Dans les propositions que vous faîtes aux pouvoirs publics, vous insistez sur la densification et la transformation de l’habitat et des infrastructures…
Le béton représente un avantage : il se prête à la fois à la verticalité des ouvrages et à la réalisation d’infrastructures (tramway, pistes cyclables mais aussi au transport ferroviaire ou construction de canaux fluviaux). Ce que nous proposons, c’est d’utiliser le béton pour densifier le tissu urbain existant et limiter l’artificialisation des sols, ou de réutiliser le béton, avec des granulats de béton recyclé issus de la déconstruction.
Justement, où en est aujourd’hui la filière ?
Le taux de valorisation des bétons issus de la démolition ou de la déconstruction est environ de 85 %. Certes, tout ne va pas dans un nouveau béton. La matière récupérée est utilisée en majorité en sous-couche routière. Mais on peut utiliser le béton dans le béton.
C’est notre objectif. Et c’est par exemple ce qu’on a réalisé dans le cadre d’un immeuble démonstrateur dénommé « le Onze » à Chartres, porté par Procivis Eure-et-Loir : un ouvrage de 12 logements collectifs utilisant des granulats de béton recyclé dans les bétons. On souhaiterait dupliquer cette initiative et c’est pour cela que nous développons une plateforme d’économie circulaire nommée Agyre, qui permettrait d’agréger ces bonnes pratiques et d’aider à les appliquer. Il va falloir initialiser cette démarche avec l’ensemble des acteurs (concepteurs, metteurs en œuvre et industriels).
Pourquoi ne déconstruit-on pas plus ?
La déconstruction, ce n’est pas vraiment dans notre culture. Notre habitat ancien a une valeur patrimoniale donc on ne déconstruit pas, ou peu. Mais les bâtiments des trente dernières années (habitat collectif et individuel) n’ont pas la même qualité architecturale et technique. Aujourd’hui, les coûts liés à la démolition restent modérés. Une déconstruction avec un tri sélectif des matériaux (béton, terre cuite, plâtre, …) coûte un peu plus cher mais avec une filière de récupération bien organisée, la valorisation peut être optimisée.
Autre avantage, en déconstruisant par exemple des maisons individuelles, on peut densifier les terrains récupérés sur lesquels elles étaient bâties avec de nouveaux logements répondant notamment aux nouveaux critères énergétiques, là où on ne mettait qu’une seule habitation, aux exigences plus faibles, notamment thermiques, applicables à l’époque.
Est-ce que la filière est équipée pour répondre à ces défis ?
La transformation industrielle prendra du temps, et il faut laisser les innovations faire leur chemin. D’ailleurs, on voyait un fort mouvement d’innovation avant la crise. Après, il faut prendre en compte les attentes du client notamment au regard des réglementations récentes ou à venir ainsi que l’expertise des entreprises dans la mise en œuvre des nouvelles solutions. Tout cela nécessite une recherche approfondie et présente certains risques, notamment de malfaçon ou de mauvais usage. Or, le client veut l’innovation mais refuse le risque. Il faut enseigner également à l’utilisateur ce que représente le fait d’adopter l’innovation. Dans tout cela, le produit béton est hyperconnu, simple, durable, esthétique, au coût maîtrisé, et il est en train de porter son effort sur la réduction de l’empreinte carbone.
Comment ?
La filière a commencé depuis quelques années à « décarboner » le béton notamment via le ciment et ses liants hydrauliques. Il existe une dizaine de solutions. Encore faut-il les mettre en œuvre massivement via une transformation de l’outil industriel. C’est pourquoi nous demandons des investissements dans les programmes de recherche et développement ou dans des démonstrateurs pilotes pour les technologies de rupture en faveur de la décarbonation.
D’autre part, l’un des atouts majeur de la filière béton, c’est l’implantation de ses entreprises, leur ancrage local. Nous avons ainsi 4 500 sites à disposition. Il existe une proximité en matière de ressources : la ressource minérale est là, proche de nous et nous pouvons l’extraire, la transformer, avec l’objectif d’être en conformité avec les accords de Paris, en assurer l’approvisionnement dans une logique de boucle courte.
Enfin, on parle beaucoup d’E+C-. Mais l’inertie thermique, la résistance mécanique du béton ou encore sa résistance au feu sont des atouts qu’il ne faut pas oublier.