Quelles sont les missions de l’Alliance HQE-GBC ?
Philippe Van de Maele : Nous nous sommes fixés plusieurs missions et plusieurs rôles. La première mission, rôle historique d’HQE, c’est de mobiliser, de sensibiliser sur la notion globale du développement durable. C’est un vrai sujet de fond. Et dans cette logique, nous voulons accompagner la diffusion des connaissances, des bonnes pratiques, sur ce sujet. Avec un enjeu très fort : la transversalité. C’est la principale mission. Ensuite il s’agit d’anticiper l’avenir et de prévoir ce qui est à faire. Notre rôle est également d’être un interlocuteur des pouvoirs publics. Enfin nous sommes le membre français du World Green Building Council (World GBC) et à ce titre, nous voulons diffuser cette vision du développement durable à l’international.
Lors de l’assemblée générale du 30 janvier vous avez présenté les grands axes stratégiques. Quels sont-ils ?
Philippe Van de Maele : La stratégie générale c’est de faire partager notre vision transversale du développement durable (tant sur le plan social et environnemental qu’économique) et défendre cette idée de démarche globale multicritères.
Ensuite il y a quatre axes d’action majeurs. Le premier, c’est déployer et élargir le mouvement HQE avec le développement de nouveaux outils numériques notamment des outils d’évaluation en France et à l’international. Nous devons diffuser les actions du mouvement HQE pour que cette vision transversale se fasse au bénéfice de tout le monde.
Deuxième grand axe : Il me semble important, pour des raisons d’efficacité, de visibilité et de simplicité pour les maîtres d’ouvrage, de mieux articuler HQE avec les approches thématiques. On voit bien, quand on travaille thématique par thématique, qu’il y a toujours un élément qui veut avancer plus vite, que ce soit sur le carbone, l’énergie ou la biodiversité. Nous devons donc nouer des partenariats pour clarifier les différentes démarches et faire en sorte qu’elles soient cohérentes entre elles. C’est ce que nous avons commencé à faire d’ailleurs avec la Smart Building Alliance, sur le bâtiment intelligent, ou avec Orée pour la biodiversité. Quand il y a des acteurs qui veulent aller à fond sur un domaine, il est mieux que ça se fasse dans une logique de compatibilité avec HQE. Et Il est important de simplifier. Pour que les maîtres d’ouvrage n’aient pas à tourner la tête dans tous les sens. C’est d’ailleurs ce qui a été fait avec l’expérimentation E+C- lancée par l’Etat. Ainsi, les référentiels HQE pour les thèmes énergie et carbone sont calés sur E+C-. Ainsi, il sera plus facile pour tous d’embarquer la qualité de vie avec la transition environnementale.
Troisièmement, il y a notre développement international. De nombreux pays sont demandeurs d’une autre vision du développement durable que la vision américaine ou anglaise. Nous nous différencions par notre approche qui est fondée davantage sur une démarche ne listant pas les actions à mener mais les résultats à atteindre, une démarche plaçant l’homme au cœur du projet, une démarche sans modèle où il faut adapter les solutions aux caractéristiques de chaque projet (géographiques, climatiques, historiques, culturelles…). Nous participons à cette sensibilisation au développement durable qui est l’enjeu du 21e siècle. Avec l’objectif de passer faire passer HQE qui est dans le top 3 des marques internationales de certification à l’échelle mondiale (derrière Leed et Breeam ndlr) à la seconde place. Cette influence française à l’international, d’ailleurs, serait bénéfique pour l’économie de notre pays. Nous sommes une association reconnue d’utilité publique et ce rôle nous tient à cœur.
Comment passer de la 3e à la 2e position des certificateurs ? Leed et Breeam sont très bien implantés…
Philippe Van de Maele : Il y a un gap important c’est vrai. Et ça m’étonne que des investisseurs français choisissent les anglo-saxons … Ce qui fait la reconnaissance d’un label c’est sa réputation internationale. Il est probable que la vision américaine, anglo-saxonne était plus pragmatique au départ et répondait plus directement aux besoins. Mais aujourd’hui, je parie sur la partie aménagement quartier qui est une démarche nouvelle pour faire la différence. Et c'est justement là notre 4e axe : travailler à l’échelle du quartier.
