Comment consommer moins et consommer mieux l’énergie ? La question obsède les professionnels du bâtiment. Une partie de la réponse est d’ailleurs déjà bien connue : il faut maîtriser et réduire ses consommations. « Mais on peut aussi chercher à utiliser le meilleur kWh au meilleur moment pour ainsi faciliter la pénétration des énergies renouvelables (EnR), malgré leur intermittence », assure Christophe Rodriguez, directeur général adjoint de l’Institut français pour la performance énergétique des bâtiments (Ifpeb).
Plus le mix énergétique français comportera d’EnR, plus il sera difficile d’assurer l’équilibre entre l’offre d’énergie et la demande, rappelait RTE dans ses six scénarios pour la France en 2050. D’où l’idée « d’effacer » une partie des consommations en période de disette.
C’est bien pour rendre tangible cette flexibilité énergétique, que l’Ifpeb et le Gimelec ont lancé mardi 8 mars un appel à manifestation d’intérêt (AMI). « L’objectif est de mettre en place une plateforme digitale où mettre en relation des gestionnaires de patrimoines avec des agrégateurs de type Voltalis, Eqinov ou Agregio, des acteurs capables de valoriser ces effacements sur les marchés de l’énergie », reprend Christophe Rodriguez. Les membres de l’Ifpeb n’hésitent pas à faire le parallèle avec un « Bon Coin » de la flexibilité énergétique.
GoFlex pour évaluer un potentiel d’effacement énergétique
La création de la plateforme digitale repose sur l’indicateur GoFlex conçu par le Gimelec, avec le soutien de l'Ifpeb. « Cet indicateur fonctionne pour l’instant sous la forme d’un tableur Excel et permet à un gestionnaire de bâtiment d’évaluer son potentiel de flexibilité électrique », poursuit-il. Ce « Nutriscore » de la flexibilité énergétique permet de répondre à deux questions : quelle est la puissance modulable de ma construction ? Et, quel est le niveau de connectivité ou d’intelligence de mon bâtiment ? Plus un édifice est connecté, plus il sera facile de couper ou d’enclencher des fonctions.
Dans le détail, le gestionnaire doit indiquer la puissance électrique souscrite, les différents usages, ceux qui peuvent être coupés et pendant combien de temps. « Nous avons développé des algorithmes à partir de retours d’expériences qui nous permettent de générer des hypothèses sur les appels de puissances », détaille le directeur général adjoint. Le résultat s’exprime par une lettre relative au niveau d'intelligence du bâtiment (comprise entre A et D, où A est le plus performant) et des kW modulables.
Massifier la flexibilité énergétique
L’enjeu à présent est de massifier la flexibilité énergétique. Dans ce but, l’Ifpeb envisage un calendrier en trois temps. La première étape est d’identifier grâce à l’AMI, 300 bâtiments avec leur potentiel d’effacement énergétique et de basculer GoFlex dans le digital pour rendre l’outil plus ergonomique et facile à prendre en main. « Nous cherchons également des professionnels intéressés pour rejoindre la gouvernance et participer au financement », précise le directeur général adjoint.
Cette étape devrait s’achever d’ici l’été 2022. Morbihan Energies, le Syndicat départemental d'énergie et d'équipement de la Vendée et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) ont déjà fait part de leur intérêt. Ce premier volet devrait se clore d’ici le printemps 2023. La deuxième étape consistera alors à ouvrir la plateforme au public, puis à l’horizon 2024 à prendre une envergure européenne.
8 % d’économie d’énergie pour Carrefour Property
Selon une étude sur le lien entre flexibilité énergétique et maîtrise de l’énergie dans le tertiaire réalisée par l’Ifpeb avec la FNCCR, la flexibilité énergétique et la maitrise de l’énergie sont tout à fait compatibles, en particulier dans le secteur tertiaire.
L’exemple de Carrefour Property est particulièrement significatif : le maître d’ouvrage a pu réaliser jusqu’à 8 % d’économie directes sur ses factures énergétiques en réalisant des effacements sur 25 de ses galeries marchandes. Des effacements compris entre 500 kW et 1 MW sont opérés sans impact sur le confort des utilisateurs.
La même étude a mis en évidence des gains potentiels de 5 à 12 % grâce aux différents marchés de flexibilité pour des bâtiments tertiaires peu performants. Les gains économiques générés peuvent être liés à des économies directes sur la facture énergétique mais aussi via un contrat avec un agrégateur de flexibilités.