Reportage : l’éolien flottant change d’échelle en Occitanie

La région Occitanie a inauguré le 2 juin le quai lourd du port audois de Port-la-Nouvelle, marquant le début de l’assemblage des plus puissantes éoliennes flottantes de France. Une avancée majeure pour la structuration d’une filière industrielle en Méditerranée.

Réservé aux abonnés
Assemblage d’une éolienne flottante à Port-la-Nouvelle (Aude)
L’assemblage des trois éoliennes du projet EFGL sur leurs fondations flottantes, au sein d’un environnement portuaire comme celui de Port-La Nouvelle, est une opération aussi complexe qu’inédite en France. Une fois montée, chaque turbine culminera à 186 mètres en bout de pale.

Quelque 22 mètres de haut, 80 mètres de large, près de 2 000 tonnes : le premier flotteur du projet EFGL (Les éoliennes flottantes du golfe du Lion), porté par Ocean Winds et la Banque des Territoires, trône désormais à quai. Ce géant des mers illustre une étape décisive à Port-la-Nouvelle, dans l’Aude. « C’est l’aboutissement d’un projet de longue haleine, rendu possible par une mobilisation collective. Plus de 600 millions d’euros ont été investis dans l’infrastructure portuaire, dont 365 millions apportés par la région. Un chantier qui a pu mobiliser jusqu’à 300 personnes et 60 % d’entreprises locales », a souligné Carole Delga, présidente de la région Occitanie. En dix ans, le port a été métamorphosé en hub industriel. S’il doit encore livrer un « môle vert » de 40 ha avec 300 mètres de quais supplémentaires d’ici 2026, 45 millions d’euros ont notamment permis de créer un quai lourd, long de 250 mètres, adossé à un terre-plein de 7 hectares dédié à la construction et à l’assemblage des éoliennes en mer.

Flotteur d’éolienne flottante à Port-la-Nouvelle (Aude)
Flotteur d’éolienne flottante à Port-la-Nouvelle (Aude) Flotteur d’éolienne flottante à Port-la-Nouvelle (Aude)

Début mai, le premier flotteur a été remorqué depuis Fos-sur-Mer jusqu’au nouveau terminal éolien de Port-La Nouvelle. Le second doit entrer au port ce 3 juin. Ces plateformes semi-submersibles WindFloat de troisième génération conçues par Principle Power sont constituées de trois colonnes cylindriques reliées par des bracings (tubes). La colonne la plus large reçoit l’éolienne et les deux autres colonnes assurent la stabilité par ballastage. © Florence Jaroniak

Des éoliennes prêtes à prendre le large

Intégration des tronçons de mâts, installation des nacelles et fixation des pales… C’est ici que s’achève le montage de la première turbine d’EFGL. Deux autres flotteurs suivront avant le départ en mer en juillet, à 16 km au large de Leucate et du Barcarès. Les trois éoliennes de 10 MW chacune seront alors les plus puissantes jamais installées en France. Elles produiront 110 000 MWh par an. Une base portuaire assurera leur maintenance pendant vingt ans. L’opération s’appuie sur des partenaires de premier plan : Principle Power et Eiffage Métal (flotteurs), Vestas (turbines), JDR et SDI (câbles inter-éoliennes) et Euroports (logistique). « Le principal défi consiste à stabiliser parfaitement les flotteurs pour permettre un assemblage sécurisé. Compte-tenu de la faible profondeur du port, nous avons conçu un système innovant de bouées autour et sous les flotteurs pour éviter qu’ils ne touchent le fond lors de l’installation des turbines » résume Marc Hirt, directeur général France d’Ocean Winds. Mais la véritable innovation réside dans le ballastage dynamique. « Capable d’ajuster en temps réel l’équilibre des flotteurs en fonction du vent, ce système maintient les turbines aussi verticales que possible, optimisant ainsi leur performance. »

Un laboratoire pour l’avenir

EFGL joue aussi le rôle de démonstrateur environnemental : biohuts (paniers de coquilles pour favoriser la biodiversité), ou encore surveillance de l’avifaune par radars, caméras et dispositifs sonores sont au programme. « Ces projets pilotes comportent des aléas techniques qui ont entraîné une augmentation des coûts et des retards. Des ajustements ont toutefois été acceptés, notamment le report des dates de mise en service qui avaient été fixées par l’Ademe » reconnaît Marc Hirt. Ces expériences n’en sont pas moins cruciales pour les futurs projets commerciaux, à commencer par Eflo (250 MW), attribué fin 2024 à Ocean Winds. L’installation des éoliennes d’Eolmed (automne 2025) et l’attribution attendue du parc de 500 MW (AO9) en Occitanie viendront renforcer l’élan. Pour structurer durablement la filière, un comité stratégique coprésidé par l’Etat et la région vient d’être lancé. Certes, le coût des unités pilotes reste élevé et les tarifs de rachat de l’électricité ne sont pas indexés. Mais la direction est claire. « La France, deuxième gisement éolien d’Europe, vise 45 GW d’éolien en mer d’ici 2050, dont 5,8 GW en Méditerranée, principalement en Occitanie », a rappelé Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie.

Inauguration, le 2 juin 2025, du quai lourd du port audois de Port-la-Nouvelle (éolien flottant)
Inauguration, le 2 juin 2025, du quai lourd du port audois de Port-la-Nouvelle (éolien flottant) Inauguration, le 2 juin 2025, du quai lourd du port audois de Port-la-Nouvelle (éolien flottant) (MAXIME ALESSANDRINI-REGION OCCIT)

Carole Delga (en vert), présidente de la région Occitanie, aux côtés, notamment, de Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie et de la Haute-Garonne, Claire Waysand, directrice générale adjointe d’Engie, Marc Hirt, directeur général France d’Ocean Winds, Emmanuel Legrand, directeur transition écologique de la Banque des territoires, Hélène Sandragné, présidente du Conseil départemental de l’Aude, Henri Martin, maire de Port-La Nouvelle, Jean-Michel Alvarez, vice-président du Grand Narbonne, Grégoire Chauvière Le Drian, responsable du Bureau du Groupe BEI en France, ont visité le chantier d’assemblage des éoliennes du projet EFGL, lequel amorce la structuration industrielle de la filière de l’éolien flottant sur la façade méditerranéenne. © Maxime Alessandrini/Région Occitanie

Naissance d’un comité stratégique de filière

L’Etat et la région lancent un comité stratégique dédié à l’éolien flottant pour orchestrer son développement en Occitanie. Objectif : maximiser les retombées économiques, industrielles et territoriales, tout en assurant l’acceptabilité locale des projets. « Si cette instance voit le jour maintenant, c’est parce qu’il faut d’abord créer l’écosystème dans son entièreté, porté par un chantier d’envergure qui a permis de fédérer les acteurs autour d’une filière nouvelle en France », souligne Carole Delga. Cette instance réunit Etat, région, entreprises, laboratoires, centres de formation, gestionnaires portuaires, etc. Elle pilotera une stratégie commune autour de quatre priorités : finaliser les aménagements du port de Port-la-Nouvelle, structurer la filière via l’innovation et l’implantation d’acteurs clé, développer une offre de formation spécialisée et intégrer le tourisme littoral.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires