Droit de la concurrence : l'essentiel du premier semestre 2020

Un début d'année marqué par la crise sanitaire et par les réflexions menées pour remédier aux distorsions de concurrence dans les marchés publics.

 

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Le Covid-19 et le traitement des procédures

La pandémie et le confinement ont fortement impacté les procédures de concurrence en ce début 2020.

Bouleversement des calendriers. Les procédures en cours ont tout d'abord marqué un temps d'arrêt. Les mesures d'enquête se sont évidemment taries, et les délais applicables dans les procédures en cours devant l'Autorité de la concurrence (ADLC) ont été suspendus, puis précisés par plusieurs ordonnances adoptées sur le fondement de la loi d'urgence n° 2020-90 du 23 mars 2020. Au niveau de la Commission européenne, les délais ont également été adaptés, en particulier en matière de contrôle des concentrations. Globalement, les deux autorités ont continué à travailler à distance, et leurs délais de traitement sont demeurés proches des délais usuels dans les cas urgents qui ne nécessitaient ni réunion, ni séance, par exemple en matière de concentrations ou d'aides d'Etat. En revanche, dans les dossiers relatifs aux procédures d'infraction, les délais ont été suspendus tandis que les autorités ont continué à préparer les échéances procédurales qui ont repris depuis. Dans nombre de dossiers, des demandes de renseignements, notifications de griefs et décisions sont en train d'arriver à leurs destinataires.

Evolution de l'appréciation au fond des dossiers. Au-delà de la perturbation des calendriers, la question qui se pose est de savoir comment le Covid-19 a pu et pourra encore modifier l'appréciation au fond des cas soumis. En matière de pratiques anticoncurrentielles, les règles demeurent largement inchangées, et les entreprises actives en France ont dû s'assurer de la conformité des mesures exceptionnelles qu'elles ont prises dans cette période par rapport aux dispositions applicables en matière d'ententes et d'abus de position dominante. Cela n'a pas toujours été simple quand elles ont été aux prises avec le pouvoir politique ou l'administration cherchant à fédérer les entreprises de certains secteurs au plus vite autour de mesures communes.

La pandémie a conduit les autorités à adopter des textes à la portée plus ou moins large pour donner plus de flexibilité aux entreprises s'agissant de coopérations entre concurrents que la pandémie a immédiatement fait surgir. Ainsi, Bruxelles a publié des lignes directrices s'agissant de coopérations touchant aux produits ou services essentiels et a plus largement annoncé qu'elle était disponible pour accorder des lettres de confort au-delà de ces secteurs spécifiques.

L'Autorité de la concurrence a également indiqué se tenir prête à répondre aussi rapidement que possible à de telles demandes des entreprises, de manière à leur apporter une plus grande sécurité juridique. Elle a par exemple apporté un tel éclairage à une association professionnelle d'opticiens français s'agissant des actions mises en œuvre pour le compte de ses membres à l'égard de leurs bailleurs.

Dans le même temps, les autorités n'ignorent pas que les crises tendent à accroître les incitations à s'entendre. La Commission comme l'ADLC ont indiqué que la période ne saurait légitimer des ententes injustifiables au-delà des coopérations vertueuses entre concurrents évoquées ci-dessus. Les secteurs les plus durement touchés par la crise sanitaire devront donc être particulièrement vigilants sur des comportements potentiellement non conformes.

Commission européenne, cadre temporaire pour l'appréciation des pratiques anticoncurrentielles dans les coopérations mises en place entre des entreprises pour réagir aux situations d'urgence découlant de la pandémie actuelle de Covid-19 (8 avril 2020).

ADLC, communiqué de presse sur la sortie progressive de la période d'urgence sanitaire : reprise des délais légaux (18 mai 2020).

La question est de savoir comment le Covid-19 a pu et pourra encore modifier l'appréciation au fond des cas soumis

Contrôle des aides d'Etats tiers et marchés publics

Bruxelles a publié en juin un livre blanc sur les distorsions de concurrence pouvant être causées par des mesures de soutien financier octroyées par des autorités d'Etats tiers à des entreprises au sein de l'UE. Ne disposant pas à l'heure actuelle de pouvoirs pour vérifier l'existence de ces contributions financières émanant d'Etats tiers et les possibles effets de distorsion de la concurrence engendrés, la Commission européenne propose dans ce livre blanc la mise en place de trois instruments qui lui permettront d'exercer un tel contrôle.

Information et réparation. Le premier consisterait à lui octroyer, ainsi qu'aux autorités nationales compétentes, des pouvoirs d'enquête visant à recueillir des informations auprès des entreprises établies dans l'UE ou exerçant dans l'UE qui ont reçu des subventions d'Etats tiers susceptibles de provoquer une distorsion de concurrence dans l'UE - et d'imposer des mesures réparatrices dans le cas où ce risque de distorsion serait établi.

Le second viserait à contrôler les subventions étrangères qui facilitent l'acquisition de cibles dans l'UE par un système de notification préalable obligatoire, le cas échéant avec des seuils de contribution financière minimale. En cas de risque de distorsion et à défaut de remèdes proposés par l'entreprise concernée, l'autorité compétente pourrait interdire l'acquisition.

Enfin, la Commission propose de mettre en place un mécanisme d'information préalable des pouvoirs adjudicateurs s'agissant des contributions financières d'Etats tiers pouvant fausser les procédures de passation de marchés publics. Sur cette base, les pouvoirs adjudicateurs pourraient alerter les autorités de surveillance compétentes et exclure les entreprises bénéficiaires de la procédure de passation de marché. Lorsqu'un financement de l'UE est accordé à certains projets, il ne doit pas non plus favoriser des entreprises ayant reçu des subventions étrangères.

Ces trois outils sont évidemment porteurs d'un espoir de rééquilibrage entre entreprises européennes soumises à un contrôle des aides d'Etat et entreprises de pays tiers qui y échappent le plus souvent, mais ils recèlent un certain nombre de difficultés, s'agissant d'identifier des flux en provenance d'Etats étrangers à des entreprises elles-mêmes étrangères. Ce livre est ouvert à la consultation jusqu'au 23 septembre 2020. Sur cette base, la Commission pourra faire des propositions législatives.

Commission européenne, Livre blanc relatif à l'établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères (17 juin 2020).

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