Si la crise que connaît le secteur de la maison individuelle neuve ne se dément pas avec des mises en chantier en chute de 27,7 % et des autorisations en baisse de 21,8 % en cumul annuel à fin mars 2024, selon le Pôle Habitat de la FFB, certains constructeurs parviennent à se développer grâce à la mise en place de process industriels.
C’est le cas de Trecobat, basé à Lannilis (Finistère), qui constate une forte progression de la part des ventes de maisons à ossature bois, réalisées dans ses deux usines. « De 10 % il y a dix ans, elle représente autour d’un tiers du millier de maisons que nous commercialisons chaque année, précise Alban Boyé, son dirigeant. D’août 2022 à août 2023, l’activité liée à l’ossature bois a, elle, progressé de 38 % dans un contexte où la construction traditionnelle ralentit. » Sur un autre segment de marché, Quick Habitat, filiale d’Always Trading Gestion créée en 2015, produit chaque année entre 15 et 20 maisons – sur un périmètre de 40 km autour de Melun (Seine-et-Marne) – conçues avec des murs en béton préfabriqués par Préfa Béton, à Vuillecin (Doubs). « Nous sommes un petit constructeur mais nous ne subissons pas la crise, tant en termes de chiffre d’affaires que de volume », affirme son codirigeant, Nicolas Régnier. Avant d’en tirer toute conclusion hâtive, Julien Serri, délégué national aux affaires techniques du Pôle Habitat FFB, tempère : « Le hors-site en maison individuelle est marginal et représente moins de 1 % de la production. »
Un process maîtrisé mais coûteux. Pour les tenants de ce type de production, les bénéfices sont nombreux. « L’industrialisation permet de maîtriser les aléas climatiques et ceux liés à la main- d’œuvre en proposant un seul interlocuteur », explique Goulven Le Dru, directeur général délégué du constructeur de maisons à ossature bois Booa (groupe Burger et Cie), qui réalise 250 à 300 maisons par an dans son usine de Châtenois (Bas-Rhin), pour un effectif de 160 personnes. Ce process est aussi synonyme de gain de temps, de l’ordre de trois mois sur la phase gros œuvre, selon le dirigeant de Trecobat. Pour autant, aux yeux de Nicolas Régnier, « quelques mois de moins sur un projet de maison, ce n’est pas décisif. Nous avons d’abord choisi le hors-site pour éviter les causes de sinistralité propres à la construction traditionnelle. » Ces atouts constituent-ils une clé pour sortir le secteur de la crise ? Julien Serri ne le pense pas : « A moins de générer un volume conséquent, le procédé industriel a un coût supérieur à celui de la maison traditionnelle. Seul ce dernier permet de réaliser des logements abordables, entre 1 300 à 1 500 euros/m2, hors marge. Or, pour sortir de la crise du logement, l’urgence est de resolvabiliser les acquéreurs potentiels. » Les spécialistes de l’industrialisation l’admettent eux-mêmes. « Ce mode constructif n’est pas destiné à produire des maisons à bas prix, et nous sommes plutôt approchés par des CSP+ », confirme le codirigeant de Quick Habitat, alors qu’Alban Boyé évoque, lui, « des prix équivalents à la construction traditionnelle ».
Penser la diversification. Si industrialiser la construction d’une maison individuelle n’est pas à la portée de toutes les entre- prises, notamment en raison de l’importance des investissements à consentir, la démarche est un moyen de diversifier les segments de marchés adressés. Après avoir investi 4 M€ dans son usine Murébois implantée à Lannilis et 2,5 M€ dans son nouveau site de L’Hermitage (Ille-et-Vilaine), ouvert en juin 2023, le constructeur Trecobat porte sa capacité de production à 120 000 m2 par an, soit 600 maisons. « Se diversifier permet d’éviter de subir des charges quand survient un effet de cycle du marché, comme c’est actuellement le cas, estime Alban Boyé. Nous multiplions les segments d’offres avec, outre des maisons, des logements sociaux et une offre seniors dans les centres-bourgs. Nous produisons aussi bien pour des majors du BTP et des promoteurs que pour le secteur de la rénovation. » Booa suit la même stratégie. « Nous avons dimensionné la chaîne de fabrication pour passer, quand le contexte le permettra, à 1 000 maisons par an », détaille Goulven Le Dru. Si la mai- son industrialisée n’est pas une réponse complète à la crise, elle pourrait donc être celle de l’après-crise selon lui : « Quand les collectivités exigeront des chantiers courts et sans nuisance dans certains secteurs, quand la RE 2028 s’appliquera à tous, nous serons déjà prêts grâce à ce process industriel. »