Le blaireau est son meilleur ami, mais Christophe Ourdouillie apprécie également le putois et la queue-de-morue pour imiter de façon confondante les motifs du bois ou les veines du marbre, recréer un décor ancien ou encore inventer des motifs originaux. Pas aussi originaux toutefois que certains chantiers où il a exercé ses talents de peintre décoratif : palais saoudien, résidence à Palm Beach, abri pour femmes en situation précaire au Laos, maison d'un gagnant de l'EuroMillions dans le Berry, halls d'immeubles à Marseille, ou encore villa ayant hébergé les Rolling Stones près de Nice.
Pour apprendre ce métier, qu'il a découvert grâce à une petite formation financée par Pôle Emploi, celui qui avait commencé sa carrière dans la communication à Roubaix (Nord) travaille ensuite d'arrache- pied. Il apprend à dessiner et intègre, à ses frais, la prestigieuse école Van der Kelen de Bruxelles. Créée en 1892, elle forme notamment à imiter 25 types de marbre et de bois différents. L'apprenti faussaire a alors 26 ans.
« En 2005, après six mois de formation intensive, j'ai été diplômé avec la médaille d'argent », relate l'entrepreneur qui se fait alors embaucher par une PME parisienne, avant de se lancer en solo. En 2012, après avoir beaucoup baroudé, Christophe Ourdouillie pose ses valises dans le Nord. Il a enfin réussi à convaincre son frère Etienne de le rejoindre dans l'aventure. Objectif : qu'il l'épaule en assurant le travail administratif et commercial. Ils créent alors un atelier à Marcq-en-Barœul dans les locaux de la fondation Septentrion.
Complémentaires. Bonne pioche ! Le duo qui intervient désormais essentiellement au nord de Paris trouve rapidement son équilibre. « Je suis passé du statut d'artiste indépendant à une véritable entreprise familiale dans laquelle nous n'existons pas l'un sans l'autre. Nous sommes extrêmement complémentaires », se réjouit Christophe Ourdouillie. « Bois ou marbre en trompe-l'œil, dorures, décors, pochoirs… Nous répondons à toutes les demandes, y compris les plus complexes, et intervenons dans des délais très serrés », se félicite celui qui peut pourtant passer plusieurs jours à chercher la bonne teinte ou le bon décor pour ses chantiers, principalement des rénovations de monuments historiques.
En 2020, les deux frères participent durant huit mois, en sous-traitants du lot peinture gagné par SPDE, à la réhabilitation de la maison natale de Charles de Gaulle à Lille. Au programme : fenêtres archéologiques pour retrouver décors et patine d'époque ; imitation de bois de noyer, chêne, érable, de marbres ; réalisation de trompe-l'œil ou de 707 pochoirs pour le jardin d'hiver ; mais aussi copie de portraits d'ancêtres du général à la façon des peintres flamands. Avec cinq décideurs à satisfaire simultanément, ce projet nécessita aussi un vrai travail d'équilibriste. C'est à ce jour le plus complet et le plus complexe qu'ils aient réalisé.
En 2020, les deux frères ont embauché deux salariées en CDI, puis une troisième en 2022, soit un effectif conséquent dans ce secteur dominé par des entreprises unipersonnelles. « Il n'existe pas vraiment de difficultés pour recruter. Le métier implique cependant beaucoup de préparation amont et de se conformer aux souhaits des décideurs, ce qui n'est pas toujours aisé lorsque l'on a une forte fibre artistique », met en avant Etienne Ourdouillie. « La complexité technique, on y arrive toujours, le plus dur c'est tout le reste », confirme Christophe Ourdouillie.
