Les incitations fiscales aux économies d’eau attendront. Adoptée le 19 décembre grâce à l’article 49.3 de la constitution, la loi de finances pour 2024 renonce aux redevances payées par le secteur agricole, proposées par le texte initial.
Rétropédalage gouvernemental
Cet arbitrage conforte l’impasse financière à laquelle la version initiale du texte ne s’attaquait que timidement, selon Amorce. « Elle ne générait que 167M€ de recettes supplémentaires alors que le plan eau présenté par le président de la République, au printemps, nécessite 5 à 7Mds€ d’investissements », récapitule l'association qui regroupe des collectivités, entreprises et fédérations professionnelles actives dans l’eau, les déchets et les réseaux de chaleur. Elle évoque même un « rétropédalage ».
Déséquilibre fiscal
Face à cette version finale du texte, Amorce a décidé de relancer ses propositions, formulées en septembre dernier, « pour une réforme des redevances des agences de l’eau juste, et réellement incitatives pour la préservation des ressources ».
L’argumentaire découle d’un constat : 83% des recettes des agences de l’eau proviennent des usagers domestiques, alors que ces derniers ne consomment que 20% de la ressource nationale. L’accès « quasiment gratuit » conduit les autres préleveurs à l’immobilisme.
Pollueurs non payeurs
Le débat s’est exacerbé l’été dernier sur la question des métabolites de pesticides, détectés par 88% des collectivités, alors que la taxe sur l’usage de ces sources de pollutions ne représente que 4% des redevances. « Les principaux émetteurs ne sont pas les premiers à devoir contribuer financièrement au traitement de ces pollutions », regrette Amorce.
Pour inverser la tendance, la réforme des redevances taxerait d’abord les prélèvements issus du nucléaire, de l’agriculture, de l’industrie et de l’alimentation des canaux. Elle s’attaquerait ensuite aux émetteurs de pollutions industrielles, agricoles et émergentes. A la clé, une multiplication par cinq des contributions des deux premières catégories et la création d’une nouvelle redevance pour la troisième.
Réforme noyée
« Cette réforme ambitieuse permettra de dégager 1Md€ par an », calcule Amorce. Quelques tonnes de lisier et de fumier déversés sur les préfectures de départements ruraux auront suffi à enterrer ses propositions, au moins pour 2024.
Cet épilogue confirme l’analyse formulée le jour même de l’annonce du plan Eau par André Flajolet, président du comité de bassin Artois Picardie : « Tous les efforts pour associer les agriculteurs se sont heurtés à une levée de boucliers, et nous en payons l’addition, avec seulement 22% des masses d’eau en bon état, dans notre bassin », déclarait-il dans une interview au Moniteur.