Elargie dans les années 1960 et baptisée « corniche Kennedy » suite à la mort du président américain assassiné en 1963, la route emblématique de la côte marseillaise a depuis souffert des affres du temps. Air marin et embruns ont progressivement rongé cette structure en béton armé, qui offre une vue imprenable sur la Méditerranée. « L'ouvrage connaît aujourd'hui une corrosion généralisée. Parmi les zones analysées, 30 % étaient considérées comme “ critiques ”, c'est-à-dire nécessitant une réparation urgente », détaille le chef de projet à la métropole d'Aix-Marseille, Anatole Caulet.
Armatures apparentes. Sur plusieurs des dalles en béton armés qui supportent les trottoirs en encorbellement, les aciers étaient fortement dégradés, voire pour certains, rompus. Et les consoles sur lesquelles reposent les dalles piétonnes à une dizaine de mètres au dessus de lamer rencontraient, elles aussi, des problèmes similaires. La corrosion a également gagné des parties plus visuelles de la corniche, comme le banc filant et le parapet, où les joints étaient abîmés et les armatures apparentes. « Face à ces manifestations évidentes de vieillesse, nous avons entrepris de mener une série de réparations », commente Tancrède de Folleville, directeur de projet chez Setec TPI.
Longue de 1,7 km, la voie connaît d'importants travaux de rénovation depuis octobre 2018. Les consoles les plus abîmées sont renforcées par mois age : deux poutres en béton armé de 30 cm d'épaisseur, et ferraillé es à une densité de 200 kg/m équivalente à celle d'origine, sont disposées en parallèle pour conforte ment. « Lors de cette première phase de travaux, les dégradations se sont avérées plus importantes que prévues. Les mois ages seront donc beaucoup plus nombreux qu'estimés lors du diagnostic initial », constate Tancrède de Folleville. Les éléments les moins touchés n'ont, quant à eux, fait l'objet que d'une réparation simple avec purge du béton et ragréage. Un modèle de réparation qui s'applique aussi aux dalles, même si les plus endommagées d'entre elles seront remplacées.
Protection cathodique. Une fois l'ouvrage remis à niveau, restera à garantir sa pérennité. Pour ce faire, les composants rénovés bénéficieront d'une protection cathodique par « courant imposé ». Cette technique consiste à faire circuler en continu l'électricité entre deux électrodes dans une structure en béton armé, afin de stopper la réaction de corrosion des aciers provoquée par les ions chlorures. Si cette solution est peu utilisée en France, elle présente l'avantage d'offrir une protection sans limite de durée, puisque le courant est fourni par le branchement au réseau électrique. « Nous avons préféré cette option à celle de la protection galvanique, qui nécessite un métal sacrificiel, et donc un remplacement périodique », précise Loriane Pace, ingénieur travaux chez Setec.
Les éléments neufs, comme les dalles, n'intégreront pas en revanche ce traitement puisque leurs formulations ont été adaptées à l'environnement marin. Leur porosité réduite comme leur étanchéité renforcée assurent au matériau une durée de vie de cinquante ans.
Préserver les performances structurelles. Pour parachever la cure de jouvence, le mobilier de la corniche, le parapet et le banc seront remplacés par des objets préfabriqués neufs en béton fibré à ultra-haute performance (BFUHP). Déjà utilisé lors de la construction du Mucem, ce matériau équipera bientôt le balcon de ce boulevard, à une nuance près : les fibres seront ici en polymère synthétique et non pas en acier. Il s'agira une fois encore d'éviter l'usure perceptible sur d'autres éléments et de préserver les performances structurelles de l'ouvrage. De quoi permettre à cette route du littoral de figurer encore de longues années sur les cartes postales.


