L’Union nationale des entreprises du paysage (Unep), majoritaire dans la profession, rejoint l’union sacrée : « Notre président Laurent Bizot s’est d’abord adressé aux membres de l’Unep comme citoyen, pour les enjoindre à participer à la guerre contre le virus », décrypte Jean-Philippe Teilhol, directeur général.
« On sait faire »
L’habitude des interruptions d’activités pour cause d’aléas météorologiques facilite la réception du message : « On sait faire, pendant les périodes pluvieuses ou les gels prolongés », rappelle Jean-Philippe Teilhol. La « grande majorité » des membres de l’Unep respecte donc les conseils d’arrêt d’activité, selon son directeur général.
L’organisation priorise l’information des entrepreneurs, adhérents ou non : « Tous les droits d’accès à la base de données sont ouverts à tous sur notre site, notamment pour acquérir les modèles des plans de continuité. Le plus important, c’est d’éviter toute casse », insiste Jean-Philippe Teilhol.
De même à la Confédération nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP), le secrétaire général David Lemaire assure une veille en temps réel sur la page Facebook de l’organisation, accessible à tout un chacun.
Exceptions sécuritaires
Toutefois, dans un communiqué relayé par l’association interprofessionnelle du paysage et de la fleuristerie Val’Hor, Laurent Bizot avait souligné les impératifs de continuité d’activités, notamment pour les chantiers liés à la sécurité des personnes. Ces exceptions concernent « l’élagage, l’abattage et les interventions d’arrosage indispensables ».
La sécurité entre aussi dans les cas exceptionnels évoqués par les artisans regroupés par la CNATP : « L’un de nos adhérents a interrompu le chômage partiel qu’il avait mis en place la veille, afin de reprendre des travaux d’assainissement vitaux pour un hôpital », raconte David Lemaire, secrétaire général de l’organisation.
Inquiétudes financières
Au-delà des exceptions sécuritaires, d’autres facteurs éclairent les réticences à l’arrêt complet : « Dans quels délais les remboursements promis par l’Etat interviendront-ils » ?, s’interroge David Lemaire. Les artisans expriment cette inquiétude, dans la page Facebook de l’organisation.
Jean-Philippe Teilhol, de son côté, craint le développement d’un décalage, entre la guerre déclarée par le président de la République et l’artillerie mise en place par le gouvernement : « Les messages ne sont pas toujours ultra limpides. Nulle part, dans les réponses des ministres concernés, je n’ai vu écrit que le chef d’entreprise qui arrêtera ses activités, pour lutter contre le coronavirus, aura automatiquement droit au chômage partiel », observe le délégué général de l’Unep.
Concepteurs en télétravail
A l’amont de la filière, les paysagistes concepteurs ne dissimulent pas non plus leurs inquiétudes économiques, exprimées dans le communiqué de Val’hor par Henri Bava, président de la fédération française du paysage : « Bien sûr, notre santé à tous est la priorité. Pour autant, au sein de vos entreprises, cette crise aura un impact économique et social considérable ».
Plus que les entreprises, les concepteurs peuvent recourir au télétravail, comme l’illustre Land’Act, un des leaders français de la conception paysagère : « nous avons pris la décision de permettre à l’ensemble de nos équipes de travailler à distance à compter de ce lundi 16 mars 2020 », annonce son président Eric Manfrino. Et de préciser : « Tout au long de cette période, les chefs de projet se coordonneront avec nos maîtres d’ouvrage afin d’ajuster la collaboration des équipes et de préserver la continuité des projets ».
Avec un pied dans les travaux et un autre dans la conception, l’entreprise Mugo résume le régime dominant : arrêt d’activité d’un côté, télétravail de l’autre, même si l’équipe de conception regroupée dans Studio Mugo « renonce à prendre part aux rendez-vous et réunions physiques programmées jusqu’à nouvel ordre », précise un porte-parole.
Fermeture des parcs
Du côté de la maîtrise d’ouvrage et de l’entretien des parcs et jardins, Pascal Goubier, directeur du patrimoine végétal du Grand Lyon, reconnaît que les services territoriaux d’espaces verts ont réagi avec un certain décalage : « Nous avions d’abord pensé qu’une tolérance pour les promenades solitaires permettraient aux gens de continuer à prendre l’air. Puis nous avons pris la mesure de l’insouciance complète qui s’est manifestée le dimanche 15 mars, avec pratiques sportives et familiales. L’impossibilité de contrôler ce phénomène a conduit à la généralisation des fermetures ».
Conformément au plan de continuité transmis au préfet, les 120 personnes du service de Pascal Goubier se replient sur l’essentiel : gardiennage, nourriture des animaux, arrosages indispensables aux garanties de reprise. « Sans doute devrons-nous rattraper ultérieurement le déficit de tontes par l’usage des tondobroyeurs », annonce Pascal Goubier, soulagé d’avoir bouclé les grands chantiers métropolitains d’espaces verts avant les élections municipales.
Plantations suspendues
Dans l’épreuve, le directeur du patrimoine végétal du Grand Lyon salue « le sens de l’entraide et la volonté de maintenir le service public » qui caractérise ses équipes. En l’absence d’élus après l’interruption du processus électoral, la suspension des grands projets de plantation l’inquiète : dans trois mois, la nature les aura rendus caducs pour une année. Pourtant, tout laisse penser que quelle que soit son étiquette, le futur vainqueur des joutes métropolitaines approuverait ces plantations.