Quelle place occupe la gestion de l’eau, pour les professionnels du génie écologique et du paysage ?
Historiquement, la gestion des milieux aquatiques a constitué le premier moteur du développement du génie écologique, concentré sur le bon fonctionnement des écosystèmes. De leur côté, les entreprises du paysage se sont d’abord développées sur leur fonction ornementale.
La naissance de l’AIgéco, en 2014, avec la participation de l’Unep et de l’Union professionnelle du génie écologique, a créé une passerelle entre ces deux univers, suite à une demande exprimée par le ministère de la Transition écologique. Cette création a ouvert de nouveaux horizons aux entreprises du paysage : la dimension fonctionnelle est venue s’ajouter à la recherche de la beauté.
La prévention des crues a-t-elle joué un rôle important dans ce tournant ?
Oui, dans les campagnes comme dans les villes. En milieu rural, là où le remembrement favorisait les écoulements en ligne droite, les aménagements paysagers amènent le tamponnage et favorise l’infiltration, par la création de zones humides. En ville, l’eau s’intègre à la conception de nouveaux espaces. La gestion intégrée des eaux pluviales renforce la part urbaine du marché.
Cette évolution ne vous place-t-elle pas en concurrence frontale, face aux Travaux publics ?
Je suis plutôt enclin à souligner que tous les acteurs de l’aménagement ont leur place, dans le génie écologique, pour optimiser le rôle des solutions fondées sur la nature. Les TP ont un rôle énorme, pour minimiser l’imperméabilisation et répondre aux besoins d’accessibilité. Le bâtiment apporte également sa contribution à la gestion pluviale.
En aval des aménagements sans tuyaux, les espaces verts constituent le terrain d’accueil des précipitations. Pour optimiser cette fonction et sans oublier l’aspect esthétique, les entreprises prennent l’habitude de penser à privilégier les espaces en creux.
Les enjeux climatique et écologique conduisent-ils à repenser la palette végétale ?
Ce sujet conforte le rôle primordial de la compétence paysagère. Même s’il faut entretenir la biodiversité dans les deux cas, les options différeront, entre une tourbière en pleine nature et un aménagement urbain. Le choix doit aussi prendre en compte le réchauffement et répondre à la fréquence croissante d’événements pluvieux de plus en plus fréquents.
L’expertise végétale permet d’anticiper des services de stockage qui vont s’amplifier avec la croissance du système racinaire des arbres. Sur un même site, les terrains inondables accueilleront des plantes semi-aquatiques, alors que d’autres choix s’imposeront dans les parties plus élevées. Sur ce sujet, la réussite découle d’un bon partenariat entre le terrassier et l’entreprise du paysage.
Constatez-vous une évolution positive, dans cette coordination des compétences ?
Les choses vont dans le bon sens, depuis 20 ans. Après la sécheresse de 2022, puis les inondations depuis un an, l’actualité climatique aide à sortir des clivages. Un nombre croissant d’acteurs comprend la nécessité d’une remise en cause. Je pense notamment au conseil international Biodiversité et immobilier et au Syntec.
Depuis trois ans, je ressens aussi cette évolution dans le groupe de travail sur le génie écologique que j’anime à l’Unep. Nous nous ouvrons, et les autres aussi, comme le montre le travail en cours avec la FNTP et l’UPGE.
Sur quoi porte ce travail conjoint ?
Notre guide de la commande publique en génie écologique arrive en fin de rédaction, en vue d’une publication au début 2025. Nous y travaillons depuis plus de trois ans, aux côtés du ministère de la Transition écologique et de l’Office français de la biodiversité. Cette bible montrera aux acheteurs publics en quoi nos activités diffèrent des marchés traditionnels de l’aménagement, et quelles bonnes pratiques encourager.
En conception comme en réalisation, la mise en évidence de la place de l’écologue s’est imposée, aux côtés des autres compétences rassemblées par le génie écologique, pour relier la fonctionnalité hydraulique, la qualité du cadre de vie et la biodiversité. L’un des points clés consiste à prévoir, dans les marchés, la constante évolution des matériaux vivants sur lesquels nous travaillons.