« Les lieux de vie ne sont pas des concept hors sol. Le secteur de la construction est impliqué dans la société car les travaux se voient, tout comme leurs résultats », commence Méka Brunel, présidente de la Fondation Palladio, en commentant les résultats du 8e panorama de l’immobilier et de la ville réalisé par le cabinet de conseil EY et la Fondation Palladio. Cette dernière réunit les plusgrands acteurs de la fabrique de la ville parmi ses cent mécènes. « D’où l’intérêt de ce panorama et des nouvelles dimensions qu’il intègre en mesurant les impacts sociétaux et sociaux », reprend-t-elle.
L’industrie de la ville représente 10 % du PIB Français
Cette nouvelle édition du baromètre aborde d’abord les domaines plus classiques de l’économie et de l’environnement. Sur le premier point, les enseignements sont déjà importants puisqu’ils montrent que l’industrie de la ville est la première filière industrielle française avec 10 % du PIB, 2,3 millions d’emplois et 10 % des emplois nets créés en 2022, essentiellement non délocalisables. La crise que connaît le secteur (- 1,5 % de valeur ajoutée en 2023) affecte la capacité du secteur à soutenir la croissance et l’emploi. A noter, qu’avant la crise sanitaire, le secteur représentait 20 % des emplois nets créés.
Valoriser le secteur pour qu’il retrouve une place centrale dans le récit national
Autre point qui mérite d’être noté et qui a surpris Marc Lhermitte, associé d’Ernst and Young Advisory est le faible poids des investissements dans la recherche et développement. Et pour cause, 0,4 % du chiffre d’affaires (CA) de la construction est affecté à des dépenses liées à l’innovation et 0,1 % du CA des activités immobilières. « Les écarts avec d’autres secteurs sont très importants alors que les métiers de la construction, de la rénovation, de la maîtrise de l’énergie, etc. pèsent lourds dans notre économie, note-t-il. Je ne comprends pas que tous les récits pour remettre les commerces en centre-ville, créer des ensembles de logement intergénérationnel, bâtir des logements abordables, etc. ne soient pas davantage valorisés pour que le secteur retrouve une place centrale dans le récit national. »
Le bâtiment représente 25 % de l'empreinte carbone du pays
Sur les impacts environnementaux, l’étude montre que malgré les progrès historiques en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre, la filière doit encore doubler ses efforts. Concrètement, le bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie représente 25 % de l’empreinte carbone de la France. Les émissions de GES du scope 1 liées à l’usage des bâtiments tertiaires et résidentiels ont baissé de 21 % entre 2019 et 2013 (de 76 à 60 MTeqCO2/an), mais l’effort doit être redoublé. En effet, les émissions doivent descendre de près de 50 % (à 32 MTeqCO2/an) pour atteindre les objectifs de 2030 de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).
Cartographie de l’impact de la "fabrique de la ville" en quatre dimensions :
© Ey/Fondation Palladio
Pour la partie construction uniquement, les émissions n’ont diminué que de 7 % depuis 2019. « Pour innover réellement en la matière, le hors-site, le réemploi et les matériaux biosourcés vont constituer des relais intéressants », estime Marc Lhermitte. Enfin, d’après le Cerema et le SGPE, le rythme d’artificialisation des sols sur la dernière décennie a ralenti grâce aux efforts de sobriété foncière. Il reste néanmoins supérieur de 40 % aux objectifs fixés par le Zéro artificialisation nette (ZAN).
Un tissu social fort grâce aux métiers de la filière dans tous les territoires
Côté mesure des impacts sociaux, le panorama montre que la moitié de l’emploi salarié est situé dans des communes qui comptent moins de 10 000 habitants. Les effectifs de la filière sont implantés sur tout le territoire et, dans l’ingénierie comme la construction, 85% des emplois sont des CDI. Un constat qui amène Méka Brunel à souligner « qu’en plus d’être un employeur majeur, le secteur se déploie partout en France de façon très localisée. Le tissu social est donc très ancré dans les territoires malgré la crise qui touche le secteur. »
Malgré la crise, le secteur prévoit toujours largement de recruter puisque 67 % des dirigeants envisagent des embauches dans les trois prochaines années. Si le chiffre est en baisse pour le secteur (- 7 points depuis 2023), " c'est nettement supérieur aux autres industries", souligne Marc Lhermitte.
Gros écarts de rémunération entre hommes et femmes
Enfin, en matière de parité, les femmes dirigeantes sont particulièrement présentes dans les activités immobilières (32%) mais les écarts de rémunération sont aussi les plus élevés. Et, comme dans d’autres secteurs de gros efforts restent à faire pour améliorer la parité dans certaines activités : les agences immobilières emploient 62 % de femmes quand la construction ne compte que 13 % d’emploi féminin. "A partir du moment où nous disposons d'indicateurs pour mesurer ces paramètres, nous pouvons les faire évoluer", reprend Méka Brunel. C'est désormais l'enjeu pour la profession que de s'emparer de cet outil pour faire progresser davantage le secteur. Méka Brunel le souligne : "beaucoup d'aspects positifs se dégagent de ces chiffres".