L’un des instruments du développement durable appliqué au bâtiment est le concept de haute qualité environnementale (HQE), apparu en France au début des années 90. Aujourd’hui, l’aire des pionniers est révolue, la démarche se structure et se diffuse largement grâce au développement de nouveaux outils.
Les maîtres d’ouvrage sont demandeurs de référentiels et de méthodes opérationnelles pour les guider dans leur démarche volontaire de management de la qualité environnementale des opérations de construction. L’Association HQE, créée en 1996, qui regroupe des organismes publics ou collectifs (associations, syndicats) représentant l’ensemble des acteurs du bâtiment, a proposé un premier référentiel en 2001. « En fait, un double référentiel, précise Michel Le Sommer, animateur du groupe de travail “Référentiels” de l’Association HQE, portant, d’une part, sur le système de management environnemental (SME) de l’opération, établi par le maître d’ouvrage, d’autre part, sur la définition explicite de la qualité environnementale (DEQE) du bâtiment, dès l’origine du projet. » Ces exigences peuvent se résumer en quatorze « cibles » (voir encadré ci-contre).
Déclinaison des référentiels de base. Après quelques années d’expérimentation et de rodage, la démarche HQE débouche aujourd’hui sur des projets de certifications et de normalisation. La norme NF P 01-020-1 « Qualité environnementale des bâtiments - Partie 1 - cadre méthodologique pour la description et la caractérisation des performances environnementales et sanitaires des bâtiments », inspirée du référentiel HQE, a été publiée par l’Afnor en mars dernier. Elle doit être suivie d’un deuxième volet portant sur les méthodes d’évaluation. Par ailleurs, une commission ISO, sous présidence et secrétariat français (FFB et Afnor), est chargée de travailler sur la normalisation internationale du « développement durable dans la construction ».
Côté certification, un premier projet portant sur les bâtiments tertiaires et conduit par le CSTB a débouché sur les premières opérations certifiées début 2005. Cette certification concerne aujourd’hui seulement les immeubles de bureaux et d’enseignement. Les autres secteurs suivront. « En effet, explique Patrick Nossent, responsable du pôle Qualité et certifications au CSTB, les deux référentiels SME et DEQE d’origine constituent des ”métaréférentiels” applicables à tous les bâtiments et qui manquent donc de précision lorsqu’on se penche sur un critère précis pour un type de bâtiment donné. Par exemple, le confort visuel n’est pas appréhendé de la même manière en maison individuelle et dans un immeuble de bureaux. Il s’exprime par des niveaux de performance différents. D’où la nécessité d’élaborer des référentiels spécifiques par type de bâtiment, mais sur la base du même métaréférentiel. » Les commerces et les hôtels seront les prochains bâtiments dotés d’un référentiel spécifique, probablement en 2006. Viendront ensuite les bâtiments dédiés à la santé et au sport.
Et comme l’impact des bâtiments sur leur environnement ne s’arrête pas à la fin du chantier, les maîtres d’ouvrage sont aussi demandeurs de méthodes pour appliquer la démarche HQE lors de l’exploitation des bâtiments. Un premier référentiel est attendu pour l’exploitation des bureaux d’ici à fin 2006.
« Gestes verts » des occupants. La certification « Habitat et Environnement » a été élaborée par Cerqual, filiale de Qualitel, pour les logements neufs collectifs et individuels groupés. Elle s’appuie sur un référentiel comprenant sept thèmes environnementaux. Deux thèmes concernent l’organisation des acteurs de l’opération : le management environnemental de l’opération et le chantier propre. Quatre thèmes sont d’ordre technique : l’énergie et la réduction des gaz à effet de serre, la filière constructive et le choix des matériaux, l’eau et enfin le confort et la santé. Le dernier thème relève de l’information pédagogique des occupants et des gestionnaires : les gestes verts. Pour prétendre à la certification Habitat et Environnement, six thèmes au moins doivent être satisfaits, dont trois sont obligatoires (management de l’opération, énergie-effet de serre, gestes verts).
Incitations à la certification. Si la démarche de certification est totalement volontaire dans la plupart des cas, elle commence à être incitée par certaines collectivités locales. On compte parmi les volontaires le groupe Logirep, entreprise sociale pour l’habitat. Souhaitant placer les enjeux du développement durable parmi ses priorités, il s’engage à obtenir la certification Habitat et Environnement pour toutes ses opérations de logements neufs. Dans le registre incitatif, la Semavip (Société d’économie mixte d’aménagement urbain de la Ville de Paris) exigera la certification Habitat et Environnement auprès des maîtres d’ouvrage dans le cadre des cahiers des charges de cession de terrain sur son territoire. L’établissement public d’aménagement (EPA) Seine-Arche exige également, depuis avril 2004, que l’ensemble des immeubles d’habitation de l’opération Seine-Arche soient certifiés selon ce référentiel.
Des crédits préférentiels sont aussi mis en place pour réaliser des bâtiments respectueux de l’environnement à condition que la démarche soit certifiée. Ainsi, Dexia Crédit Local a signé, en mars, une convention avec Cerqual pour proposer des solutions de financement privilégiées aux organismes de logement social engagés dans une démarche de certification de qualité environnementale. Et quelques jours plus tard, c’est avec le CSTB que l’organisme financier a signé une convention de partenariat pour le financement d’opérations du secteur tertiaire public certifiées « NF bâtiments tertiaires-démarche HQE ».
Si la certification d’opérations HQE a été développée par l’Association HQE pour protéger ses marques déposées HQE et Démarche HQE des contrefaçons que sont les autoproclamations parfois abusives, « elle est aussi réclamée par les investisseurs privés, notamment étrangers, qui exigent des garanties pour s’affirmer socialement et écologiquement responsables », remarque Dominique Bidou, président de l’Association HQE.
Développements tous azimuts. On comprend alors que la demande se fasse pressante de décliner de nouveaux référentiels pour tous types de bâtiments : les collectivités locales et les aménageurs y trouvent le moyen d’imposer aux maîtres d’ouvrage les exigences qui permettront de respecter leurs propres engagements pour le développement durable ; les maîtres d’ouvrage peuvent valoriser leur démarche auprès des investisseurs, assureurs, etc. « La certification NF Maison individuelle-démarche HQE pour le secteur diffus devrait être proposée par Cequami fin 2005-début 2006 aux constructeurs déjà certifiés NF-Maison individuelle », prévoit Patrick Nossent. La certification de logements existants après bilan patrimonial et travaux de réhabilitation sera, quant à elle, lancée dès septembre. Délivrée par Cerqual, elle comportera une déclinaison environnementale s’appuyant sur le concept de la certification Habitat et Environnement et de la démarche HQE. Par ailleurs, une recherche est menée par l’Association HQE et les professionnels du transport (RATP, SNCF, La Poste, Aéroports de Paris…) pour décliner le référentiel de démarche HQE aux bâtiments logistiques. Les bâtiments industriels auront peut-être également leur référentiel dans quelques années. Le CSTB suit actuellement deux opérations pilotes. La difficulté est ici de distinguer l’impact sur l’environnement du bâtiment proprement dit de celui du process industriel.
Le concept de démarche HQE séduit aussi au-delà du bâtiment. Des travaux sont en cours dans les domaines de l’aménagement (voir encadré ci-contre) et des infrastructures de transport. Le conseil général du Nord a lancé une démarche exploratoire sur son patrimoine routier pour élaborer une ébauche de méthodologie.