Comment mettre en avant l’innovation produit dans le point de vente ? D’abord en l’identifiant… comme innovation. Et non pas comme une simple nouveauté. « Le produit proposé par l’industriel doit notamment apporter un gain majeur pour l’artisan par rapport au temps passé sur le chantier, à la pénibilité au travail et sur le prix », relève Pierre Boumard, PDG de l’agence Brands at Work. Un dernier point très important pour Marlène Lecerf, à la tête de BigMat Duclos : « L’innovation ne doit pas être trop déconnectée par rapport au prix moyen de vente de la typologie de produits à laquelle elle appartient. Car fatalement, on va la comparer avec l’existant. » Et ce ne sont pas les seuls écueils à éviter. Pas d’innovation sans stock : « C’est un investissement, mais il faut savoir miser sur le produit. Si on en fait l’accroche, la disponibilité ne peut pas attendre deux mois », insiste Marlène Lecerf. Pas question de se précipiter non plus « sur tout ce qui bouge, avertit Hubert Guillet, PDG d’ACE Bleu Rouge. Le piège est d’investir trop dans la mise en avant d’un produit, sous prétexte qu’il est nouveau. Or, une innovation doit être en phase avec le marché. Si elle est bonne, elle le trouvera immédiatement. Dans le cas contraire, il vaut mieux arrêter d’investir tout de suite ». Un conseil que partage aussi Frédéric Champon, responsable d’agences chez VF Confort : « Lorsque nous lançons une innovation, nous demandons à l’installateur de nous faire confiance. C’est douloureux lorsqu’on se trompe. Nous avons donc mis en place un service technique au niveau du siège qui réunit tous les responsables techniques des agences afin de valider l’innovation avant de la mettre en avant ». Une prudence nécessaire dans un contexte marqué par de fortes évolutions. Grenelle de l’environnement et ses corollaires réglementaires obligent.
Une forte dose de pédagogie
Face à l’innovation, ces précautions s’imposent aussi parce que la nouveauté ne coule pas de source et perturbe les habitudes. « A priori, l’artisan préfère perdre du temps sur son chantier que de s’impliquer dans une nouvelle technique, poursuit Pierre Boumard. Paradoxalement, il est plus ouvert aux nouvelles technologies sur le plan personnel. » L’innovation doit donc s’accompagner d’une forte dose de pédagogie. Alors tous s’accordent à le dire : la formation de la force commerciale demeure primordiale… encore plus pour une innovation. « Il faut faire entrer le message plus longtemps, reprend Marlène Lecerf. D’autant qu’il n’est pas toujours évident pour nos collaborateurs de s’engager dans certaines notions comme l’étanchéité à l’air, induite par la réglementation thermique 2012 ». Une fois que la force commerciale s’est approprié l’argumentaire lié à l’innovation, « la présentation du produit est tout aussi vitale, avec un support visuel qui doit être de taille importante, poursuit la DG de BigMat Duclos. La mise en avant dans le point de vente peut s’effectuer sur totem, dans un espace promotionnel… Il faut accrocher l’œil ». Cet impact visuel joue pour au moins 30 % de la vente, « et motive les vendeurs ». Mais, il faut de la place… En son absence, un des palliatifs peut être de recourir à la vidéo. ACE Bleu Rouge a essayé ce support pour faire découvrir une nouvelle technique de tubes et raccords multicouches. Mais Hubert Guillet reste dubitatif. « Nous sommes des professionnels. A priori, nous savons expliquer les nouvelles techniques sans film. A-t-on pour autant raison de négliger ce genre d’outil de merchandising ? Il peut être à la rigueur intéressant à côté de la machine à café. Mais les installateurs ne flânent pas dans le point de vente. » Reste que l’innovation nécessite d’apporter compréhension aux entreprises afin qu’elles puissent se l’approprier.
Interagir grâce à l’innovation
Conséquence : l’innovation doit prendre sa place dans le point de vente, mais également en dehors. « Par exemple via Internet avec un accès par téléphone portable, tel que le font des industriels importants. Il faut arriver à rendre l’artisan acteur de l’innovation. La communication doit être pensée de manière interactive. Le but du jeu, à terme : que l’artisan soit l’ambassadeur de la marque », confie Pierre Boumard. Un parti pris choisi par VF Confort qui organise tout au long de l’année des actions autour d’innovations après qu’elles aient été validées par son service technique dédié : pavillon témoin pour tester le fonctionnement d’une chaudière à micro-cogénération compacte, mise en avant de points d’innovation lors de journées portes ouvertes avec récompense pour l’industriel le plus innovant, speed dating pour rencontrer plusieurs fabricants en une journée, parution bimestrielle avec informations dédiées aux innovations marquantes… « Nous avons une philosophie technique et proposons des solutions à haute technologie en entretenant des relations particulières avec nos fournisseurs, explique Frédéric Champon. Finalement, la mise en avant de l’innovation dans le point de vente arrive à la fin du processus de communication. Car c’est bien de dire à notre force commerciale, vendez ! Il faut aussi la soutenir. » Idem pour les entreprises clientes. « Elles ne veulent pas être le dindon de la farce, et sont très méfiantes en premier lieu. Cependant, l’innovation leur permet d’avoir une force de différenciation, de la valeur ajoutée, et de sortir du schéma classique de la concurrence tarifaire ». Comme les négociants… Et Frédéric Champon de s’interroger : « Il n’y a pas que l’innovation " produit " à mettre en avant. Aujourd’hui, la plupart des communications fonctionnelles n’ont plus d’impact auprès des clients ». Alors côté communication, il est aussi nécessaire d’innover.



