A quels objectifs répond l'acquisition de l'autrichien Retail Outlet Shopping (ROS), annoncée par Frey fin juillet ?
Nous voulons conforter une position de leader européen du commerce de plein air, grâce à l'adjonction d'un nouveau métier qui entraîne une valorisation du groupe à plus de 3 Mds € au lieu de 2,1 Mds €. Jusqu'ici, nous nous sommes développés dans les retail parks, ces centres commerciaux qui mettent l'accent sur la qualité de l'aménagement extérieur. Depuis longtemps, nous ambitionnions de compléter nos compétences dans le métier des magasins d'usines, ce qui supposait d'intégrer des savoir-faire spécifiques, puisque les locataires y incarnent des marques, et non plus des enseignes.
Comment ce nouveau métier influe-t-il sur le modèle économique de vos sites ?
Nos implantations actuelles visent des consommateurs qui s'y rendent en une demi-heure, à raison d'une à deux fois par mois. Dans l'univers de l'outlet, la dynamique de gestion change complètement, car sa clientèle se situe en moyenne à deux heures de voiture et ne s'y rend qu'une à deux fois par an. ROS nous ouvre grand la porte de ce nouveau marché qui induit des zones de chalandise élargies. Développer cette activité permet d'accroître notre empreinte européenne qui couvre désormais 10 pays, au lieu de quatre jusqu'alors.
Cette acquisition comprend une opération en phase projet en Suède. En quoi consiste-t-elle ?
Corollaire de l'acquisition de ROS, le Malmö Designer Village se situe déjà en phase de précommercialisation avancée, ce qui permettra un démarrage des travaux dès la fin de cette année. L'investissement de 100 M€ aboutira à une première ouverture en 2026 sur 18 000 m2 . Une extension portera ensuite le total à 26 000 m2 , ce qui en fera le plus important magasin d'usine de Scandinavie, avec 135 marques.
Quelles perspectives de croissance attendez-vous de votre nouvelle filiale ?
Aujourd'hui, la France génère 65 % des 150 M€ de chiffre d'affaires réalisé par le groupe, avec 220 salariés. A très court terme, nous visons un équilibre à 50-50. ROS gardera sa spécificité et son savoir-faire. Nous l'intégrerons donc sans le digérer, tout en déployant nos méthodes. Dans les cinq ans à venir, il pourrait tripler son activité, Frey devenant son premier client pour opérer la transformation d'actifs existants. Cette diversification complétera nos deux autres leviers de croissance : d'une part, l'activité de gestion pour le compte de tiers, au service de propriétaires d'outlets ; d'autre part, le développement d'un portefeuille propre, actuellement constitué de 12 sites, dont nous prévoyons le doublement.
Fixez-vous une limite à cette stratégie de croissance ?
Nous ne cherchons pas la croissance à n'importe quel prix, et le qualitatif doit l'emporter sur le quantitatif. Au-delà des chiffres et des objectifs à cinq ans, nous voyons dans l'acquisition de ROS l'opportunité d'évoluer sur un terrain de jeu plus efficace qui fait de nous une entreprise véritablement paneuropéenne. Nous avons tout pour grandir, dans le prolongement d'une progression à deux chiffres, ininterrompue depuis la création de Frey en 1983.
Malgré votre cotation, conservez-vous les moyens de votre indépendance et de la préservation de votre identité rémoise ?
Dans l'entreprise cotée avec une part faible des capitaux flottants, je partage 80 % du capital avec des partenaires très solides. L'actionnariat associe principalement des compagnies d'assurance-vie françaises. Ce profil atypique conjugue élan entrepreneurial et ancrage institutionnel, dans une société qui revendique ses racines régionales, à Reims. On ne peut toutefois pas totalement échapper au tropisme parisien, comme en témoignent nos bureaux dans la capitale.
Comment les entreprises du BTP peuvent-elles accéder aux marchés ouverts par votre développement immobilier ?
Nous pilotons nos chantiers par corps d'état séparés ou par macrolots. Cette méthodologie s'est appliquée jusqu'ici aux créations et aux extensions. Elle se poursuivra dans la transformation d'actifs en outlets avec toujours un souci de qualité architecturale et paysagère.
Comment conciliez-vous vos engagements environnementaux avec une activité dépendante des déplacements en voiture individuelle ?
Comme société à mission labellisée B Corp, nous soumettons nos projets aux standards environnementaux les plus exigeants, tant sur le plan de la construction que celui des espaces verts. Il est vrai que, parmi les modes d'accès aux sites que nous exploitons, la voiture individuelle domine largement. Mais nous nous efforçons de participer à la mutualisation des transports. ROS pilote en direct la gestion de lignes de bus. Privilégiée, l'automobile ne restera pas indéfiniment un moyen de déplacement carboné. Nous contribuons à accélérer sa mutation vers l'électrique, en multipliant les implantations de bornes de recharge ultrarapides.
« Nous poussons l'idée d'apporter de la mixité fonctionnelle à des quartiers caractérisés par une architecture de boîte. Mais la conduite de ces projets longs et extrêmement complexes s'apparente à un chemin de croix. »
Les outlets souffrent d'une image de grands contributeurs à l'artificialisation des sols. N'y a-t-il pas là une contradiction avec les missions de Frey ?
Nous sommes 100 % ZAN. C'est une règle stricte.
Nous n'artificialisons jamais. La totalité de nos implantations consiste en une restructuration de sites déjà artificialisés.
Quel bilan tirez-vous de votre participation au programme gouvernemental de recomposition des entrées de ville ?
Cette contribution a pris la forme d'un véhicule de portage foncier que nous avons mis en place avec la Banque des territoires et CDC Habitat, fin 2022. Cinq opérations ont démarré, parmi lesquelles figurent celle de Mérignac (Gironde), dans la périphérie bordelaise, et la Patte d'oie d'Herblay, à Montigny-lès-Cormeilles (Val-d'Oise).
Nous poussons l'idée d'apporter de la mixité fonctionnelle à des quartiers caractérisés par une architecture de boîte.
Mais la conduite de ces projets longs et extrêmement complexes s'apparente à un chemin de croix. Pour réduire le cumul des contraintes, nous comptons sur des architectes rompus aux spécificités du commerce et capables de fabriquer des morceaux de ville avec cette compétence.
A Montigny-lès-Cormeilles, l'agence internationale L35 répond à cette exigence.