Il est 11 h, la température est de 29 °C, le taux d'humidité de 80 % et le vent souffle à 6 km/h en ce 12 mai 2025. A vrai dire, l'air est constamment chaud et humide à Saint-Laurent-du-Maroni, sous le climat équatorial de la Guyane. Un nouveau quartier de 35 ha, Balaté Nord, est en cours d'installation sur une friche industrielle en lisière de forêt - moins d'une dizaine d'hectares de végétations récentes ont dû être déboisés. Cette expansion offre une réponse à la forte croissance démographique de cette ville de 50 000 habitants, due en partie aux flux migratoires en provenance du Suriname voisin. Au sein du programme urbain, un lycée polyvalent de 16 700 m², d'une capacité de 1 300 élèves, sera livré à la rentrée prochaine.
Reliées par sept passerelles, deux ailes en R + 2, complétées par le bâtiment indépendant du centre de documentation, accueillent les salles de classe, l'administration, un espace de restauration et une salle de spectacle. Trois ateliers professionnels sont arrimés à l'une d'entre elles. Pour garantir le confort des occupants, la conception bioclimatique favorise la ventilation naturelle. « L'orientation et l'inflexion des volumes captent les vents dominants, à la brise légère, sous de larges toitures en débord qui protègent des surchauffes », explique l'architecte Jean-Michel Buron, fondateur de l'agence Epicuria Architectes, mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre. Il poursuit : « Les salles de classe, toutes équipées de brasseurs d'air, donnent sur des coursives et s'ouvrent sur les façades au moyen de jalousies, pour que les flux circulent transversalement. » En outre, deux puits dépressionnaires créeront des mouvements d'air dans le centre de documentation et la salle de spectacle.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre
Côté matériaux, l'utilisation de ressources locales a été prépondérante pour répondre à des problématiques de coût, de respect de la réglementation CE et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Grâce à une centrale située à 10 km du chantier, la structure primaire a ainsi pu être réalisée en béton (8 000 m3 ). Pour la mise en œuvre, Nofrayane, filiale de Vinci Construction Outremer, a dû composer avec la météo : « Entre octobre 2022 et avril 2024, nos équipes de gros œuvre ont été confrontées à près de six mois d'intempéries. La proximité de ressources locales nous a permis de respecter les délais et la qualité de l'ouvrage », raconte Frédéric Perroud, directeur de travaux.
Du bois tropical, en l'occurrence de l'angélique, a été employé pour les charpentes et les bardages (1 800 m3 ). Il est issu de forêts locales dont la gestion vise à maintenir un écosystème riche et luxuriant. « La possibilité de se déplacer en ballon gonflable pour aller chercher les bois a même été étudiée », illustre Jean-Michel Buron. « Cette essence dense, naturellement classée 3A, résiste aux alternances d'humidité et de sécheresse, aux insectes et champignons sans traitement », rapporte de son côté Benoît Rediguere, responsable de l'entreprise Probois, chargée de la charpente et du bardage.
Grande noue paysagère
Pour réguler encore l'hygro thermie du bâtiment, les murs sont composés de briques de terre crue, fabriquées par l'entreprise La Brique de Guyane. La végétation, qui doit être installée entre les deux ailes du bâtiment, apportera de la fraîcheur, et une grande noue paysagère permettra de réguler les montées d'eau dues aux précipitations importantes. Une leçon de conception dont la métropole, victime des chaleurs du changement climatique, pourrait s'inspirer pour ventiler des boîtes parfaitement isolées.

En amont de la construction, le terrain a dû être déforesté, et la latérite, une terre rouge, substituée sur 2 m par du sable afin d'assurer la portance de l'ouvrage.

Les ailes sont reliées par des passerelles. Les salles de classe traversantes, ventilées naturellement, donnent sur des coursives extérieures.

Dans la cantine, comme dans les salles de classe, de futurs brasseurs d'air au plafond abaisseront la température, sans recours à la climatisation.

La brique de terre crue est employée en double paroi (brique pleine, lame d'air, moucharabieh) afin de réduire encore la température intérieure.

Les façades sont parées de briques de terre compressée et de lames de bois d'angélique.

L'un des ateliers pédagogiques est ici réalisé en béton et charpente bois, ceinturé de lames horizontales à claire-voie, filtrant la lumière et offrant une ventilation traversante.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : collectivité territoriale de Guyane.
Maîtrise d'œuvre : Epicuria Architectes (mandataire), Amarante (architecte associé), Egis (structure, VRD, fluides), Détails Urbanisme et Paysage (paysagiste), Solener (environnement), Overdrive (économiste), Sigma (acoustique). Entreprises principales : Nofrayane (gros œuvre), Probois (charpente, bardage), Cegelec CVC (climatisation et ventilation), Axvert (espace vert).
Surface : 16 700 m² SP.
Montant des travaux : 48 M€ HT.