Français, encore un effort pour transformer votre amour du bois en une consécration pour la filière qui relie la forêt à la construction !
Sous le titre « Filière forêt bois, enjeux et défis pour la souveraineté nationale », un manifeste lancé le 2 février distille ce message porté par deux voix : celles de Frédéric Carteret, président de France Bois Industrie, et de Jean-Michel Servant, président de France Bois Forêt.
Souveraineté nationale
« L’enjeu principal se situe dans notre capacité industrielle », déclare le premier, avant de s'interroger : « Composée essentiellement de PME et de petites ETI, la filière est-elle en mesure de boxer dans la catégorie qui bénéficie des plans d’investissement d’avenir ? »
Alors que 80 % du bois d’ingénierie consommé dans l’hexagone provient des importations, le retard accumulé par l’industrie française de transformation à la fin du XXème siècle justifie un redoublement de l’effort. La comparaison de la France et de l’Allemagne plaide en ce sens : malgré une ressource plus abondante, la première n’emploie que 400 000 personnes dans sa filière bois forêt, contre 1 million pour la seconde.
Promouvoir les essences oubliées
Les 138 essences recensées en France compliquent le franchissement de l’obstacle. Outre la lutte contre des effets de mode qui ont marginalisé nombre d’entre elles, comme le merisier, le charme ou le tremble, la reconquête passe par la valorisation énergétique des co-produits, y compris à travers l’hydrogène issu de la biomasse forestière : « Le plan hydrogène ignore ce potentiel, alors que le bois peut apporter de la compétitivité », regrette Frédéric Carteret.
Malgré ces obstacles, les dirigeants de la filière se sentent le vent dans le dos : appliquée depuis le 1er janvier, la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) consacre l’analyse de cycle de vie dynamique, qui donne l’avantage au bois grâce à sa capacité de stockage du carbone. Les professionnels regrettent néanmoins que les clauses de revoyure associées à ce dispositif freinent l’élan en brouillant la visibilité du marché.
Accord cadre imminent
Une autre source d’espoir provient de la cohésion interne de la filière, à quelques jours de la signature d’un contrat cadre ardemment défendu par Jacques Ducerf, président de la fédération nationale du bois : « Cet accord, qui couvre la forêt publique et privée, garantira la valorisation nationale de la ressource française », espère-t-il. Il exprime la même confiance dans le label UE en cours de déploiement à l’échelle européenne.
A l’amont et grâce à France Relance, l’effort de plantation sans précédent depuis l’après-guerre alimente l’espoir de France Bois Forêt, même si son président mesure l’ampleur des défis climatiques. « Seule une stratégie de long terme permet d’y répondre : comme la conduite d’un paquebot, la gestion forestière passe par l’anticipation », insiste son président Jean-Michel Servant.
Un amour à consolider
Le contexte de l’élection présidentielle pousse l’interprofession à s’adresser à l’ensemble de la société, en s’appuyant sur une cote d’amour forte : « 74 % des français jugent le bois insuffisamment utilisé pour réduire l’impact carbone de la construction », rappelle le manifeste, sur la foi d’un sondage CSA réalisé du 25 mars au 1er avril dernier.
La consolidation de l’appétence passe par la formation tous azimut, du CAP au doctorat, et y compris dans les filières non spécialisées.
Parmi les majors du BTP, Bouygues décline cette orientation en interne : « Les coffreurs bancheurs deviennent charpentiers, et le bois se prête à l’insertion », témoigne Fabrice Denis, directeur général du pôle Construire autrement de Bouygues Bâtiment France.
Les élus, médiateurs et acheteurs
Pour renforcer son attractivité dans le grand public, la filière compte également sur la médiation des élus locaux : « Entre production et environnement, la multifonctionnalité de la forêt ne peut se comprendre qu’à l’échelle locale », estime Jean-Michel Servant.
L’appel aux élus renvoie aussi à leur fonction de maîtres d’ouvrages publics, comme l’a bien compris Dominique Jarlier, maire de Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme) et président de la fédération nationale des communes forestières : « Complémentaire de « bois de France », le label « bois du Massif central » m’a permis de choisir la provenance des bardages du nouveau centre de tri-postal, grâce à la compatibilité des exigences de traçabilité avec la réglementation des marchés publics », se réjouit l’élu.
Défi européen
Concentrée sur la valorisation de la ressource nationale, la filière reconnaît sa marge de progrès pour s’inscrire dans le paquet climatique européen : « Dans l’interprofession comme au sein du comité stratégique de filière, nous sommes en retard sur le plan européen », confirme Luc Charmasson, président de ce comité. Les fonds dédiés à l’écrêtement du marché carbone alimentent les réflexions sur une inflexion européenne de l’argumentaire de la forêt et du bois.