C'est désormais de notoriété publique : la fiche Bar-TH 164 est une source majeure de fraude à la rénovation énergétique. Pourquoi ? D'une part parce que les prix de chaque lot sont libres, d'autre part parce que le volume de CEE affecté à l'opération dépend de l'écart entre le point de départ et le point d'arrivée. Le devis que nous nous sommes procuré, et qui a été diffusé dans l'émission Proprio à tout prix ! sur 6play le 5 novembre (avec Le Moniteur des Artisans), illustre à merveille la mécanique de la fraude.
Une surface importante
Tout d'abord, le bien à rénover. Il affiche une surface totale de 558 m². L'adresse du devis (que nous avons floutée) correspond bien à une très belle propriété dans un village de Rhône-Alpes, de type château médiéval. Impossible de vérifier si tous les volumes pris en compte sont bien des volumes chauffés, l'une des techniques courantes de ce type de fraude consistant à comptabiliser également des volumes non chauffés, pour lesquels évidemment il n'y a pas d'aide possible. Après travaux, les gains énergétiques affichés sont de 77,81 %. On le verra à la fin du devis, avec une telle surface passant de 457,13 kWh/(m².an) en énergie finale avant travaux à 40,46 kWh/(m².an) en énergie finale après travaux, les volumes de CEE sont colossaux.
Des travaux hors de prix
Cela laisse donc de la marge pour facturer généreusement. On notera ainsi :
- une isolation de combles entre rampants à 190 € / m², un prix que peu d'artisans pratiquent. De la laine de verre, des fourrures, des montants et une plaque de plâtre mise en peinture : beaucoup d'artisans s'estiment heureux à 60 €/m². En l'espèce, c'est trois fois plus.
- PRECISION : plusieurs professionnels ont réagi à notre estimation à 60 € / m², estimant que ce prix ne couvrait pas un ouvrage correctement fait, avec pare-vapeur et étanchéité à l'air. Cette estimation n'indique pas un prix pour des travaux de qualité, mais ce que coûteraient des travaux réalisés tels que décrits dans le devis.
- un chauffe-eau thermodynamique pour l'eau chaude sanitaire à 2843 € HT, plus 1895 € HT pour la pose. Nous l'avons retrouvé à 1599 € TTC chez Leroy Merlin en ligne, hors pose bien sûr mais avec 20 % de TVA ! Quant à la pose, 4h suffisent. Soit... 473,75 € HT de l'heure ! En supposant que l'intervention s'effectue à deux en raison du poids de l'ancien comme du nouveau chauffe-eau, nous arrivons à 237 € de l'heure. Un taux horaire qui laisse songeur.
- l'utilité de ce ballon peut elle même être questionnée, le devis prévoyant par ailleurs l'installation de deux pompes à chaleur. Chacune d'entre elle, hors installation, est vendue 24 000 TTC (avec TVA à 5,5 %). Nous avons repéré ce produit en-dessous de 9000 € (TVA à 20 %) sur plusieurs sites de vente en ligne. Là encore, ce prix est hors pose. Il faut ajouter 2843 € HT de forfait de pose par appareil, soit 6000 € TTC pour les deux. En comptant trois jours de travail à deux, la facture atteint 474 € de l'heure !
- le calorifugeage des réseaux n'est même pas comptabilisé dans le devis, qui indique 1000 € supplémentaires pour cette opération. Le forfait est le même, 1000 € TTC, pour le thermostat d'ambiance ! Le haut de gamme sur Google Shopping sort à moins de 300 €. Et dans ce devis, aucune référence de marque ni de gamme ne précise quel appareil est concerné...
Des aides exorbitantes
La fin du devis éclaire tout. Pour ces travaux, l'entreprise mobilise MaPrimeRénov' à hauteur de 10575 €, et... 81 608 € de certificats d'économie d'énergie ! Soit donc 92183 € de subventions, qui viennent se déduire du coût total, lui aussi exorbitant, de 102 850 €.