Les 30 ans du Jardin Atlantique, situé à l’arrière de la gare Montparnasse à Paris, offrent un support à l’ambition de la section Art des Jardins de la société nationale d’horticulture de France (SNHF). « Pour tirer les enseignements des plantations mises en place dans des milieux artificiels, ces trois décennies donnent un recul idéal », estime le paysagiste et ancien président de la fédération française du paysage Michel Péna.
Cure de jouvence
Agé de 32 ans en 1987, il remporte le concours face à Michel Corajoud, avec un discours de combat : « Le jardin malgré tout », se souvient-il. Après la dalle bétonnée qui coiffe le faisceau ferroviaire pointé vers l’Atlantique, son enthousiasme intact rencontre un nouveau défi : catalyser la cure de jouvence de la SNHF.
« C’est aussi le bon moment pour s’interroger sur l’adaptation du site aux nouvelles demandes de la société et au défi climatique », ajoute l’archéologue et historienne du patrimoine Sylvie Depondt, présidente de la section Art des jardins de la SNHF. « Et pour s’interroger sur les jardins comme artefacts de l’urbanisme de dalle », renchérit l’architecte et historienne Bénédicte Leclerc.
Métamorphose permanente
Le double regard sur le passé et l’avenir du jardin trentenaire inspire l’événement phare programmé par la section en pleine renaissance, après une longue dormance : le 22 juin dans la matinée, Michel Péna conduira une visite critique de son œuvre trentenaire. L’après-midi, un colloque élargira le sujet aux « jardins en métamorphose ».
Autre ancien président de la Fédération française du paysage associé à la renaissance de l’Art des jardins à la SNHF, Pierre-Marie Tricaud rappelle la continuité de la pensée paysagère sur ce thème de l'épreuve du temps, à travers une citation qu’il affectionne : « Les œuvres de qui construit commencent immédiatement à se délabrer, tandis que celles de qui plante commencent immédiatement à s'améliorer », écrivait, au XVIIIème siècle, le paysagiste et poète anglais William Shenstone. Le colloque du 22 juin actualisera la compréhension de ces œuvres humaines capables de rajeunir en prenant de l’âge.
Résoudre la crise du rêve
L’érudition des professionnels et militants rassemblés autour de Sylvie Depondt n’empêche pas l’ambition d’associer le grand public à un salutaire ressourcement culturel : « Pour dépasser la crise du rêve, notre mission consiste à le reconstruire autour de l’acte jardin », prophétise Michel Péna. La SNHF se saisit de la perche ainsi tendue en intégrant l’événement du 22 juin parmi les avantages offerts à tous ses adhérents.
Chacun des membres de la section en voie de reconstruction s’apprête à remplir sa part de l’acte jardin. Les terrains dans lesquels s’exprime leur amour de l’art feront l’objet de ses prochaines réunions débats introduits par une présentation de chacun d’entre eux. L’écologie, le patrimoine, la végétalisation du bâtiment, la planification territoriale, les jardins partagés et le décryptage d’une œuvre paysagère cévenole figurent au menu esquissé le 10 janvier par la section, lors de sa première réunion annuelle.
« Une approche très éclairée et très pragmatique », salue Jean-Pierre Gueneau, président de la SNHF et directeur des espaces verts de Créteil (Val-de-Marne). Sa double casquette le prédispose à accompagner sa troupe d'artistes des jardins, la tête dans les étoiles et les pieds dans la glaise.