Quels commentaires vous inspire le plan eau, annoncé le 30 mars par le président de la République ?
Je lui mettrais une note entre passable et assez bien. Il n’y a pas de révolution. Heureusement, il réaffirme le rôle irremplaçable des agences de l’eau, et la fin des plafonds mordants ramène 450 M€ par an dans leur budget. Il faut aussi se réjouir des 30 millions d’euros alloués aux territoires ultramarins : c’est bien et c’est juste.
Mais la séparation entre le monde agricole et les autres aspects de la politique de l’eau entérine un système du deux poids, deux mesures. J’aurais espéré qu’enfin, l’eau et la biodiversité payent l’eau et la biodiversité. Cela aurait impliqué d’identifier les principaux pollueurs, qui échappent à tout contrôle.
Vous pensez aux agriculteurs ?
Oui, mais aussi au commerce maritime, qui rassemble les plus gros pollueurs de la mer. Il s’agit là d’une réalité mondiale dont on ne parle pas, parce qu’elle impliquerait des transferts de moyens au profit de pays tiers qui subissent l’exploitation sans profiter du développement.
L’identification des pollueurs nous ramène à la source des agences de l’eau, créées en 1964 pour obliger les plus gros pollueurs alors identifiés, c’est-à-dire les industriels, à prendre leurs responsabilités. Un demi-siècle plus tard, les résultats sont plus que satisfaisants. Dans un second temps, les collectivités ont rejoint le système, tout en résistant jusqu’à aujourd’hui, avec l’appui du Sénat : le recul du plan sur l’intercommunalité retardera les interconnexions et la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable. Face à l’urgence, il nous faudrait des pompiers, et on préfère prendre des sparadraps.
Mais tous les efforts pour associer les agriculteurs se sont heurtés à une levée de boucliers, et nous en payons l’addition, avec seulement 22 % des masses d’eau en bon état, dans notre bassin. Après les assises de l’eau, le Varenne a consolidé le contrepouvoir de l’agriculture. Cette ficelle un peu grosse a fonctionné à court terme, mais je suis persuadé que sur le temps long, la FNSEA deviendra minoritaire, et que l’on finira par mesurer au quotidien les dégâts issus de l’agriculture intensive et industrielle.
Vous réjouissez-vous de l’ambition affichée de porter à 10 % la part des eaux usées recyclées ?
J’y souscris, mais ceux qui y voient une solution miracle vont connaître le sort des lucioles qui se fracassent contre la lumière. Il faut prendre conscience du risque de créer de nouveaux besoins et de susciter des déséquilibres qui menaceraient la biodiversité. De ce point de vue, le Re-use présente des analogies avec les mégabassines. Avant de modifier les équilibres entre terre et mer, il faut s’interroger sur les conséquences.