Haubanage dissymétrique sur quatre nappes

LE CHANTIER Le pont de Ting Kau, à Hongkong. LE PROGRAMME Etablir une liaison autoroutière de 1 177 m sur un bras de mer, entre l'axe ville-aéroport et les nouveaux territoires. LES SOLUTIONS Trois pylônes oblongs de hauteurs distinctes ; deux tabliers parallèles, écartés par des entretoises métalliques ; quatre nappes de haubans, toutes différentes, ancrées en tête de pylône sur des « sacoches » en acier ; des haubans de stabilisation longitudinaux et transversaux, qui battent le record du monde de longueur.

« Ce qui est compliqué, c'est qu'il n'existe aucune symétrie sur l'ouvrage, explique Jérôme Stubler, responsable du département méthodes et structures de Freyssinet. La géographie est contraignante, parce qu'il faut se raccorder au réseau routier existant, particulièrement dense à Hongkong. En conséquence, nous avons eu recours à plusieurs astuces de conception. »

Première idée : le tablier est porté par trois pylônes. « Cela est le fruit d'un compromis entre le besoin de réduire les portées maximales pour mieux tenir au vent et la nécessité de limiter le nombre d'appuis dans l'eau, qui présentent par définition des risques de chocs avec les bateaux », indique Paul McBarron, directeur d'Austress, la filiale australienne de Freyssinet. Le pont de Ting Kau comprend donc une travée de 475 m, une de 448 m et deux de 127 m ; l'ensemble est prolongé, au Nord, par un viaduc d'accès en béton (voussoirs à inertie variable) de 620 m. Les pylônes sont tous à des hauteurs différentes : 162 m, 194 m et 167 m. Ils sont fondés sur des pieux dont la profondeur atteint 27 m. La pile centrale a même nécessité la création d'une île artificielle, au moyen de 502 000 m3 de matériaux. En section, les pylônes présentent une forme oblongue, dont les dimensions diminuent à deux reprises en montant vers le sommet.

Deuxième idée : le tablier est divisé en deux plates-formes distinctes parallèles pour réduire les contraintes de flexion transversale et de torsion. Il a donc été convenu de construire les deux tabliers de part et d'autre des pylônes, à 4,50 m de distance. Des entretoises métalliques, mises en place à raison de deux par voussoir, garantissent toutefois l'écartement des tabliers et la raideur transversale. Les plates-formes ont, en effet, une propension naturelle à se rapprocher l'une de l'autre. Conséquence : le haubanage est démultiplié sur quatre nappes - une de chaque côté de chaque tablier -, ce qui sous-entend que les câbles sont inclinés selon des pentes variables. En raison du virage dessiné par le pont à son extrémité nord, les haubans situés à l'extérieur de la courbe comptent un nombre de torons plus important.

En définitive, Ting Kau peut être assimilé à deux ponts à haubans parallèles qui seraient retenus latéralement par les mêmes pylônes. En sachant que l'un ne peut exister sans l'autre, les efforts s'équilibrant astucieusement entre les deux ouvrages. Aujourd'hui achevé, le pont fait penser à un bateau à voiles... sans les voiles bien sûr !

Les plus longs haubans du monde

Troisième idée, dont la paternité revient au bureau d'études allemand Schlaich : des haubans dits « de stabilisation » viennent rigidifier l'ensemble du pont, pour le renforcer en cas de typhon. L'astuce consiste à faire passer les charges transversales dans les pylônes. Pour ce faire, ces derniers sont donc haubanés transversalement, pour trianguler leur sommet : deux paires de câbles (deux triplets pour la pile centrale), composées de 55 torons, partent du point bas des ancrages courants, en tête de pylône, pour s'écarter jusqu'aux extrémités d'une poutre métallique transversale, une barre de flèche horizontale qui est fixée au béton de la pile, juste sous le tablier, mais indépendante de celui-ci. Ces haubans convergent à nouveau en dessous, à peu près à mi-hauteur du tirant d'air. Chacun mesure 60 m.

Grande nouveauté aussi : d'immenses haubans, longitudinaux cette fois, stabilisent le pylône central, qui est le plus sollicité, et ce dans un plan vertical, dans l'axe du viaduc. « Il s'agit de quatre câbles de 55 torons, dont la longueur bat le record du monde : 480 m (sur le pont de Normandie, les haubans les plus longs mesurent 450 m), précise Jérôme Stubler. Ce sont de gros câbles, dont la tension est difficile à trouver, car il faut s'efforcer de ne pas trop leur imposer d'efforts, tout en tirant dessus suffisamment pour qu'ils ne se détendent pas car, alors, ils ne serviraient plus à rien. Leur base est équipée d'amortisseurs antivibrations. »

Les haubans courants, eux, sont au nombre de 456 et représentent le plus gros tonnage du monde pour un pont de ce type (2 800 t). Leur structure est identique à celle des haubans du pont sur le Tage. Les torons sont protégés par une gaine spiralée en polyéthylène. En revanche, leurs ancrages sur pylône sont originaux : ils sont en fait pris en charge par des têtes métalliques (en jaune sur les photos), qui sont accrochées, à l'image de sacoches, sur le béton, grâce à des barres de précontrainte. Cette solution permet de simplifier la partie « génie civil » : les pylônes forment de simples « I » centraux sur l'axe du pont.

FICHE TECHNIQUE

Maître d'ouvrage : Highways Dept of Hong Kong.

Maître d'oeuvre : Schlaich Bergermann und Partners.

Entreprises : Ting Kau Contractors Joint Venture, comprenant Cubiertas y Mzov, Entrecanales y Tavora, Downer and Co Ltd, Paul Y. Construction Co Ltd, Ed. Züblin AG ; sous-traitant haubans : Freyssinet (SGE).

Coût : 1,348 milliard de francs, dont 96millions pour les haubans.

PHOTOS

Au sommet des pylônes, les haubans sont ancrés dans une pièce métallique (en jaune) qui est fixée sur le béton par précontrainte, à l'image d'une sacoche. Cela permet de simplifier la conception du pylône.

Pour pouvoir résister aux typhons, le tablier a été divisé en deux. L'ouvrage se compose donc de deux ponts parallèles, maintenus écartés l'un de l'autre par des entretoises métalliques, mises en place au droit de chaque hauban, tous les 6,75 m.

De section oblongue, les pylônes se trouvent entre les deux tabliers du pont. Pour les rigidifier dans le sens transversal, des haubans de stabilisation relient la tête du pylône à son pied, en passant par les extrémités d'une poutre en acier solidaire du pylône. Les tabliers, eux, sont indépendants de l'ensemble.

La grande originalité de ce pont : son mode de haubanage. Les câbles sont répartis sur quatre nappes : deux verticales, dans l'axe des pylônes et deux inclinées, sur les côtés du tablier.

Les torons des haubans sont protégés par une gaine spiralée en polyéthylène, comme sur le pont Vasco-de-Gama, à Lisbonne. En revanche, à Ting Kau, les ancrages en pied ne sont pas complètement intégrés dans le tablier.

Le pont de Ting Kau, à Hongkong, vient d'être ouvert à la circulation. Il marque le départ, depuis la nouvelle route de l'aéroport, vers les nouveaux territoires chinois. Ses trois pylônes reposent sur des fondations profondes et une île artificielle a été créée au milieu du bras de mer.

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