Le retour vers le vivant motive l’entrée de Gilles Clément au conseil d’administration de l’Ecole supérieure d’architecture des jardins (Esaj), qui l’a porté à sa présidence. « Je vois cette profession de paysagiste virer vers celle d’aménageurs ignorant le vivant. Il est temps de réajuster le tir », justifie le président de l’établissement qui a fêté ses 50 ans le 5 juin 2019, avec trois ans de retard, symptôme d’une crise dont il essaie de sortir.
Gouvernance renouvelée
Derrière Gilles Clément, plusieurs autres figures incontestées de la conception paysagère et de la gestion écologique des espaces verts participent au nouvel élan annoncé à l’occasion du salon Jardins, Jardin : Clément Willemin, fondateur de Base, une des plus grandes agences française de paysage, a également rejoint le conseil d’administration, aux côtés de Pierre-Marie Tricaud, ancien président de la Fédération française du paysage, et de Simon Diard, représentant des anciens élèves. Jean-Pierre Gueneau, président de l’association Hortis, qui regroupe les chefs de services d’espaces verts des collectivités territoriales, a présidé le jury du diplôme.
Priorité végétale
Sur le plan pédagogique, le nouveau conseil d’orientation, en cours de constitution, reprendra le fil du conseil scientifique créé en 2016 – la vraie année du cinquantenaire - sous la présidence de Philippe Thébault, issu de la première promotion de l’Esaj. Cette instance avait déjà identifié le retour vers la connaissance du végétal comme une priorité. La volonté d’ouverture préside à la constitution du conseil d’orientation qui offrira une place à l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep) et à l’union française des étudiants en paysage (Ufep).
Nouvelles technologies
La maîtrise des nouvelles technologies de la communication figure également parmi les priorités des dirigeants de l’Esaj, qui pressentent une mutation dérivée de celle du secteur de la construction : le Landscape information model prolongera le big bang créé dans l’univers du BTP par le Building information model.
Déstabilisée en 2015 par la création du Diplôme d’Etat de paysagiste, puis en 2016 par la réglementation du statut de paysagiste concepteur, l’Esaj poursuit ses efforts pour rejoindre le club des écoles publiques qui donnent accès à l’un et à l’autre. La création d’une cinquième année d’étude, en 2022, s’inscrit dans cet objectif. « Le contenu élaboré avec la profession renforcera le caractère opérationnel du diplôme », insiste le directeur de l’Esaj, Cyril Ognar. Il mise aussi sur les partenariats européens pour renforcer le rayonnement et pour élargir les horizons des diplômés.
Le défi de Mugo
Fondement économique du nouvel élan pédagogique, le coup de pouce financier du groupe d’espaces verts Mugo a surpris une partie de la profession. Catherine Muller, présidente de l’Union nationale des entreprises du paysage, ne dissimule pas son amertume, dans les coulisses de Jardins, Jardin : avec son mari Thierry, fondateur de l’entreprise d’espaces verts éponyme, elle espérait prolonger un engagement militant. « C’était pour nous un projet de vie », confie-t-elle, relayant les doutes formulés par d’autres observateurs sur la sincérité à long terme des engagements du groupe d’espaces verts qui, en un temps record, a atteint la taille d’une grosse PME du paysage, avec 200 salariés.
Ce bémol ne refroidit pas l’enthousiasme des anciens de l’Esaj intégrés au bureau d’études de Mugo : « Tout comme l’école spéciale d’architecture, le seul établissement privé de formation des architectes paysagistes occupe une place atypique qui a vocation à jouer un rôle exceptionnel », estime Guillaume Blazy, porte-parole de ce noyau d’Esajiens de Mugo, heureux d’avoir convaincu leur direction de soutenir l’école, dans le cadre des aides défiscalisées aux associations de formation.
Bien informé de ce débat, Gilles Clément pose les limites éthiques de son mandat : « Si je constate que ma présence ne sert à rien, je quitterai le conseil ».