A la fois architectural et urbain, touchant à la réhabilitation comme à la construction neuve, le plus gros investissement jamais engagé par la ville de Colmar a franchi le 24 février le cap de l'avant-projet détaillé, avec un budget total de 27,3 millions d'euros HT. « Les trois heures de débat qui ont précédé l'approbation ont constitué un des plus grands moments de ma vie de maire de Colmar », confie Gilbert Meyer. L'élu annonce une présentation officielle de l'extension du musée Unterlinden à la presse nationale, mi-mai à Paris avec Herzog et De Meuron.
Un mur de briques cassées
Face au cloître et à la chapelle du XIIIème siècle dont les 3500 m2 ne suffisent plus à présenter les collections, « une deuxième cour apportera sa symétrie à l'ensemble », annonce Christine Binswanger, Senior Partner de l'agence. Le doublement des surfaces résultera d'une part de la réhabilitation des bains municipaux de la fin du XIXème siècle et de leurs annexes, d'autre part d'une extension qui fermera la seconde cour. Avec son pignon incliné qui se prolonge dans la toiture de cuivre, ses fenêtres rectangulaires à l'intérieur et ogivales à l'extérieur, l'empreinte architecturale de Herzog et De Meuron se manifeste sans ostentation sur le bâtiment neuf relié aux anciens bains. Les murs en briques cassées, dont la rugosité et l'hétérogénéité évoqueront les pierres du cloître médiéval, donnent aux lauréats 2001 du Prix Pritzker d'architecture l'occasion de prolonger des recherches antérieures : « Avec une expression totalement nouvelle, nous poursuivons le travail sur la brique engagé par notre agence avec la Tate Modern de Londres », explique Christine Binswanger.
Entre les deux cours, l'unité du projet repose sur un pavillon central de taille modeste, implanté à la place de l'entrée d'anciennes dépendances du cloître, démolies au XIXème siècle. Sous la traditionnelle toiture à double pan, le pignon de verre donnera aux passants un aperçu de la galerie de liaison entre les deux cours. Ce volume souterrain se compose de trois salles d'exposition totalisant 800 m2, dédiées aux collections du XIXème siècle, conformément à sa fonction de liaison entre les œuvres anciennes du cloître médiéval et l'art contemporain, présenté dans l'extension et dans les anciens bains. En surface, la réapparition de l'eau du canal de la Sinn contribuera à la transfiguration de la place d'Unterlinden. Rendu possible par la disparition de l'ancienne gare routière, le traitement de l'espace intermédiaire entre les deux cours lui donnera un statut digne de sa situation, à l'extrémité de l'hyper-centre historique et à côté du couvent rendu célèbre par le cloître d'Issenheim.
« Un rêve raisonnable »
Pour rénover l'édifice médiéval, les architectes suisses coordonnent leur projet avec les prescriptions de Richard Duplat, architecte en chef des monuments historiques. Le déplacement de l'entrée, au centre de la façade, donnera aux visiteurs un accès direct au cloître. La rénovation se concentrera sur l'isolation de la toiture, l'atténuation des fluctuations thermiques et hygrométriques et l'homogénéisation du sol, restitué dans son niveau ancien avec des dalles dans toute sa surface.
Sur le plan commercial, le pari conjoint de la ville de Colmar et de la société Martin Shongauer, association gestionnaire du musée, porte sur une fréquentation annuelle de 500 000 visiteurs : « Un rêve raisonnable, eu égard aux 350 000 personnes enregistrées dans des années récentes », estime Gilbert Meyer. Un rêve auquel les architectes bâlois ne cachent pas leur plaisir de contribuer : « Cette région est aussi la nôtre », rappelle Christine Binswanger.
