Acoustique : l'Espro se fait entendre à nouveau

Inauguré en 1978 et fermé en 2011, l'Espace de projection de l'Ircam, un auditorium unique au monde, rouvre après quatorze mois de travaux.

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L’Espace de projection de l’Ircam est tout à la fois une salle de concert, un studio d’enregistrement et un laboratoire de recherche. Son acoustique variable est principalement obtenue via ses trois plafonds mobiles et par les 171 tri-périactes de ses parois, aux faces absorbantes, réfléchissantes ou diffusantes.

Niché dans le silence des profondeurs, à 16 mètres sous la place Igor-Stravinsky (Paris IVe ), l'Espace de projection (Espro) de l'Institut de recherche et coordination acoustique/ musique (Ircam) - l'un des départements du Centre Georges-Pompidou - a été conçu à la fin des années 1970 par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, avec les acousticiens du BET Peutz & Associés. Particularité de cet auditorium/studio/ laboratoire unique au monde, imaginé de concert avec le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez : acoustique et scénographie y sont largement modulables. « Cet espace […] peut projeter du son, de la lumière, des événements audiovisuels, tous les événements possibles, mais qui ne sont pas forcément liés aux instruments traditionnels », décrivait, visionnaire, ce dernier, alors directeur des lieux, lors de leur inauguration en 1978.

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Ainsi, les trois plafonds, mobiles en hauteur (de 1,50 m à 10,50 m), font varier le volume de l'Espro, tandis que les parois, composées de 171 tri-périactes, des caissons de trois prismes triangulaires pivotants (avec une face absorbante, une réfléchissante et une diffusante), peuvent être configurées à la demande pour moduler les ambiances selon le souhait des compositeurs, chercheurs ou instrumentistes. La durée de réverbération moyenne, liée au volume de la salle et à son absorption globale, peut ainsi fluctuer de 0,4 seconde (ambiance ultra-mate d'un studio d'enregistrement) jusqu'à plus de 4 secondes (effet « cathédrale »), tandis que la jauge varie de 250 à 350 places.

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Travaux en site occupé. Hélas vieillissant, victime d'infiltrations, d'une motorisation poussive de ses tri-périactes et, pour couronner le tout, amianté par endroits dans les galeries périphériques de maintenance, l'Espro a été fermé en 2011 pour raisons de sécurité. Après quatorze mois de travaux en site occupé - à proximité des studios de musique et des laboratoires de recherche… -, il a rouvert en juin 2022, le temps d'accueillir pour les 40 ans de la Fête de la musique quelques représentations confidentielles du « Polytope de Cluny », l'installation son et lumière créée en 1972 par le compositeur Iannis Xenakis. Pour les acousticiens de la maîtrise d'œuvre, le BET Altia, la mission a consisté en des mesures de diagnostic préalable de l'existant et de suivi du chantier de rénovation. Il s'agissait d'encadrer les opérations susceptibles de dégrader les qualités intrinsèques de la salle, voire son isolement vis-à-vis des locaux annexes (régie, studios) : désamiantage, intervention sur les réseaux aérauliques et leurs silencieux, remplacement de la motorisation des tri- périactes. Ces derniers ont également tous été déposés, nettoyés et remis à neuf. L'agence Renzo Piano Building Workshop a par ailleurs veillé à ce que l'aspect d'origine de la salle au look rétrofuturiste demeure inchangé, nuances de peinture comprises ; de même que son acoustique propre, ce dont attestent les mesures effectuées à réception.

Dirigée aujourd'hui par Frank Madlener, « La Fabrique des rêves sonores » - nouvelle identité de l'Ircam - a véritablement rouvert l'Espro au public le 12 janvier dernier après d'ultimes ajustements et réglages, et le souhait d'adapter les lieux à des projets numériques fédérés par les « lignes de force » de l'interactivité, de l'intelligence artificielle, de la créativité, de l'immersion et, enfin, de l'imaginaire… D'où l'installation d'éléments techniques nécessaires à la diffusion d'un son holophonique avec le système WFS (synthèse d'hologrammes sonores) et immersif en 3D (dispositif Ambisonics).

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Spatialisation en temps réel. Une ceinture de 264 haut-parleurs est ainsi répartie autour de la scène et du public pour la diffusion en WFS, tandis qu'un « dôme » formé par 75 autres haut-parleurs pilote le son tridimensionnel. Cet ensemble de 339 sources sonores est géré par ordinateur pour créer - en temps réel - les effets de spatialisation, en droite ligne des recherches menées, dès 1975, par Pierre Boulez et Frank Zappa, aux côtés du compositeur Luciano Berio et du physicien Giuseppe di Giugno. Ici aussi, les seventies rejoignent le XXIe siècle.

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