Avec la planification de l’éolien en mer à l’échelle des façades maritimes, peut-on dire que la France entre dans une nouvelle ère ?
En matière de planification des énergies renouvelables, la loi va dans le bon sens, en mettant les élus au cœur du jeu. Cela les encourage à travailler en bonne intelligence avec les organisations non gouvernementales, comme la ligue pour la protection des oiseaux.
L’UICN France n’a pas pour mission de contribuer directement à la planification ou au débat public, mais d’alerter sur les risques dans le domaine de l’écologie et de la biodiversité.
Pour l’éolien en mer, cela nous a conduits à rappeler quelques principes : maîtriser les impacts cumulés, notamment entre pollution sonore, électromagnétique et atteinte aux habitats, éviter les implantations dans les zones de protection forte, respecter les couloirs de migration...
La France dispose-t-elle d’une expertise suffisante pour bien gérer ces enjeux ?
Nous l’avons dit à la ministre de la Transition énergétique [Agnès Pannier-Runacher, NDLR] fin 2022 : la France n’a pas assez évalué les pressions exercées par les éoliennes en mer sur la biodiversité.
Nous avons de très bons spécialistes de la faune et de l’énergie. Ils ne se parlent pas assez. D’où notre insistance sur le thème de la gouvernance. Il ne s’agit ni de bloquer l’éolien, ni de sous-estimer ses impacts.
De ce point de vue, je considère que la loi d’accélération des énergies renouvelables converge avec notre étude. Au sein de l’UICN, les échanges avec les pays du Sud mettent en lumière la nécessité d’actualiser en permanence les connaissances sur la biodiversité : le réchauffement perturbe les couloirs de migration, de même que la pollution des milieux et les installations éoliennes.
Votre étude rappelle que nombre de projets éoliens échappent à l’évaluation environnementale, faute d’obligation inscrite au Code de l’environnement. Faut-il changer la règlementation ?
Pour améliorer la lisibilité des impacts, nous mettons en avant l’évaluation environnementale. Son renforcement nécessite-t-il de passer par la contrainte de la loi ? Je crois davantage dans la concertation permanente entre les experts, les maîtres d’ouvrages et leurs services.
Cela relève plus de la gouvernance que du droit. Réalisées avec le soutien de l’Etat, notre étude et nos recommandations s’inscrivent dans cette volonté de dialogue.
En 2020, à son congrès mondial de Marseille, l’UICN a donné son feu vert à la création d’un collège des collectivités, à côté des Etats, des ONG et des scientifiques. Cette nouvelle entité a-t-elle commencé à se faire entendre ?
Oui et en particulier en France sur les questions maritimes, avec la participation de la région Sud, de la ville de Marseille et du département des Bouches-du-Rhône. A proximité du parc national des Calanques et sur un territoire qui couvre cinq communes entre Marseille et Fos-sur-Mer, la naissance du Parc marin de la Côte bleue constitue l’exemple le plus probant. Le dialogue entre les collectivités, les pêcheurs et les associations de protection de l’environnement fait ses preuves, attestées par l’inscription du territoire sur la liste verte de l’UICN.
A l’échelle internationale, le collège des collectivités comprend surtout des gouvernements infranationaux, c’est-à-dire l’équivalent de nos régions. Sa vocation consiste à établir le lien entre territoire et biodiversité. Cette nouvelle entité s’exprimera en novembre prochain à Fontainebleau, à l’occasion des 75 ans de la naissance de l’UICN, dans cette même ville.