Isolation des logements : l’Argentine pressée d’agir

Le parc résidentiel argentin est notoirement mal isolé. Le neuf l’est aussi. Cela pourrait vite changer à partir du diagnostic d’efficience énergétique financé par l’Union européenne qui sera remis au gouvernement argentin le 5 août.

Réservé aux abonnés
L’isolation thermique et acoustique des logements n’est pas la priorité des Argentins, pour l’instant.
L’isolation thermique et acoustique des logements n’est pas la priorité des Argentins, pour l’instant.

Le groupe international d’experts du projet Efficience Énergétique Argentine, financé par l’UE à hauteur de 4,3 millions d’euros, révèlera ses résultats le 5 août prochain au siège de la fédération nationale des PME, à Buenos Aires, au terme de trois ans d’étude et de formation professionnelle.

Son diagnostic multisectoriel sera enrichi de 92 mesures d’économie d’énergie évaluées en fonction de leur impact net à l’horizon 2040. Il aidera - c’est son but - à insuffler au gouvernement d’Alberto Fernández une politique d’efficience énergétique, ni plus ni moins. La référence choisie des critères européens donne également son importance à cette étude qui devait être publiée sur internet  dans la foulée de la conférence de presse prévue.

« Une mesure phare parmi celles évaluées est l’amélioration de l’isolation thermique des logements, anticipe Alfredo Caprile, chef dudit projet. Cette mesure-là est coûteuse, mais très efficace vu les mauvaises performances thermiques de notre bâti », souligne-t-il.

Pas de matériaux isolants

Tous les professionnels consultés à Buenos Aires par Le Moniteur le confirment : les constructeurs de l’Argentine n’intègrent presque jamais de matériaux isolants spécifiques à l’enveloppe des bâtiments.

Le neuf ne fait pas exception à cette règle dite de la construction traditionnelle, faite de simples murs en briques enduits du même mortier qui les lie. « Les murs des pavillons de luxe des quartiers verts huppés de banlieue diffèrent peu de ceux des bicoques que les habitants des "villas miserias" élevent de leurs propres mains sous le périphérique », synthétise Federico García Zúñiga, professeur d’architecture de l’Université de La Plata et expert en la matière.

Plus grave encore, les grands ensembles de logements sociaux récemment construits dans le cadre de l’urbanisation de ces quartiers défavorisés (Estación Buenos Aires, Rodrigo Bueno, Camino de Sirga et Playón de Chacarita), sous l’égide de l’Institut du logement de la Ville de Buenos Aires (IVC), sont dépourvus de tout système structurel ad hoc de leur régulation thermique. « Ce n’est que de la brique », reconnaît le porte-parole de l’IVC, Miguel Quintana. Ce que confirme l’architecte Ayelen , chargée des finitions du chantier Estación Buenos Aires.

Le logement représente 28% de la consommation énergétique du pays

On l’aura compris : l’Argentine part du mauvais pied (d’une peau de misère, plutôt) dans sa lutte contre le réchauffement climatique. Car l’habitat y représente 28% de sa consommation énergétique totale ; 36% si l’on tient compte des commerces et des bâtiments publics, selon un bilan officiel fait en 2017. Les économies d’énergie potentielles que permettrait une meilleure isolation de ce parc résidentiel (14 millions d’édifices, dont 90% de maisons, selon le dernier recensement) sont énormes.

« Malheureusement, la construction traditionnelle est tellement enracinée qu’elle ne s’adapte pas aux exigences environnementales croissantes dans le monde », constate Federico García Z.  L’usage de laines bio-sourcées, par exemple, constitue une rareté. Leurs fournisseurs ne sont même pas des entreprises. Il s’agit d’initiatives individuelles, dit-il. Les normes nationales actuelles en matière d’isolation thermique des bâtiments sont celles de la France en 1974 », assène-t-il. Enfin, « au moment d’acheter un bien immobilier, l’immense majorité des Argentins ne se pose toujours pas la question de sa performance énergétique », assure Alfredo Caprile.

« Notre retard s’explique par un mélange de tout : ignorance, manque d’argent public et privé, absence de régulation... Tous les acteurs de la chaîne sont en cause », abonde Ayelen, architecte, qui a préféré garder l'anonymat.

Les acteurs publics, en particulier, sont responsables de cette léthargie. Les 22 provinces de l’Argentine ont toutes leur projet de loi d’étiquetage énergétique des bâtiments, mais aucune ne l’a encore promulgué ! Tout en sachant que le contrôle réel de la construction est exercé par les municipalités…

Isover leader mais peu vendeur

Pour l’heure, le marché argentin des matériaux isolants est petit et les fabricants ne dévoilent pas leurs chiffres. Impossible de le mesurer en m2 ou m3 posés par an. Avec son usine située à Lavallol et sa marque Isover, Saint-Gobain semble partir en pôle-position sur ce marché embryonnaire. Son partenaire Easy (groupe Cencosud) est le seul réseau de grande distribution du pays sur le secteur du bricolage/construction. Le vendeur du rayon Construction de l’Easy du quartier Barracas, à Buenos Aires, renseigne que les rouleaux de laine de verre de 5 cm d’épaisseur alignés sous son nez servent à isoler les cloisons intérieures entre deux plaques de Durloc. « Pour isoler les murs, le parpaing seul suffit, c’est bien mieux que la brique ! », conseille-t-il.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires