La crise sanitaire, dans ses premiers mois, a pu apparaître comme un révélateur de tendances. La logistique n'y a pas échappé. « La pandémie a montré l'importance de ces activités dans une période difficile, pour approvisionner les magasins et, directement, les particuliers », explique Patrick Remords, directeur supply chain consulting chez JLL France, conseil en immobilier d'entreprise. Résultat : en recul de 7 % seulement, avec la commercialisation d'environ 3 millions de m2 pour des opérations de plus de 5 000 m2, le marché s'est plutôt bien tenu en 2020. « La demande d'actifs logistiques est restée forte de la part des logisticiens et des enseignes de la distribution, qui ont profité de la hausse des achats en ligne liée à la crise », explique Laurence Bouard, directrice du département études de Colliers International, conseil en immobilier d'entreprise.
Illustration avec l'immense plate-forme de Monoprix en pleine construction au sein du parc Prologis Moissy 2 Les Chevrons à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne). D'une superficie à terme de 100 000 m2, cet entrepôt XXL développé par Prologis pour la Samada, la filiale logistique de Monoprix, stockera des produits non alimentaires qui seront ensuite vendus dans les magasins de l'enseigne en France ou sur son site de e-commerce. Une première tranche de 65 000 m² doit être livrée en août prochain. La seconde est prévue pour décembre 2021. « Notre plate-forme est le reflet de la dynamique du secteur de l'immobilier logistique en 2020 », résume Olivier Barge, directeur du project management et de l'innovation pour l'Europe du Sud de Prologis.
Pourtant, les actifs de très grande surface ne sont pas ceux qui ont attiré le plus fortement les investisseurs. Le Covid a aussi manifestement changé la donne quant à la taille des entrepôts recherchés. « On a observé une hausse de la demande de plus petites surfaces ou de cellules dans des entrepôts existants, pour répondre à un besoin de réactivité face à la situation de crise. D'ailleurs, le marché de la construction clés en main a chuté au profit des bâtiments prêts à l'usage », indique Patrick Remords. La construction d'entrepôts est ainsi passée de 2 millions de m2 en 2019 à 1,2 million en 2020.
L'agglomération d'Orléans en forte croissance. De fait, si la fameuse dorsale Lille-Paris-Lyon-Marseille reste majoritaire en concentrant plus de 60 % des implantations logistiques, notamment des plates-formes XXL, la crise a favorisé une meilleure répartition sur l'ensemble du territoire. « La tendance est à une relocalisation des stocks de taille intermédiaire près des villes moyennes », affirme François Le Levier, directeur logistique chez CBRE, conseil en immobilier d'entreprise. « Depuis deux ans, le nombre de mètres carrés vendus hors dorsale dépasse celui de la dorsale. Angers, Nantes ou Metz deviennent de nouveaux foyers d'actifs logistiques. On assiste aussi à des effets de débords aux portes de l'Ile-de-France, dans l'Oise et dans l'Yonne, à cause de la difficulté d'agrément d'implantation en région parisienne », constate Diana Diziain, directrice déléguée d'Afilog, l'association des acteurs de l'immobilier logistique.
La région Centre-Val de Loire devient également très attrayante. « C'est le cinquième pôle logistique de l'Hexagone. Il affiche une forte croissance, notamment l'agglomération d'Orléans (Loiret) où des stocks sont regroupés dans de grands bâtiments qui ont une vocation nationale. La ville fait désormais jeu égal avec Marseille et Lille, le seul marché de la dorsale où l'immobilier logistique a ralenti », souligne Laurent Sabatucci, directeur associé d'EOL, conseil en immobilier d'entreprise.
- 3,1 millions m2 commercialisés en 2020. Recul de 7 % des volumes placés par rapport à 2019.
- 3,5 milliards d'euros investis dans les entrepôts de plus de 10 000 m2.
- 10 % : part que représente l'e-commerce dans les activités logistiques.
Raréfaction du foncier urbain. L'envolée de l'e-commerce a également dopé les activités de logistique urbaine. « La crise nous a fait gagner dix ans sur la distribution en ville », estime Laurence Giard, directrice générale de la foncière Segro France. Mais face à la raréfaction du foncier en milieu urbain et périurbain dense, les investisseurs-développeurs n'ont d'autre choix que de se ruer sur les opportunités de reconversion de friches industrielles et commerciales. « Leur réhabilitation pour implanter de grands bâtiments de stockage en deuxième couronne des grandes villes continue à être une tendance lourde », précise Vincent Poisson, directeur conseil en supply chain chez CBRE. Certains investisseurs en ont même fait leur cœur de métier, comme Segro dont « 99 % des opérations concernent la reconversion de friches », selon Laurence Giard. Pour sa part, Prologis consacre désormais 50 % de ses activités aux friches industrielles.
Entrepôts verticaux. L'autre grande tendance est de construire des entrepôts verticaux à étages pour limiter leur emprise foncière en proche périphérie des villes. « Les projets de ce type fleurissent un peu partout, comme à Brétigny-sur-Orge (Essonne) pour Amazon, sur l'ancienne base aérienne de Metz (Moselle) ou encore à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) pour Ikea et Leroy-Merlin », énumère Diana Diziain. La logistique urbaine impose aussi la recherche de locaux vacants au cœur des villes pour la distribution du « dernier kilomètre. » Segro a ainsi comme projet phare la réhabilitation de l'ancienne gare des Gobelins à Paris, pour 75 000 m2 d'activités logistiques opérationnels en 2024. La transformation de locaux en centre-ville est aussi la vocation de la nouvelle société immobilière Corsalis. « Nous avons deux projets de réhabilitation, l'un de 4 500 m2 sur l'ancien dépôt du Sernam dans le XIIe arrondissement de Paris et un autre à Montmartre, dans le XVIIIe » révèle Fabio Coppo, son directeur associé.
En attendant, l'année 2021 se présente sous les mêmes auspices que 2020 pour l'immobilier logistique. Président de Virtuo Industrial Property, développeur d'immobilier logistique, Grégory Blouin s'en félicite : « Nous avons déjà sept chantiers en cours. Cette année devrait être très dynamique ».
Sources : Colliers International, JLL France, Afilog et CBRE.