Au-delà des problèmes d'approvisionnement et des hausses des prix des matières premières et de l’énergie, presque inhérentes à tout conflit armé entre deux pays dont l’un est un géant producteur, et leurs répercussions en France (voir encadré), quel impact auront les sanctions économiques annoncées par l’Europe et les Etats-Unis ?
En Russie d’abord, 500 entreprises françaises ou à capitaux français emploient plus de 160 000 salariés principalement dans les industries extractives (pétrole, gaz, services de soutien aux industries extractives) qui représentent 11 Mds € d’investissement. Nombre d’entreprises françaises sont également impliquées dans la construction d’infrastructures énergétiques comme les installations de Yamal LNG (TotalEnergies) ou encore le fameux gazoduc Nord Stream 2 (Engie).
Parmi ces entreprises regroupées en 2010 par Vladimir Poutine au sein d’un « Conseil économique franco-russe », on compte également Saint-Gobain, Legrand et Vinci.
Pas de "business as usual"
En 2014, lors du premier confit entre l’Ukraine et la Russie autour de la Crimée, la major était en pleine réalisation du premier tronçon du projet d’autoroute à péage Moscou-Saint-Pétersbourg (43 kilomètres), d’un montant de 1 milliard d’euros, et venait de remporter le contrat de construction du stade du Dynamo de Moscou pour la Coupe du monde 2018. Malgré les sanctions de l’époque, l’autoroute a été inaugurée en 2019 et le stade achevé sans problème.
Mais il pourrait bien ne pas y avoir de "business as usual" cette fois-ci. Les économistes craignent en effet que les sanctions, plus dures qu’en 2014, ne fragilisent l’économie russe et impactent par exemple le vaste programme de construction et de rénovation énergétique de logements dans lequel s'est lancée la Russie.
Leader sur ce marché qui représente 0,5% de son chiffre d’affaires global, Saint-Gobain par la voix de son directeur général Benoit Bazin s’est voulu rassurant le 24 février lors de la présentation des résultats du groupe : « Notre organisation multi-locale fait que le marché russe est alimenté par des produits conçus en Russie. Est-ce que les sanctions vont ralentir voire arrêter l'activité de la construction en Russie ? Je ne pense pas, même s’il est trop tôt pour le dire. Je ne suis en tout cas pas inquiet d’un impact du conflit sur notre activité dans le reste du monde. »
En Ukraine ensuite, on voit mal comment les chantiers de rénovation de stations d'eau potable à Kiev et dans la région séparatiste de Lougansk (est) dont les contrats d’un montant global de 140 M€ ont été alloués au printemps 2021 à des groupements comprenant entre autres Eiffage, Egis et Razel-Bec pourraient être tenus.
La commission des affaires économiques du Sénat s'alarme du risque de "black-out" électrique
Dans un contexte de grave crise énergétique, renforcée par les perspectives d’un conflit durable en Ukraine, la commission des affaires économiques du Sénat alerte sur les conditions d’approvisionnement à moyen terme de la France en électricité. "Alors que l’activité de production nucléaire du groupe EDF est tombée à un niveau jamais vu depuis le début des années 1990" et que 12 arrêts de réacteurs nucléaires ont été annoncés fin février, "l’indépendance énergétique du pays est pénalisée" estiment les sénateurs. « Réseau de transport d’électricité (RTE) relève un recours « quasi systématique » aux importations depuis novembre, avec des pics proches des « capacités techniques maximales » d’importation en décembre » » notent-ils. RTE qui envisage sérieusement des « coupures ciblées, locales, temporaires et maîtrisées » pénalisantes pour les ménages, les entreprises et les collectivités. Une situation de « vigilance particulière », qui court jusqu’en 2024 et qui pourrait s’aggraver au vu de la situation russo-ukrainienne : la France dépend en effet, pour près de 20 % de ses approvisionnement en gaz, de la Russie, rappellent les Sénateurs.