Inondation : quand restaurer permet de protéger

Pour réduire les risques liés aux crues d'une rivière varoise, son lit est élargi et ses berges végétalisées avec des essences adaptées au climat local.

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Pour créer la mesure de compensation hydraulique, la Nartuby a fait l'objet d'une déviation provisoire dans un bras de délestage.

Le 15 juin 2010, des pluies torrentielles s'abattent sur le Var : en quelques heures, 400 mm d'eau, soit 400 l/m², tombent dans le département, causant la mort de 25 personnes et des dégâts considérables : ponts détruits, routes effondrées, bâtiments submergés, véhicules emportés. Les dommages se chiffreront à 1 milliard d'euros. La crue de la Nartuby, une rivière de 35 km de long affluent de l'Argens, est particulièrement dévastatrice.

A la suite de cet épisode dramatique, les pouvoirs publics créent le syndicat mixte de l'Argens (SMA) pour améliorer la gestion du bassin versant. Le programme d'actions de prévention des inondations (Papi) qui est alors élaboré prévoit de restaurer la rivière sur 4 km au niveau de Draguignan et Trans-en-Provence. Objectif : « Lui permettre d'accueillir 180 m3 /s d'eau alors que le seuil de débordement est de 40 m3 /s aujourd'hui », indique Claire Scarcériaux, ingénieure en charge du projet au SMA.

Les travaux commencent en juin 2024 après une longue concertation. « La Nartuby est un cours d'eau privé sur sa quasi-totalité, elle est donc incluse jusqu'au milieu de son lit dans la propriété des terrains adjacents », indique Claire Scarcériaux. Le projet était sécurisé par une déclaration d'utilité publique (DUP), mais le SMA tenait à ce que les discussions avec les riverains soient constructives. Il a donc fallu de nombreuses réunions publiques ainsi que des échanges en tête-à-tête avec les 160 propriétaires concernés qui, tous sauf un, ont accepté de céder leur terrain.

Réservoir d'une capacité de 1 million de m3

Pour atteindre leur objectif, le maître d'ouvrage et son maître d'œuvre, Ingérop, ajoutent entre 2 et 10 m au lit de la rivière tout en supprimant un seuil d'environ 2 m de haut. « Associer cette augmentation de la largeur et de la pente permettra d'atteindre le débit visé, explique Frédéric Sole, chargé d'affaires chez l'ingénieriste. Cela facilitera également le transit des matériaux charriés par la rivière en crue qui avaient tendance à s'accumuler par endroits et donc à favoriser les débordements. » Mais cet accroissement du débit de la Nartuby au droit des deux communes protégées pourrait renforcer les risques d'inondations pour celles à l'aval. Le projet inclut donc la construction d'une mesure de compensation hydraulique : quelques kilomètres après la zone de restauration, quatre épis de 3 à 5 m de part et d'autre de la rivière viennent réduire son lit sans le fermer pour autant, créant un réservoir d'une capacité de 1 million de m3 . Une fois le pic de la crue passé, l'eau s'écoulera à nouveau normalement du barrage.

Sur les 150 000 m3 de matériaux issus des terrassements, « 60 000 m3 sont réutilisés pour le remblai de cet ouvrage », précise Clément Christophe, conducteur de travaux du groupement qui réunit les entreprises Forézienne, Eiffage Génie civil et ID Verde. Si la totalité des déblais ne peuvent être réemployés sur place, une partie est revalorisée en gabions qui protègent les berges tandis que la fraction fine sert au remblaiement ou à la création de pistes. Quatre ponts sont démolis et reconstruits pour épouser le nouveau gabarit hydraulique de la rivière.

Saules et tamaris

Quant aux berges, elles sont adoucies pour permettre l'implantation de végétaux choisis pour leur adaptation au climat méditerranéen et pour leur système racinaire, garant de la tenue du terrain. Le choix des essences a été influencé par deux années de sécheresse historique créant des assecs prolongés de la Nartuby : saules et tamaris, couramment utilisés en bord de cours d'eau, ont été limités à la partie basse des berges tandis que la partie haute reçoit des espèces de garrigue : romarin, ciste, genévrier, myrte…

Le projet recourt à un large éventail de protections de berges : arbres, arbustes, prairie mais aussi fascines (branchages maintenus par deux rangées de piquets), caissons végétalisés, branches à rejets (végétaux plaqués sur la berge), le tout entremêlé avec des techniques minérales comme les enrochements et les gabions. « Nous avions différents faciès d'écoulement et contraintes hydrauliques, nous avons dû étendre la palette au maximum », indique Frédéric Sole. Une véritable vitrine déjà visitée par les syndicats voisins de l'Huveaune et du Gapeau.

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A l'origine du projet, les crues dramatiques de juin 2010 qui ont fait 25 victimes.

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Quatre ponts doivent être adaptés au nouveau gabarit hydraulique. Ici, la démolition du pont des Incapis.

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Après criblage, une partie des déblais est réutilisée sur le chantier sous forme de gabions.

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L'une des techniques employées pour protéger les berges consiste à construire des caissons en empilant des rondins perpendiculairement. Ils sont ensuite comblés de terre et végétalisés.

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L'espace nécessaire pour élargir le lit de la Nartuby de 2 à 10 m a parfois été difficile à trouver.

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Démoli et reconstruit, le pont Carrefour sera achevé fin juillet.

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La technique des branches à rejets consiste à fixer au sol des végétaux vivants qui reprendront rapidement leur croissance.

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Les fascines alternent les branches de saule vivantes et des matériaux terreux entre deux rangées de pieux battus.

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : syndicat mixte de l'Argens.

Maîtrise d'œuvre : Ingérop (mandataire) avec Hydrétudes et Geos (cotraitants).

Groupement de travaux : Forézienne (mandataire), Eiffage Génie civil, ID Verde.

Calendrier des travaux : de juin 2024 à mars 2026.

Coût de l'opération : 36 M€ HT.

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