qui la lui a commandée ! », s’extasie Le Corbusier. Les normes auront eu raison de l’ingéniosité de Prouvé : le prototype ne reçoit pas d’homologation, la cuisine et la salle d’eau ne présentant pas d’ouvertures sur l’extérieur.

Un succès qui perdure
La Galerie Patrick Seguin spécialisée dans l’architecture moderne a donc monté un des rares prototypes de la Maison des Jours Meilleurs, acquise lors d’une vente aux enchères. Avec le même succès qu’autrefois sur le pont Alexandre III, le public visite avec curiosité l’intérieur de la maison, s’installe dans les fauteuils, actionne l’ouverture des fenêtres à guillotine, ferme les volets, admire l’acajou qui recouvre les murs, pénètre dans le noyau central, vide, mais prêt à accueillir les éléments de cuisine et de sanitaire pour lequel il fut conçu. Textes d’archives, croquis, schémas, dessins d’exécution et photos d’époque retracent son épopée. Au bout de la galerie, différentes maquettes de maisons illustrent les recherches de Prouvé en matière d’habitat individuel industrialisé.