La ville durable se décline à différentes échelles de façons différentes. A l’échelle de la ville, on a les grands enjeux d’organisation d’infrastructures publiques, on travaille à l’échelle du bâtiment mais on s’aperçoit assez naturellement qu’à l’échelle du quartier (même si le terme reste à définir), disons à l’échelle d’un ensemble d’une mixité de fonctions – logements, bureaux –, on peut encore s’améliorer grâce notamment aux nouvelles technologies qui permettent la mutualisation d’équipements, la mutualisation de la production d’énergie d’un bâtiment à l’autre. Cette échelle du quartier est cruciale. L’ONU note que dans les 30 ans la population urbaine va augmenter de 50 à 75 %. Comme la population mondiale va passer de 7 à 9 milliards d’êtres humains, ce sont donc de 2 à 3 milliards de personnes qui vont arriver dans les villes. Il faudra bien les accueillir. Deux solutions. Soit on fait ce que l’on a fait en France dans les années 60-70 : des grands quartiers - mais pour avoir travaillé à l’Anru on s’aperçoit que l’on a fait un certain nombre d’erreurs qui rendaient les projets pas tout à fait durables ; soit on laisse les bidonvilles se développer. Ce n’est pas la bonne solution selon moi. La ville française a une certaine image dans le monde avec cette idée que l’enjeu social est majeur. Avec les quartiers des années 60-70 on n’a peut-être pas mis l’homme suffisamment au cœur du projet. Inverser cette tendance c’est la spécificité d’HQE et pour cela, le quartier est une échelle d’action importante entre le bâtiment et la ville dans son ensemble. Dans cette optique, la démarche HQE Aménagement a pour objectif d’aider les collectivités et les aménageurs à gérer leur projet d’aménagement durable en fixant des objectifs cohérents au regard du développement durable et en organisant leur bon déroulement pour les atteindre. Le quartier durable, la ville durable, ce n’est pas si simple… : droit, gouvernance, modèle économique, rôle des acteurs publics et privés… mais nul doute que c’est la clé.
Quels seront vos partenaires ?
Philippe Van de Maele : L’idée c’est de travailler avec des partenaires importants tels que l’Institut de la Ville durable Vivapolis et l’Ademe. L’Etat aussi bien sûr.
Est-ce qu’il y aura des quartiers expérimentaux ?
Philippe Van de Maele : Il y a plusieurs aspects : on travaille sur des expérimentations à Paris –Saclay, un quartier neuf, mais on peut aussi faire des expérimentations sur l’Anru 2 avec des quartiers qui sont en renouvellement. Je ne doute pas que Nicolas Grivel (directeur de l’Anru ndlr) sera partant pour avoir ce type de quartiers. On travaillera sur des configurations différentes pour finaliser et affiner un référentiel qui pourra servir à tout le monde. On s’appuiera bien évidemment sur la démarche historique des éco-quartiers et les retours d’expériences d’HQE Aménagement que ce travail viendra enrichir.
Pour les quartiers, d’ailleurs, il y a une vraie demande internationale, d’états ou de collectivités locales qui souhaitent avoir un accompagnement. J’ai notamment en tête discours du Premier ministre indien qui veut créer 100 villes nouvelles. Je crois qu’on a des expériences à apporter et quelques démarches très intéressantes, entre l’échelle de l’impulsion publique et de l’impulsion privée avec beaucoup de partenariats public-privé.
