Pour décrire l'évolution souhaitée du quartier qui gravite autour de la gare de Rennes (Ille-et-Vilaine), les architectes chargés de la maîtrise d'œuvre urbaine, Philippe Gazeau et Louis Paillard, recourent à l'image du « paysage construit ». Au fil des livraisons, les nouveaux bâtiments ont filé la métaphore géographique : de part et d'autre des voies ferrées, qui figureraient un fleuve, se dressent des escarpements et s'ouvrent des canyons. Jusqu'alors, les édifices se drapaient dans des enveloppes métalliques anguleuses, jouant sur des nuances de gris granit.
Inauguré à l'été 2024 au nord du faisceau ferroviaire, l'îlot mixte Beaumont apporte à l'ensemble une pondération bienvenue, avec ses trois émergences à la géométrie limpide. Lauréats d'un concours organisé en 2018, les architectes - les aînés de l'agence Kempe Thill, basée aux Pays-Bas, ainsi que leurs cadets rennais de l'Atelier 56S -, ont préféré miser sur la « sincérité structurelle ». Directeur pour la région Ouest de Legendre Immobilier, la société de promotion porteuse du projet, Samuel Guilleux apprécie qu'ils aient « proposé une interprétation intelligente de la fiche de lot, pour produire une architecture simple mais fine. »
Des vues et de la lumière. L'aspect minéral, les pentes éventuellement évocatrices de massifs rocheux et les failles sont bien là mais, souligne André Kempe, « les biais des façades, qui donnent cet aspect pyramidal aux bâtiments, ne relèvent pas d'un jeu formaliste. Ce geste relativement modeste mais subtil sert à améliorer les conditions de vues et d'ensoleillement pour les gens qui y vivent ou y travaillent. » Ce mouvement d'ouverture était d'autant plus nécessaire que le programme est dense. Sur une emprise de 4 525 m², 25 319 m² SP ont été bâtis pour accueillir 208 logements (dont 121 sont de petites unités d'une résidence de type appart'hôtel) dans un immeuble de 17 étages, des bureaux dans les bâtiments voisins plus bas, ainsi que des restaurants et des services en rez-de-chaussée des immeubles et dans le socle commun filant, côté voies.
Autre parti pris, les concepteurs ont décidé de dépouiller leur réalisation des doubles peaux requises, pour laisser son squelette apparent. Sans distinction perceptible entre la tour d'habitation et les bureaux, les volumes ne sont que béton structurel et verre. Une expression simple, donc, mais délicate à mettre en œuvre.
L'effet d'affinement de la silhouette des édifices repose sur le retrait d'un niveau à l'autre, de 7,5 cm pour l'immeuble le plus haut et de 10 cm pour les deux autres édifices. Les complexes poteaux-poutres des exosquelettes ont dû être précisément calés pour régler le report des charges, garantir l'ajustement des ferraillages ou l'étanchéité du tout, et assurer un rendu final impeccable. Ces contraintes ajoutées à la situation de la parcelle, prise en tenaille entre les voies ferrées et une rue en courbe, ont conduit au choix de la préfabrication pour les éléments en béton de la façade. « Au total, 3 300 pièces ont été produites par notre unité de préfabrication, toute proche », décompte Samuel Guilleux. Legendre Immobilier fait en effet partie d'un groupe historiquement ancré en Ille-et-Vilaine, et dont la branche construction est reconnue pour son savoir-faire en béton.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Legendre Immobilier.
Maîtrise d'œuvre : Atelier Kempe Thill (architecte mandataire), Atelier 56S (architecte cotraitant). BET : Atelier Dots (paysagiste), Egis (ingénierie générale).
Principales entreprises : Legendre Construction (structure et éléments de façade préfabriqués en béton), OMS (structure métallique), Armor Etanchéité (étanchéité), Alu Rennais (menuiseries extérieures).
Surface totale : 25 319 m² SP.
Coût des travaux : 40 M€ HT.
