La cabane primitive idéalisée des commencements de l’architecture a ses nostalgiques, tout comme le cabanon corbuséen ses ardents zélateurs. Mais le tipi des Peaux-Rouges de notre enfance, à l’instar du chapiteau de cirque avec ses indomptables écuyères, ont également enfiévré l’imaginaire de générations d’architectes en herbe. Ils resurgissent magnifiés, çà et là, à la faveur de constructions textiles qu’on aurait tort de croire réservées aux seuls pavillons éphémères, barnums événementiels pour camelots et autres abris de fortune. Grâce à leurs performances techniques croissantes les membranes composites souples voient leur domaine d’application s’étendre : toitures tendues, peaux de façades, voiles de protection solaire, voire installations artistiques de grande ampleur (le « Léviathan » d’Anish Kapoor, dans la nef du Grand Palais à Paris en 2011).
De l’éphémère au durable
C’est que, depuis le toit du stade olympique de Munich en 1972, où l’architecte et ingénieur Frei Otto jonglait avec le concept de « surface minimale », ces membranes (âme polyester et enduction PVC) n’ont cessé d’évoluer. « Nous employons 30 personnes rien que pour la R & D », souligne Bénédicte Ferrari, chargée des relations et partenariats chez le spécialiste Serge Ferrari, à l’occasion de l’ouverture de son showroom à la Bastille (Paris XIIe). Le groupe familial français, présent dans 80 pays, conduit ainsi des recherches qui portent sur l’acoustique, la durabilité, la lutte contre le vandalisme par lacération, la palette de coloris, l’impression graphique, voire l’intégration de cellules photovoltaïques à la membrane. Sans oublier le recyclage qui permet de récupérer et de réutiliser la poudre de PVC et les fils polyester pour de nouveaux usages (isolation thermique, sous-couches drainantes pour toits végétalisés, etc.). La tente sahraouie aux allures de montagne parisienne (Kilo Architecture), la nappe de conoïdes en toiture du Stade Vélodrome de Marseille (Scau), ou les sinuosités organiques et florales de Zaha Hadid à Londres, démontrent que l’architecture textile, nourrie de l’esprit de géométrie autant que de celui de finesse, rivalise sans complexe avec les matériaux « en dur » de l’architecture traditionnelle.