Décryptage

Loi Elan : l’impact sur les règles de la commande publique

Les 272 pages du projet de loi Elan, issues de la commission mixte paritaire (CMP), sont enfin publiées. Le texte a été adopté le 3 octobre par l’Assemblée nationale, et le sera le 16 par le Sénat. "Le Moniteur" décrypte les principales dispositions qui intéressent le BTP. Aujourd’hui, zoom sur les mesures qui impactent la commande publique.

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Le gouvernement entend libéraliser les règles de construction.
La loi Elan chamboule les règles de la commande publique

La loi MOP va en prendre un coup, c’est certain. Les parlementaires réunis en commission mixte paritaire, chargés de trouver un compromis sur le projet de loi Elan, ont en effet approuvé plusieurs dérogations au célèbre texte de 1985. Les bailleurs sociaux sont les premiers concernés. Mais ce n’est pas tout. D’autres dispositions viennent changer quelque peu les règles de la commande publique.

Champ d’application étendu pour la conception-réalisation

Les bailleurs sociaux (organismes d’habitation à loyer modéré (HLM) et sociétés d’économie mixte (SEM) de construction et de gestion de logements sociaux) pourront continuer à recourir librement à la procédure de conception-réalisation pour les marchés portant sur des logements locatifs aidés. Ils n’auront pas besoin de justifier de « motifs d’ordre technique » ou d’un « engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique » - conditions imposées en principe aux acheteurs soumis à la loi MOP pour opter pour la conception-réalisation (1). Cette mesure, déjà applicable, devait disparaître au 31 décembre 2018. Avec la loi Elan, elle est donc pérennisée.

La loi prévoit aussi cette possibilité de recourir sans condition à la conception-réalisation pour les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), mais cette fois-ci jusqu’au 31 décembre 2021 seulement.

Par ailleurs, les parlementaires ont élargi les possibilités d’utiliser la conception-réalisation pour tous les acheteurs soumis à la loi MOP. Outre les deux justifications précitées (« motifs d’ordre technique » ou « engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique »), cette procédure sera autorisée dans l’hypothèse de « la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur ».

Après avoir un temps imaginé une dérogation plus large, i.e. pour tout motif lié à la performance énergétique, les parlementaires l’ont finalement circonscrite au cas du bâtiment neuf surperformant, afin de ne pas priver les artisans d’accès aux travaux de rénovation.

Juridiquement, la rédaction de l’article 33 de l’ordonnance marchés publics va donc évoluer, tout comme celle de l’article 18 de la loi MOP.

Suppression de l’obligation de concours d’architecture pour les marchés de maîtrise d’œuvre

Autre nouveauté qui a fortement fait débat, la loi Elan dispense les organismes d’HLM, les SEM de construction et de gestion de logements sociaux, ainsi que les Crous, du recours au concours d’architecture pour la passation des marchés de maîtrise d’œuvre, ayant pour objet la réalisation d’un ouvrage de bâtiment. L’article 5-1 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977 sera modifié en ce sens. Ces maîtres d’ouvrage demeureront bien entendu soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence ; et peuvent continuer s’ils le souhaitent d’organiser des concours.

Dérogation à la loi MOP

La loi Elan s’attaque ensuite directement au champ d’application de la loi MOP. Les bailleurs sociaux entendus au sens large – comprenant les organismes HLM, les offices publics de l’habitat, les organismes privés d’habitation à loyer modéré et les SEM pour les logements à usage locatifs aidés par l’Etat – ne seront plus assujettis au titre II de la loi MOP relatif à la maîtrise d’œuvre. Autrement dit, ces organismes ne seront pas tenus de respecter les règles relatives aux missions de maîtrise d’œuvre telles que définies par la loi MOP. Cette disposition, qui avait été rejetée par le Sénat, est rétablie par la commission mixte paritaire.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, l’encadrement précis via la loi MOP de la conduite de la fonction de maître d’ouvrage dans ses relations avec la maîtrise d’oeuvre privée se justifie pour « la réalisation ponctuelle d’ouvrages de natures très diverses par des collectivités publiques dont la mission et les compétences ne sont pas d’être constructrices et gestionnaires d’une catégorie d’ouvrage ». Or, les bailleurs sociaux sont des « des professionnels de la construction immobilière spécialisés au même titre que les professionnels du secteur privé » et réalisent une seule catégorie d’ouvrages. Leur assujettissement à cette partie de la loi MOP ne serait donc « ni utile ni adapté ».

Précisions sur le régime de la commission d’appel d’offres

Enfin, la loi Elan redéfinit les contours des commissions d’appel d’offres (CAO) dans le cadre des marchés publics. Le texte précise que « pour les marchés publics passés par les offices publics de l’habitat, la commission d’appel d’offres est régie par les dispositions du Code de la construction et de l’habitation applicables aux commissions d’appel d’offres des organismes privés d’habitations à loyer modéré ». Il y a là une volonté d’harmoniser les deux régimes.

Par ailleurs, la loi indique désormais que le titulaire d’un marché public sera choisi par la commission d’appel d’offres, uniquement quand ce marché est passé selon une procédure formalisée, et que sa valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens. Là aussi, l’objectif est de simplifier et de clarifier. Jusqu’à présent, l’article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales ne se référait qu’au franchissement des seuils européens pour rendre l’intervention de la CAO obligatoire. Ce qui a donné lieu à des interprétations divergentes : fallait-il considérer que la CAO n’était obligatoire qu’en cas de recours à une procédure formalisée (appel d’offres, dialogue compétitif, etc.) ? Ou que toute procédure au-delà des seuils, même non formalisée (telle que la conclusion d’un marché de maîtrise d’oeuvre après un concours) devait déclencher l’intervention de la CAO ? Dorénavant, les choses seront claires : la CAO choisira l’attributaire dès lors que le marché excèdera les seuils ET fera l’objet d’une procédure formalisée.

(1) Article 33 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

Retrouvez les décryptages des autres volets de la loi Elan en cliquant ici

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