A titre d’exemple, avec Paris-Saclay nous avons lancé un grand projet urbain innovant sur la ville durable pour essayer de déterminer, toujours avec l’homme au centre, ce qu’il faut prévoir en termes de services, d’usages, dans la ville de demain afin que nous puissions nous adapter au mieux et être le plus performant possible. Ace titre, la mutualisation de l’énergie et la mutualisation des parkings sont deux exemples de bon sens qu’il serait utile de développer un peu partout.
Vous avez un budget consacré pour cela ?
Philippe Van de Maele : Ce n’est pas avec l’argent que l’on juge de l’importance d’un sujet mais bien entendu nous avons prévu un budget au sein de l’association pour travailler sur ce sujet. Je pense que nos partenaires ont également des budgets pour cela.
A ce stade c’est quand même surtout du temps et de l’accompagnement des expérimentations mais ce n’est pas de l’argent destiné à mener des expérimentations. D’ailleurs je pense qu’il nous faudra trouver des partenaires qui seront intéressés pour accompagner financièrement la démarche. Ce qu’il faut c’est un mélange de partenaires privés qui investissent sur le morceau de ville et le Public qui investit pour les innovations. Le partenariat public-privé permet de bénéficier des meilleures innovations, des meilleurs assemblages. Mais l’important pour nous pour l’instant c’est de lancer la réflexion et la dynamique sur le quartier durable au sein de notre programme d’innovation collaborative HQE Performance.
Est-ce que vous avez un objectif chiffré d’expérimentations ? Un nombre de quartiers en tête ?
Philippe Van de Maele : Aujourd’hui des démarches au niveau du quartier durable il y en a. Le but, je le rappelle c’est de réussir à établir un référentiel commun dont tout le monde pourrait se servir.
A quelle échéance?
Philippe Van de Maele : A la fin de l’année prochaine – 2018 - ce serait parfait. Un référentiel c’est un gros travail avec beaucoup de partenaires.
Comment comptez-vous intégrer les expérimentations à votre démarche ?
Philippe Van de Maele : Prenons le cas de Smartseille. Un îlot réalisé par Eiffage au sein d’Euro Méditerranée à Marseille. Ils ont beaucoup de bonnes idées. Valérie David a fait un travail extraordinaire. A la base c’est du privé. Ce qui est important c’est de mettre en face la vision publique. Pour entrer dans le détail, on voit bien qu’un certain nombre de services selon la taille des îlots vont pouvoir être portés par du privé mais d’autres devront remonter aux pouvoirs publics. On est sur la notion de partage et d’association locale, de gouvernance locale. C’est un travail très complexe. L’idée pour nous c’est de donner des guidelines, recueillir des bonnes pratiques pour arriver à un référentiel qui permette à chacun de s’épanouir en fonction du contexte local. Typiquement sur Marseille, l’un des sujets c’est d’approfondir la notion de gestion de l’eau, du recyclage, de la récupération des eaux de pluies. C’est une question qui touche tout le sud de la France mais aussi d’autres pays. On est sur des contextes qui sont très différents, et de taille très différente, je n’oublie pas les territoires ruraux et centre-bourg.
Avec quels acteurs privés allez-vous travailler sur les différentes thématiques?
Philippe Van de Maele : Je vous ai cité la Smart Building Alliance par exemple qui est une association de professionnels qui travaillent sur le bâtiment intelligent. Le smart building, c’est l’un des aspects qu’il faut prendre en compte dans la logique de développement durable. Ils peuvent apporter beaucoup d’éléments dans la gestion, la performance énergétique et l’information des usagers. Donc, le but c’est de travailler avec cette association qui avance très vite sur le bâtiment intelligent (qui rentre dans la démarche HQE) pour que nos référentiels soient compatibles.
Nous sommes convaincus que la vision transversale est essentielle. Energie, biodiversité, bien-être au travail, il y a beaucoup de thématiques qui entrent dans notre champ de vision. Il y a bien sûr le couple énergie-carbone mais là nous avons la chance que l’Etat ait pris les devants. On se réjouit de travailler avec eux même si, à titre personnel, je m’interroge sur la notion de label d’Etat…